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LUBIN,

Adieu beauté rude âniere.

CLAUDINE.

Le mot eft amoureux.

LUBIN.

A dieu rocher, caillou, pierre de taille, & tout ce qu'il y a de plus dur au monde.

CLAUDINE.

Je vais remettre aux mains de ma Maitreffe... Mais la voici avec fon Mari, éloignons-nous, & attendons qu'elle foit feule.

SCENE II.

GEORGE DANDIN, ANGELIQUE,
CLITANDRE.

GEORGE DANDIN.

Non non, on ne m'abufe pas avec tant de facilité, & je ne fuis que trop certain que le rapport que l'on m'a fait eft véritable. J'ay de meilleurs yeux qu'on ne penfe, & votre galimatias ne m'a point Lantôt ebloui.

CLITANDRE au fond du Théatre.

Ah la voila. Mais le mari eft avec elle.

GEORGE DANDIN.

Au travers de toutes vos grimaces, j'ay vû la vérité de ce que l'on m'a dit, & le peu de refpect que vous avez pour le noeud qui nous joint. Clitandre & An· gelique fe faluënt. Mon Dieu laiffez là vôtre reverence; ce n'eft pas de ces fortes de refpects dont je vous parle, & vous n'avez que faire de vous moquer.

ANGELIQUE.

Moi me moquer! en aucune façon.

GEORGE DANDIN.

Je feai vôtre penfee & connois... Clitandre & Angelique fe refalient. Encore? ah ne raillons pas davantage! je n'ignore pas qu'à caufe de vôtre noblefle vous me tenez fort au deffous de vous, & le refpect que je vous veux dire ne regarde peint ma perfonne. J'entens parler de celui que vous devez à des na uds auffi vénérables que le font ceux du mariage. Angelique fait figne à Clitandre. Il ne faut point lever

les

1s épaules, & je ne dis point de fottifes. ANGELIQUE.

Qui fonge à lever les epaules?

GEORGE DANDIN.

Mon Dieu nous voyons clair. Je vous dis encore une fois que le mariage eft une chaîne à laquelle on doit porter toute forte de respect, & que c'eft fort mal fait à vous d'en uter comme vous faites. Angelique fait figne de la tête. Oui oui, mal fait à vous, & Vous n'avez que faire de hocher la tête,& de me faire la grimace.

ANGELIQUE.

Moy! je ne fçay ce que vous voulez dire.

GEORGE DANDIN.

Je le fçai fort bien moi, & vos mépris me font connus. Sije ne fuis pas né Noble, au moins fuis-je d'une race où il n'y a point de reproche, & la famille des Dandins..

CLIT ANDRE

Derriére Angelique fans être apperçeû de Dandin.
Un moment d'entretien.

Eh?

GEORGE DANDIN.

ANGELIQUE.

Quoi je ne dis mot.

GEORGE DANDIN, tourne autour de fa femme, & Clitandre feretire en faisant une grande revérence à George Dandin.

Le voilà qui vient roder autour de vous.

ANGELIQUE.

Hé bien, eft-ce ma faute? Que voulez-vous que j'y faffe?

GEORGE DANDIN.

Je veux que vous y faffiez ce que fait une femme qui ne veut plaire qu'à fon mari. Quoi qu'on en puifle dire, les Galans n'obfédent jamais que quand on le veut bien;il y a un certain air doucereux qui les attire ainfi que le miel fait les mouches, & les honnêtes femmes ont des maniéres qui les fçavent chaffer d'abord.

ANGELIQUE.

Moy les chaffer? & par quelle raifon? je ne me fcandalife point qu'on me trouve bien faite, & cela me fait du plaifir. GEOR

GEORGE DANDIN.

Oui. Mais quel perfonnage voulez-vous que joue un mari pendant cette galanterie?

ANGELIQUE,

Le perfonnage d'un honnête-homme qui eft bienaife de voir la femme confidérée

GEORGE DANDIN.

&

Je fuis vôtre valet. Ce n'est pas là mon conte, les Dandins ne font point accoûtumez à cette mode-là.

ANGELIQUE.

Oh les Dandins s'y accoûtumeront s'ils veulent. Car pour moi je vous déclare que mon deffein n'est pas de renoncer au monde, & de m'enterrer toute vive dans un mari. Comment, parce qu'un homme s'avife de nous époufer, il faut d'abord que toutes chofes foient finies pour nous, & que nous rompions tout commerce avec les vivans? C'eft une chofe merveilleufe que cette tyrannie de Meffieurs les maris, & je les trouve bons de vouloir qu'on foit morte à tous les divertiffemens, & qu'on ne vive que pour eux. Je me moque de cela, & ne veux point mourir fi jeune.

GEORGE DANDIN. C'eft ainfi que vous fatisfaites aux engagemens de la foi que vous m'avez donnée publiquement.

ANGELIQUE.

Moi! je ne vous l'ay point donnée de bon cœur,& vous me l'avez arrachée. M'avez-vous avant le mariage demandé mon confentement, & fi je voulois bien de vous? Vous n'avez confulté pour cela que mon pere & ma mere; ce font eux proprement qui vous ont époufe, & c'eft pourquoi vous ferez bien de vous plaindre toûjours à eux des torts que l'on pourra vous faire. Pour moi, qui ne vous ay point dit de vous marier avec moi, & que vous avez prife fans confulter mes fentimens, je prétens n'être point obligée à me foûmettre en efclave à vos volontez, & je veux jouir, s'il vous plaît, de quelque nombre de beaux jours que m'offre la jeuneffe; prendre les douces libertez, que l'âge me permet, voir un peu le beau monde & goûter le plaifir de m'oûir dire des douceurs. Préparez-vous y pour vôtre punition, &

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rendez graces au Ciel de ce que je ne fuis pas capable de quelque chofe de pis.

GEORGE DANDIN.

Oui! c'est ainsi que vous le prenez. Je fuis vôtre mari, & je vous dis que je n'entens pas cela.

ANGELIQUE.

Moi je fuis votre femme, & je vous dis que je l'entens.

GEORGE DANDIN.

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Il me prend des tentations d'accommoder tout fon vilage à la compôte, & le mettre en état de ne plaire de fa vie aux difeurs de fleurettes. Ah, allons, George Dandin, je ne pourrois me retenir, & il vaut mieux quitter la place.

SCENE III.

CLAUDINE, ANGELIQUE.

CLAUDINE.

J'avois, part que vous savez.

'Avois, Madame, impatience qu'il s'en allât pour

ANGELIQUE.

Voyons. Elle lit bas.

CLAUDINE à part.

A ce que je puis remarquer, ce qu'on lui écrit ne lui déplaît pas trop.

ANGELIQUE.

Ah Claudine que ce billet s'explique d'une façon galante! que dans tous leurs difcours, & dans toutes leurs actions les gens de Cour ont un air agréable! & qu'est-ce que c'eft auprés d'eux que nos gens de

Province ?

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Je croi qu'aprés les avoir vûs, les Dandins ne vous plaifent gueres.

ANGELIQUE.

Demeure ici, je m'en vais faire la réponse.

CLAUDI NE.

Je n'ay pas befoin, que je penfe, de lui recommander de la faire agréable. Mais voici...

SCE

SCENE IV.

CLITANDRE, LUBIN, CLAUDINE

CLAUDINE.

Rayment, Monfieur, vous avez pris là un habiVie meffager.

CLITA NDRE.

Je n'ay pas ofé envoyer de mes gens, mais, ma pauvre Claudine, il faut que je te recompenfe des bons offices que je fçai que tu m'as rendus. Il foille dans fa poche.

CLAUD.IN E.

Eh!Monfieur il n'eft pas néceffaire.Non, Movfieur, vous n'avez que faire de vous donner cette peine là, & je vous rends fervice parce que vous le méritez,& que je me fens au cœur de l'inclination pour vous. CLIT ANDRE.

Je te fuis obligé. Il luy donne de l'argent.

LUBIN.

Puis que nous ferons maricz, donne-moi cela que je le mette avec le mien..

CLAUDINE.

Je te le garde auffi-bien que le baifer."

CLITAN DRE.

Dy-moy, as-tu rendu mon billet à tabelle Mai

trefie ?

CLAUDINE.

Oui, elle est allée y répondre.

CLITAN DRE.

Mais, Claudine, n'y a-t-il pas moyen que je la puiffe entretenir?

CLAUDINE.

Öüi, venez avec moi, je vous feray parler à elle. CLITAN DRE.

Mais le trouvera-t-elle bon, & n'y a-t-il rien à rifquer?

CLAUDINE.

Non, non, fon mari n'eft pas au logis? & puis, ce n'eft pas lui qu'elle a le plus à ménager, c'eft fon pere & fa mere, & pourvû qu'ils foient prévenus, tout le refte n'eft point à craindre.,

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