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chaque Citoyen ait une Religion qui lui faffe aimer fes devoirs; mais les dogmes de cette Religion n'intereffent ni l'Etat ni fes membres qu'autant que ces dogmes fe rapportent à la morale, & aux devoirs que celui qui la pròfeffe eft tenu de remplir envers autrui. Chacun peut avoir au furplus telles opinions qu'il lui plait, fans qu'il appartienne au Souverain d'en connoftre: Car comme il n'a point de compétence dans l'autre monde, quel que foit le fort des fujets dans la vie à venir ce n'eft pas fon affaire, pourvu qu'ils foient bons citoyens dans celle-ci.

IL Y A donc une poffeffion de foi pute ment civile dont il appartient au Souverain de fixer les articles, non pas précisément comme dogmes de Religion, mais comme fentimens de fociabilité, fans lefquels il eft impoffible d'être bon Citoyen ni fujet fidelle *. Sans pouvoir obliger perfonne à les croire, il peut bannir de l'Etat quiconque ne les croit pas; il peur le bannir, non comme impie, mais comme infociable, comme incapable d'aimer fincerement les loix la juftice, & d'immoler au befoin

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Cefar plaidant pour Catilina tâchoir d'établir le dogme de la moralité de l'ame; Caton & Ciceron pour le refuter ne s'amuferent point à philofopher; il fe conten terent de montrer que Cefar parloit en mauvais Citoyen & avançoit une doctrine pernicieufe à l'Etat. En effer voilà dequoi devoit juger le Sénat de Rome, & non d'une queftion de theologie.

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fa vie à fon devoir. Que fi quelqu'un, après avoir reconnu publiquement ces mêmes dogme, fe conduit comme ne les croyant pas, qu'il foit puni de mort; il a commis le plus grand des crimes, il a menti devant les loix.

LES dogmes de la Religion civile doivent être fimples, en petit nombre, énoncés avec précifion fans explications ni commentaires. L'existence de la Divinité puiffante, intelligen te, bienfaifante, prévoyante & pourvoyante, la vie à venir, le bonheur des juftes, le châ timent des méchans, la fainteté du Contract focial & des Loix; voilà les dogmes pofitifs. Quant aux dogmes négatifs, je les borne à un feul, c'eft l'intolérance: elle rentre dans les cultes que nous avons excluds.

CEUX qui diftinguent l'intolérance civile & l'intolérance théologique fe trompent, à mon avis. Ces deux intolérances font inféparables. Il'eft impoffible de vivre en paix avec des gens qu'on croit damnés; les aimer feroit hair Dieu qui les punit; il faut absolument qu'on les ramene ou qu'on les tourmente. Par tour où l'intolérance théologique eft admife, il est impoffible qu'elle n'ait pas quelque effer civil, & ficot qu'elle en a, le Souverain n'estoplus Souverain, inême au temporel; dès lors les Prêtres font les vrais maîtres; les Rois ne font que leurs officiers.

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MAINTENANT qu'il n'y a plus & qu'il ne peut plus y avoir de Religion nationale exclufive, on doit tolérer toutes celles qui tolerent les autres, autant que leurs dogmes n'ont rien de contraire aux devoirs du Citoyen. Mais quiconque ofe dire, hors de l'Eglife point de Salut, doit être caffé de l'Etat; à moins que l'Etat ne foit l'Eglife, & que le Prince ne foit le Pontife. Un tel dogme n'eft bon que dans un Gouvernement Théocratique, dans tout autre il eft pérnitieux. La raifon fur laquelle on dit qu'Henri IV. embraffa la Religion romaine la devroit faire quiter à tout honnête homme, & fur-tout à tout Prince qui fauroit raifonner.

CHAPITRE IX,
Conclufion.

APRES

PRES avoir pofé les vrais principes du droit politique & tâché de fonder l'Etat for fa bafe, il refteroit à l'appuyer par fes rélations externes; ce qui comprendroit le droit des gens, le commerce, le droit de la guerre & les conquêtes, le droit public, les ligues les négociations les traités &c. Mais tout cela for me un nouvel objet trop vaste pour ma cour te vue; j'aurois dû la fixer toujours plus près de moi.

FIN

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