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rer de vous, s'il vous plaît, un éclairciffement de cette affaire.

CLIT ANDRE.

Voilà une étrange médifance. Qui vous a dit cela, Monfieur?

Mr. DE SOTENVILLE..
Quelqu'un qui croit le bien fçavoir.
CLIT ANDRE..

Ce quelqu'un-là en a menti. Je fuis honnête homme. Me croyez-vous capable, Monfieur, d'une action auffi lâche que celle-là? Moi aimer une jeune & belle perfonne, qui a l'honneur d'étre la fille de Monfieur le Baron de Sotenville? Je vous revere trop pour cela, & fuis trop vôtre ferviteur. Quiconque vous l'a dit, eft un fot.

Mr. DE SOTENVILLE...

Allons, mon gendre.

GEORGE DANDIN..

Quoi?

CLIT ANDRE.

C'eft un coquin & un maraut.

Mr. DE SOTENVILLE..

Répondez.

GEORGE DANDIN..

Répondez vous-même.

CLIT ANDRE.

Si je fçavois qui ce peut être, je lui donnerois en vôtre prefence de l'épée dans le ventre.

Mr. DE SOTENVILLE.

Soûtenez donc la chofe.

GEORGE DANDIN..

Elle est toute foûtenue, cela eft vrai.

CLIT ANDRE..

Eft-ce vôtre gendre, Monfieur, qui...
Mr. DE SOTENVILLE.
Oui, c'est lui-même qui s'en eft plaint à moi.
CLITAN DRE.

Certes,il peut remercier l'avantage qu'il a de vous appartenir, & fans cela je lui apprendrois bien àtenir de pareils discours d'une perfonne comme moi..

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Mr. ET Mẹ. DE SOTENVILLE, ANGELIQUE, CLITANDRE, GEORGE DANDIN, CLAUDINE.

Me. DE SOTENVILLE..

Pour ce qui eft de cela, la jaloufie eft une étrange chofe! j'amene ici ma fille pour éclaircir l'affaire en prefence de tout le monde."

CLIT ANDRE.

Eft-ce donc vous, Madame, qui avez dit à vôtre mari que je fuis amoureux de vous.

ANGELIQUE..

Moi! & comment lui aurois-je dit? Est-ce que· cela eft? Je voudrois bien le voir vraiment que vous fuffiez amoureux de moi. Jouez-vous y, je vous en prie, vous trouverez à qui parler. C'est une chofe que je vous confeille de faire. Ayez recours pour voir à tous les détours des Amans. Effayez un peu par plaifir à m'envoier des ambaffades, à m'écrire fecretement de petits billets doux,à épier les momens que mon mari n'y fera pas, ou le temps que je fortiray, pour me parler de vôtre amour. Vous n'avez qu'à y venir, je vous promets que vous ferez recett comme il faut.

CLIT AND RE.

Hé là là, Madame, tout doucement. Il n'eft pas neceffaire de me faire tant de leçons, & de vous tant fcandalifer. Qui vous dit que je fonge à vous aimer?

ANGELIQUE.

Que fçai-je moi ce qu'on me vient conter ici?

CLITAN DRE.

On dira ce que l'on voudra. Mais vous fçavez fi je vous ay parlé d'amour, lors que je vous ay rencon

trée.

ANGELIQUE.

Vous n'aviez qu'à le faire, vous auriez été bierz

venu.

CLITAN DRE. Je vous affûre qu'avec moi vous n'avez rien à craindre. Que je ne fuis point homme à donner du

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chagrin aux belles, & que je vous refpecte trop, & vous & Meffieurs vos parens, pour avoir la pensée d'être amoureux de vous.

Me. DE SOTENVILLE.

Hé bien vous le voyez.

Mr. DE SOTENVILLE. Vous voilà fatisfait, mon gendre, que dites-vous à cela?

GEORGE DANDIN.

Je dis que ce font là des contes à dormir debout. Que je fçai bien ce que je fçai, & que tantôt, puifqu'il faut parler, elle a receu une ambaffade de fa part.

ANGELIQUE.

Moi, j'ay receu une ambassade?

CLIT ANDRE.

J'ay envoyé une ambaslade?

ANGELIQUE.

Claudine.

CLIT ANDRE.

Eft-il vrai ?

CLAUDINE.

Par ma foi voilà une étrange fauffeté.

GEORGEDANDIN.

Taifez-vous, carogne que vous étes. Je fçai de vos nouvelles, & c'est vous qui tantôt avez introduit Je Courrier.

Qui mo

CLAUD-IN E.

GEORGE DANDIN.

Oui vous. Ne faites point tant la fucrée.

CLAUDINE.

Helas! que le monde aujourd'hui eft rempli de méchanceté, de m'aller foupçonner ainsi, moi qui fuis l'innocence même.

GEORGE DANDIN.

Taifez-vous, bonne piece. Vous faites la fournoife. Mais je vous connois il y a long-temps; & Vous étes une deffalée.

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CLAUDINE.

Madame eft-ce que...

GEORGE DANDIN.

Taifez-vous, vous dis-je, vous pourriez bien por

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er la folle enchère de tous les autres.Et vous n'avez point de pere Gentilhomme.

ANGELIQUE.

C'est une impofture fi grande, & qui me touche fi fort au cœur, que je ne puis pas même avoir la force d'y répondre; cela eft bien horrible d'être accufee par un mary lors qu'on ne luy fait rien qui ne foit à faire. Helas! fi je fuis blâmable de quelque chofe, c'eft d'en ufer trop bien avec lui.

: Affûrément.

CLAUDIN E.

ANGELIQUE.

Tout mon malheur eft de le trop confidérer, & plût au Ciel que je fuffe capable de fouffrir comme il dit les galanteries de quelqu'un, je ne ferois pas tant à plaindre. Adieu, je me retire, & je ne puis plus endurer qu'on m'outrage de cette forte.

Me. DE SÖTENVILLE.

Allez, vous ne méritez pas l'honnête femmequ'on vous a donnée.

CLAUDINE.

Par ma foi, il mériteroit qu'elle lui fit dire vrai, & fi j'étois en fa place je n'y marchanderois pas.Oui, Monfieur, vous devez, pour le punir, faire l'amour à ma Maîtreffe. Pouflez, c'est moi qui vous le dis, ce fera fort bien employé, & je m'offre à vous y fervir, puis qu'il m'en a deja taxée.

Mr. DE SOTENVILLE.

Vous méritez, mon gendre, qu'on vous dife ces chofes là, & vôtre procédé met tout le monde con

tre vous.

Mc. DE SOTENVILLE.

Allez, fongez à mieux traiter une. Demoiselle bien née, & prenez garde déformais à ne plus faire de pareilles béveues.

GEEORGE DANDIN. J'enrage de bon cœur d'avoir tort, lors que j'ay raifon,

CLITAN DRE.

Monfieur, vous voyez comme j'ay été fauffement accufé. Vous étes homme qui fçavez les maximes du point d'honneur, & je vous demande raifon de l'affront qui m'a été fait,

Mr.

Mr. DE SOTENVILLE.

Cela eft jufte, & c'eft l'ordre des procédez. Allons, mon gendre, faites fatisfaction à Monfieur. GEORGE DANDIN.

Comment fatisfaction?

Mr. DE SOTENVILLE.

Oui. Cela fe doit dans les régles pour l'avoir à tort accufé.

GEORGE DANDIN.

C'eft une chofe moi dont je ne demeure pas d'accord de l'avoir à tort accufé, & je fçay bien ce que j'en pense.

Mr. DE SOTEN VILLE.

Il n'importe. Quelque penfée qui vous puiffe refter, il anié, c'eft fatisfaire les perfonnes, & l'on n'a nul droit de fe plaindre de tout homme qui fe dédit.

GEORGE DANDIN.

Si bien donc que fi je le trouvois couché avec ma femme, il en feroit quitte pour fe dedire.

Mr. DE SOTEN VILLE.

Point deraifonnement. Faites-lui les excuses que

je vous dis.

GEORGE DANDIN.

Moi, je lui fera: encore des excufes aprés...
Mr. DE SOTENVILLE.

Allons; vous dis-je. Il n'y a rien à balancer, &. vous n'avez que faire d'avoir peur d'en trop faire, puifque c'eft moi qui vous conduis.

GEORGE DANDIN.

Je ne fçaurois...

Mr. DE SOTENVILLE.

Corbleu, mon gendre, ne m'échauffez pas la bile, je me mettrois avec luy contre vous. Allons. Laiflez vous gouverner par moi.

GEORGE DANDIN.

Ah George Dandin!

Mr. DE SOTENVILLE.

Vôtre bonnet à la main le premier, Monfieur eft Gentilhomme, & vous ne l'eres pas.

J'enrage.

GEORGE DANDIN.

Mr..

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