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doit fe refferer; tellement que le nombre des chefs diminue en raifon de l'augmantation du peuple.

AU RESTE je ne parle ici que de la force relative du Gouvernement, & non de fa rectitude: Car au contraire, plus de magiftrat eft nombreux, plus la volonté de corps se rapproche de la volonté générale; au lieu que fous un magiftrat unique cette même volonté de corps n'eft, comme je l'ai dit, qu'une volonté particuliere. Ainfi l'on perd d'un côté ce qu'on peut gagner de l'autre, & l'art du Législateur eft de favoir fixer le point où la force & la volonté du Gouvernement, toujours en proportion réciproque, fe combinent dans le rapport le plus avantageux à l'Etat.

CHAPITRE IX.
Divifion des Gouvernemens.

ON A vu dans le chapitre précédent pour

quoi l'on diftingue les diverfes efpeces ou formes de Gouvernemens par le nombre des membres qui les compofent; il reste à voir dans celui-ci comment fe fait cette divifion.

LE SOUVERAIN peut, en premier lieu, commettre le dépôt du Gouvernement à tout le peuple ou à la plus grande partie du peuple, en forte qu'il y ait plus de citoyens magistrats

que

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que de citoyens fimples particuliers. On donne à cette forme de Gouvernement le nom de Démocratie.

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OU BIEN il peut refferrer le Gouvernement entre les mains d'un petit nombre, en forte qu'il y ait plus de fimples Citoyens que de magiftrats, & cette forme porte le nom d'Ariftocratic.

ENFIN il peut concentrer tout le Gouvernement dans les mains d'un magiftrat unique dont tous les autres tiennent leur pouvoir. Cette troifieme forme eft la plus commune, & s'appelle Monarchie ou Gouvernement royal.

ON DOIT remarquer que toutes ces formes ou du moins les deux premieres font fufceptibles de plus ou de moins, & ont même une affez grande latitude; car la Démocratie peut embraffer tout le peuple ou fe refferrer jufqu'à la moitié, l'Ariftocratie à fon tour peut de la moitié du peuple fe refferrer jufqu'au plus 'petit nombre indéterminement. La Royauté même eft fufceptible de quelque partage. Sparte eut conftamment deux Rois par fa constitution, & l'on a vu dans l'empire romain jufqu'à huit Empereurs à la fois, fans qu'on pût dire que l'Empire fût divifé. Ainfi il y a un point où chaque forme de Gouvernement fe confond avec la fuivante, & l'on voitique fous trois feules dénominations, le Gouvernement est réG elle

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ellement fufceptible d'autant de formes diverfes que l'Etat a de Citoyens. to dat IL Y A plus: Ce même Gouvernement pouvant à certains égards fe fubdivifer en d'autres parties, une adminiftrée d'une maniere & l'autre d'une autre, il peut réfulter de ces trois formes combinées une multitude de formes mixtes, dont chacune eft multipliable par toutes les formes fimples.

ON A de tous tems beaucoup difputé for la meilleure forme de Gouvernement, fans con- fidérer chacune d'elles eft la meilleure en certains cas, & la pire en d'autres.

que

Si DANS les différens Etats le nombre des magiftrats fuprêmes doit étre en raifon inverfe de celui des Citoyens, il s'enfuit qu'en général le Gouvernement Démocratique convient aux petits Etats, l'Ariftocratique aux médiocres, & le Monarchique aux grands. Cette regle fe tire immédiatement du principe, mais comment compter la multitude de confiftances qui peuvent fournir des exceptions?

CRLUT

CHAPITRE IV.

De la Démocratie,

ELUI qui fait la loi fait mieux que perfonne comment elle doit être exécutée & in

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terprétée il femble donc qu'on ne fauroit avoir une meilleure constitution que celle où le pouvoir exécutif eft joint au legislatif: Mais c'est cela même qui rend ce Gouvernement infuffifant à certains égards, parce que les chofes qui doivent être diftinguées ne le font pas, & que de prince & le Souverain n'étant que la même perfonne, ne forment, pour ainsi dire, qu'un Gouvernement fans Gouvernement.

IL N'EST pas bon que celui qui fait les loix les exécute, ni que le corps du peuple détourne fon attention des vies générales, pour les donnet aux objets particuliers. Rien n'est plus dangereux que l'influence des intérêts privés dans les Affaires publiques, & l'abus des loix par le Gouvernement est un mal moindre que la corruption du Législateur, fuite, infaillible des vues particulieres. Alors l'Etat étant alt altéré

dans fa fubstance, toute reforme devient impoffible. Un peuple qui n'abufetoit jamais du Gouvernement n'abuferoit pas non plus de l'indépendance; un peuple qui gouverneroit tou jours bien n'aurois pas befoin d'être gouverné.

A PRENDRE le terme dans la rigueur de l'acception, il n'a jamais exifté de véritable Démocratie, & il n'en existera jamais. Il eft contre l'ordre naturel que le grand nombre gouverne & que le peuple foit gouverné. On ne peut imaginer que le peuple refte inceffamment

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affemblé pour vaquer aux affaires publiques, & l'on voit aifément qu'il ne fauroit établir pour cela des commiffions fans que la forme de l'adminiftration change.

ÉN EFFET, je crois pouvoir pofer en principes que quand les fonctions du Gouverne ment font partagées entre plufieurs tribunaux, les moins nombreux acquierent tôt ou tard la plus grande autorité; ne fut ce qu'à caufe de la facilité d'expédier les affaires, qui les y amene naturellement.

D'AILLEURS que de chofes difficiles à réunir ne fuppofe pas ce Gouvernement? Premie rement un Etat très petit où le peuple foit fa→ čile à raffembler & où chaque citoyen puiffe aifément connoître tous les autres: fecondement une grande fimplicité de mœurs qui prévienne la multitude d'affaires & les difcuffions épineules: Enfuite beaucoup d'égalité dans les rangs & dans les fortunes, fans quoi l'égalité ne fanroit fubfifter longtems dans le droits & l'au torité: Effin peu ou point de luxe; car, oule luxe eft l'effet des richeffes, ou il les rend né ceffaires: il corrompt à la fois le riche & le pauvre, l'un par la poffeffion l'autre par la convoiife;ilvend la patrie à la moleffe à la vaniré; ibôté à l'Etat tops fes Citoyens pour les affervir les uns aux autres, & tous à l'opinion VOILA pourquoi un Auteur célebre aidon

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