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CLIT ANDRE.

Je m'abandonne à ta conduite.

LUBIN.

Teftiguenne que j'aurai là une habile femme, elle a de l'efprit comme quatre.

SCENE V.

GEORGE DANDIN, LUBIN..

GEORGE DANDIN.

Oicy mon homme de tantôt. Plût au Ciel qu'il pût fe refoudre à vouloir rendre témoignage au pere & à la mere de ce qu'ils ne veulent point croire. LUBIN.

Ah vous voila Monfieur le babillard, à qui j'avois tant recommandé de ne point parler, & qui me l'aviez tant promis. Vous etes donc un caufeur & vous allez redire ce que l'on vous dit en fecret.

Moi!

GEORGE DANDIN.

LUBIN.

Oui. Vous avez été tout rapporter au mari. Et vous étes caufe qu'il a fait du vacarme. Je fuis bienaife de fçavoir que vous avez de la langue, & cela m'apprendra à ne vous plus rien dire.

GEORGE DANDIN.

Ecoute, mon ami.

LUBIN.

Si vous n'aviez point babillé, je vous aurois conté ce qui fe paffe à cette heure. mais pour vôtre punition vous ne fçaurez rien du tout.

GEORGE DANDIN.

Comment? Qu'est-ce qui fe paffe?
LUBIN.

Rien,rien. Voilà ce que c'eft d'avoir caufé, vous n'en tâterez plus, & je vous laiffe fur la bonne bouche. GEORGE DANDIN,

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GEORGE DANDIN.

Je ne te veux dire qu'un mot.

Tome 111.

Fff

LU

A LUBIN.

Nennin, nennin, vous avez envie de me tirer les vers du nez.

GEORGE DANDIN.

Non, ce n'eft pas cela.

LUBIN.

Eh quelque fat. Je vous vois venir.
GEORGE DANDIN.

C'est autre chofe. Ecoute.

LUBIN.

Point d'affaire. Vous voudriez que je vous diffe que Monfieur le Vicomte vient de donner de l'argent à Claudine, & qu'elle l'a mené chez fa Maitreffe. Mais je ne fuis pas fi bête.

GEORGE DANDIN.

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JE

SCENE VI.

GEORGE DANDIN.

E n'ay pû mé fervir avec cet innocent de la penfée que j'avois. Mais le nouvel avis qui lui eft échapé, feroit la même chofe, & fi le galant eft chez moi ce feroit pour avoir raifon aux yeux du pere & de la me、 re, & les convaincre pleinement de l'effronterie de leur fille. Le mal de tout ceci c'eft que je ne fçay comment faire pour profiter d'un tel avis. Si je rentre chez moi, je feray évader le drôle, & quelque chofe que je puiffe voir moi même de mon deshonneur, je n'en ferai point crû à mon ferment, & l'on me dira que je rêve. Si d'autre part je vay querir beaupere & belle-mere fans être für de trouver chez moi le galant, ce fera la même chofe, & je retomberay dans l'inconvenient de tantôt. Pourrois-je point m'éclaicir doucement s'il y eft encore? Ah Ciel! il n'en faut plus douter, & je viens de l'appercèvoir par le trou de la porte. Le fort me donne ici de quoy con

fon

fondre ma partie, & pour achever l'avanture il fait venir à point nommé les juges dont j'avois befoin..

SCENE VII.

MONSIEUR ET MADAME DE SOTENVILLE, GEORGE DANDIN.

E

GEORGE DANDIN.

Nfin vous ne m'avez pas voulu croire tantôt, & vôtre fille l'a emporté fur moi. Mais j'ay en main de quoi vous faire voir comme elle m'accommode, & Dieu merci mon deshonneur eft fi clair maintenant que vous n'en pourrez plus douter.

Mr. DE SOTENVILLE.

Comment,mon gendre, vous étes encore là-deflus?
GEORGE DANDIN.

Oui j'y fuis,& jamais je n'eûs tant de fujet d'y être.
Me. DE SOTENVILLE.

Vous nous venez encore étourdir la tête?
GEORGE DANDIN.

Ouï, Madame, & l'on fait bien pis à la mienne.
Mr. DE SOTENVILLE.
Ne vous laffez-vous point de vous rendre impor-

fun?

GEORGE DANDIN.

Non, mais je me laffe fort d'être pris pour dupe.
Me. DE SOTENVILLE.

Ne voulez-vous point vous défaire de vos pensées extravagantes?

GEORGE DANDIN.

Non, Madame, mais je voudrois bien me défaire d'une femme qui me deshonore,

Me. DE SOTENVILLE.

Jour de Dieu, nôtre gendre, apprenez à parler.
Mr. DE SOTENVILLE.
Corbleu, cherchez des termes moins offençans
què ceux-là.

GEORGE DANDIN.
Marchand qui pert, ne peut rire.

Me. DE SOTENVILLE.

Souvenez-vous que vous avez épousé une Demoi

felle

Fff 2

GEOR

GEORGE DANDIN.

Je m'en louviens affez, & ne m'en fouviendrai que trop.

Mr. DE SOTENVILLE.

Si vous vous en fouvenez, fongez donc à parler d'elle avec plus de refpe&t.

GEORGE DANDIN.

Mais que ne fonge-t-elle plûtôt à me traiter plus honnêtement? Quoy, parce qu'elle eft Demoiselle, il faut qu'elle ait la liberté de me faire ce qui luy plaît; fans que j'ole fouffler.

Mr. DE SOTENVILLE.

Qu'avez. vous donc,& que pouvez-vous dire? N'avez-vous pas vû ce matin qu'elle s'eft deffenduë de connoître celuy dont vous m'étiez venu parler? GEORGE DANDIN.

Oui. Mais vous, que pourrez-vous dire, fi je vous fais voir maintenant que le galant eft avec elle? Me. DE SOTENVILLE.

Avec elle?

GEORGE DANDIN.

Qui, avec elle, & dans ma maison.

Mr. DE SOTENVILLE.

Dans votre maison?

GEORGE DANDIN.

Oui. Dans ma propre maison.

Me. DE SOTENVILLE.

Si cela eft, nous ferons pour vous contr'elle.
Mr. DE SOTENVILLE.

Oui. L'honneur de nôtre famille nous eft plus cher que toute chofe, & fi vous dites vrai, nous la renoncerons pour nôtre lang, & l'abandonnerons à vôtre colere.

GEORGE DANDIN.

Vous n'avez qu'à me fuivre.

Me. DE SOTENVILLE.

Gardez de vous tromper.

Mr. DE SOTENVILLE.

N'allez pas faire comme tantôt.

GEORGE DANDIN.

Mon Dieu, vous allez voir. Tenez. Ay-je-menti?

SCE

SCENE VII.

ANGELIQUE, CLITANDRE, CLAUDINE,
Mr. ET Me. DE SOTENVILLE,
GEORGE DANDIN.

ANGELIQUE.

A Dieu. J'ay peur qu'on ne vous furprenne ici, & j'ay quelques melures à garder.

CLITAN DRE.

Promettez-moi donc, Madame, que je pourrai

vous parler cette nuit.

ANGELIQUE.

J'y ferai mes efforts.

GEORGE DANDIN.

Approchons doucement par derriere, & tâchons de n'être point vûs.

CLAUDINE.

Ah! Madame, tout eft perdu. Voilà vôtre pere, & vôtre mere accompagnez de vôtre.

Ah Ciel!

CLIT ANDRE.

ANGELIQUE.

Ne faites pas femblant de rien, & me laiffez faire tous deux. Quoy vous ofez en ufer de la forte, aprés l'affaire de tantôt, & c'eft ainsi que vous disfimulez vos fentimens? On me vient rapporter que vous avez de l'amour pour moi, & que vous faites des deffeins de me folliciter. J'en témoigne mon dépit, & m'explique à vous clairement en prefence de tout le monde. Vous niez hautement la chofe, & me donnez parole de n'avoir aucune pensée de m'offencer, & cependant le même jour vous prenez la hardieffe de venir chez moi me rendre vifite, de me dire que vous m'aimez, & de me faire cent fots contes pour me perfuader de répondre à vos extravagances; comme fi j'étois femme à violer la foi que j'ay donnée à un mari, & à m'éloigner jamais de la vertu que mes parens m'ont enfeignée. Si mon pere fçavoit cela, il vous apprendroit bien à tenter de ces entreprifes. Mais une honnête femme n'aime point les éclats. Fff a

Elle

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