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Chaque age a fes plaifirs.

Il eft de certains temps propres pour la tendreffe: Mais quand ce temps n'eft plus, il faut que la fageffe Nous tienne lieu d'amour; & que nos fentiments Nous faffent des amis, & non pas des amants.

Chaque âge a fes plaifirs, fon efprit & fes mœurs.
Un jeune homme toujours bouillant dans fes caprices,
Eft prompt à recevoir l'impreflion des vices;
Eft vain en fes difcours, volage en fes defirs,
Rétif à la cenfure, & fou dans les plaifirs.
L'âge viril plus mûr, infpire un air plus fage,
Se pouffe auprès des Grands, s'intrigue, le ménage,
Contre les coups du fort, fonge à fe maintenir
Et loin dans le préfent regarde l'avenir.

La vieilleffe chagrine inceffamment amaffe;
Garde, non pas pour foi, les tréfors qu'elle entaffe,
Marche en tous fes deffeins d'un pas lent & glacé :
Toujours plaint le préfent & vante le paffé;
Inhabile aux plaifirs, dont la jeuneffe abuse,
Blâme en eux les douceurs que l'âge lui refufe.
(Defpréaux, Art Poét. ch.3.】
AGNAN.

Epitaphe du Duc de Saint-Agnan.
Saint-Agnan finit une vie,

Qui fut toujours d'honneurs & de plaifirs fuivie
Mais laiffons fon éloge, il n'en a pas befoin;
Les Filles de Mémoire

Prendront pour lui le même foin,
Qu'il prit autrefois pour leur gloire.

(Mad. le Camus.)

AGRÉMENT.

L'agrément tient quelquefois lieu de dot. Les couronnes de la façon des graces, valent bien celles que fait la fortune.

L'agrément extérieur promet celui de l'efprit, & la beauté cautionne la belle humeur.

Sur quoi font fondés les agréments de la vie.

L'amour fe foutient par l'efpoir,
Le zele par la récompenfe,
L'autorité par le pouvoir,
La foibleffe par la prudence,
Le crédit par la probité,
L'agrément par la liberté,
La fanté par la tempérance,
L'efprit par le contentement,
Le contentement par l'aifance,
L'aifance par l'arrangement.

AGRICULTURE.

Son utilité.

Penfes-tu que retiré chez toi,

(Pannard.)

Pour les biens, pour l'État, tu n'as plus rien à faire ?
La nature t'appelle, apprends à l'obferver:
La France a des déferts, ofe les cultiver :
Elle a des malheureux; un travail nécessaire,
Ce partage de l'homme & fon confolateur,
En chaffant l'indigence, amene le bonheur.
Change en épis dorés, change en gras pâturages,
Ces ronces, ces rofeaux, ces affreux marécages;
Tes vaffaux languiffants, qui pleuroient d'être nés,
Qui redoutoient fur-tout de former leurs femblables,
Et de donner le jour à des infortunés,

Vont fe lier gaiement par des noeuds desirables.
L'on fait, l'on fait affez que le cultivateur,
Des refforts de l'État eft le premier moteur,
Et qu'on ne doit pas moins, pour le foutien du trône,
A la faux de Cérès qu'au fabre de Bellone.
J'eftime faint Benoit; il prétendit du moins
Que fes enfants tondus, chargés d'utiles foins,

Méritaffent de vivre en guidant la charrue,

En creufant des canaux, en défrichant des bois;
Mais je fuis peu content du bon-homme François :
Il crut qu'un vrai Chrétien doit gueuser dans la rue,
Et voulut que fes fils, robustes fainéans,

Kiffent ferment à Dieu de vivre à nos dépens.
Dieu veut que l'on travaille & que l'on s'évertue;
Et le fot mari d'Eve, au Paradis d'Eden,
Reçut un ordre exprès d'arranger fon jardin.
C'eft la premiere loi donnée au premier homme,
Après qu'il eut mangé la moitié de la pomme.
(Voltaire.)
ALEXANDRE LE GRAND.

Le fameux vainqueur de l'Afie
N'étoit qu'un voyageur armé,
Qui, pour paffer fa fantaisie,

Voulut voir en courant l'univers alarmé :
De bonne heure Ariftote auroit dû le convaincre;
Que le grand art des rois eft celui de régner;
Il perdit tout fon temps à vaincre,

Et n'en eut pas pour gouverner.

ALMANAC H.

(La Motte.)

Une femme difoit à fon mari trop attaché à la lecture, qu'elle defireroit être un livre, afin d'être plus fouvent avec lui: Je le veux bien, répondit-il pourvu que vous foyez un Almanach, afin que je puiffe en changer tous les ans.

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AMANTS.

Peinture d'un amant fatisfait.

Tantôt il fe promene au long de ces fontaines,
De qui les petits flots font luire, dans les plaines,
L'argent de leurs ruiffeaux parmi l'or des moiffons;
Tantôt il fe repofe avecque les bergeres,

Sur des lits naturels de mouffe & de fougere,
Qui n'ont d'autres rideaux que l'ombre des buiffons.

(Racan.)

Les amants s'entendent au moindre figne.

Certains rayons diferts par qui les yeux s'expliquent,
Paffent de l'un à l'autre & s'entre-communiquent ;
Et chacun à fon tour fait entendre & reçoit
Ces fentiments fecrets que perfonne ne voit.

Séduction des amants.

(Corneille.)

Voilà de ces amants la criante injustice,
Jufques au bord du crime ils conduisent nos pas,
Ils nous le font commettre, & ne l'excufent pas.
Prennent-ils donc plaifir à faire des coupables,
Afin d'en faire après d'illuftres miférables?

(Racine.) Prévention des amants en faveur dé leurs maitreffes.

Jamais leur paffion ne voit rien de blâmable,
Et dans l'objet aimé, tout leur devient aimable:
Ils comptent fes défauts pour des perfections,
Et favent y donner de favorables noms.
La pâle eft au jasmin en blancheur comparable,
La noire à faire peur, une brune agréable;
La maigre a de la taille & de la liberté;
La graffe eft dans fon port pleine de majefté;
La malpropre fur foi, de peu d'attraits chargée
Eft mife fous le nom de beauté négligée;
La géante paroît une. Déeffe aux yeux;
La naine, un abrégé. des merveilles des cieux;
L'orgueilleufe a le cœur digne d'une couronne,
La fourbe a de l'efprit, la fotte est toute bonne,
La trop grande parleuse est d'agréable humeur,
Et la muerte garde une, honnête pudeur..

(Moliere.)

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Un amant volage est toujours cher à la maitreffe

abandonnie.

Quoi qu'un amant volage excite de colere, Son inconftance irrite & fa perfonne eft chere. Et ce qu'a joint l'amour a beau fe défunir, Pour le mieux cimenter, il ne faut qu'un foupir. (Corneille.) Le véritable amant eft défintéressé. Le véritable amour n'eft jamais mercénaire, Il n'eft jamais fouillé de l'espoir du falaire : Il ne veut que fervir, & n'a point d'intérêt Qu'il n'immole à celui de l'objet qui lui plaît. (Le même.) Amant troublé par l'excès des charmes d'une belle. Pour deux fois feulement que mes yeux vous ont vue, Que mon cœur est troublé ! que mon ame est émue! Ah! ne me donnez plus ces mortelles alarmes, Ne me montrez au plus que moitié de vos charmes, Et, tout au plus, moitié de votre bel efprit.

Défefpoir d'un amant.

(Montreuil.)

Allez, enfants perdus de mon cœur égaré,
Allez, ardents defirs, retrouver cette belle,
Dont les attraits brillants m'ont fi bien éclairé,
Que depuis, jour & nuit, je ne vois plus rien qu'elle.
Dites combien de maux j'ai pour elle endure;
Qu'ainfi que fa beauté, ma peine eft éternelle;
Que mon brafier fut prompt, mais qu'il eft affuré;
Enfin, que je lui dois toujours être fidele.
Que fi cette beauté në veut vous recevoir,
Allez où vous pourrez, je ne puis vous revoir;
Qu'ai-je affaire de vous, fi je n'ofe la fuivre ?
Toutefois retournez pour foulager mon fort;
Si vous n'êtes reçus, je ne faurois plus vivre,
Et vous me fervirez à courir à la mort.

(Dalibray.)

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