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rante pour le mal, de ténacité, de perversité oppressive sous toutes les formes, à un gouvernement d'ailleurs sensé, éclairé, libéral, et peut-être en tout le reste le moins imparfait de tous.

Évidemment, au point de vue historique, et d'après les faits innombrables si exactement et si impartialement analysés dans votre livre, la caus des maux de l'Irlande, et rien n'est plus glorieux pour elle, c'est son attachement à l'Église.

Si, au XVIe siècle, comme vous le démontrez avec une grande force, l'Irlande eût suivi la pente fatale sur laquelle a glissé l'Angleterre, l'Irlande, pour prix de son apostasie, eût été laissée en paix. On ne lui aurait pas ravi ses libertés; elle eût gardé pour elle les richesses de son Église et de son sol; et peut-être s'associerait-elle aujourd'hui sans remords aux entreprises d'une odieuse politique, qui semble, depuis quelques années surtout, n'avoir d'autre inspiration que l'égoïsme, et s'appuyer sur le principe même de nos pires révolutionnaires, la souveraineté du but.

Mais, grâces en soient rendues à Dieu, il n'en a pas été de la sorte, et le monde a eu un autre spectacle! Là, dans cette ile évangélisée par le glorieux saint Patrice, dans cette île des saints, qui a envoyé autrefois à l'Europe tant de missionnaires et

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de généreux apôtres, une race s'est rencontrée, avant tout fidèle à l'Évangile, prête à sacrifier tout le reste aux droits sacrés de la conscience, et à souffrir, plutôt que de vendre son âme et l'âme de ses enfants, le martyre par le sang, le martyre par la faim et par l'exil, le martyre persévérant et séculaire d'une inénarrable pauvreté ; et cela aussi longtemps qu'il plaira à Dieu de permettre les excès de l'oppression protestante pour faire éclater le miracle de l'héroïsme catholique.

Voilà le magnifique exemple donné au monde par l'Irlande. Tandis que près d'elle une nation, réputée si forte et si ferme, cédait tristement, laissait aller sa foi au gré des rois, et mettait sa conscience sous tous les jougs, l'Irlande, elle, résistait invinciblement; et ni l'hérésie, ni le schisme ne l'entamaient, et aujourd'hui encore l'Église ne voit pas sur toute l'étendue de la terre un peuple plus dévoué par le fond de ses entrailles à la grande unité catholique, et à la sainte Église romaine qui en est le centre immuable.

C'est là un spectacle digne de la bénédiction de Dieu et de l'admiration des hommes, et dont la seule pensée ravit mon cœur d'enthousiasme, en même temps qu'elle le brise de douleur.

Si je ne croyais déjà à la divinité de l'Église.

catholique, il me suffirait, pour m'en convaincre, de méditer votre livre vos enseignements sont d'autant plus forts, plus décisifs, que vous empruntez à l'hérésie elle-même la plupart des témoignages que vous rendez contre elle.

Ainsi d'un côté, voilà un peuple courageux, loyal, chaste, laborieux, qui ne réclame autre chose que le droit d'adorer librement son Dieu, de vivre de son travail, de transmettre à ses enfants le patrimoine acquis au prix des plus honorables sueurs; c'est-à-dire le droit accordé par la société et par la nature à quiconque n'a pas pris rang publiquement parmi les malfaiteurs et les scélérats.

Or, un jour est venu dans l'histoire où, tout d'un coup, sans aucune forfaiture de sa part, ce peuple a perdu tout à la fois liberté de conscience, liberté de travail, liberté de propriété, égalité devant la loi; et ce n'est qu'au bout de trois siècles qu'il commence à reconquérir par imperceptibles parcelles ces droits inaliénables; et depuis qu'on se pique d'humanité à son égard, faut-il dire que le plus clair des bienfaits qu'on lui accorde, c'est l'expropriation de son propre sol, et comme les ennemis même de l'Irlande l'ont proclamé, c'est l'extermination non par le fer, mais par la famine et l'exil?

Cependant après trois siècles d'aussi effroyables injustices, ce peuple garde sa foi, la supériorité de ses mœurs, la loyauté de son caractère, la fidélité aux maîtres que l'impénétrable justice de Dieu lui impose et c'est manifestement dans son indomptable attachement à l'Église catholique qu'il trouve la force de pratiquer des vertus dignes des catacombes.

Que voit-on d'un autre côté? Une grande nation, très-certainement destinée par la Providence à jouer un des premiers rôles en ce monde, qui, au XVIe siècle, apostasie à la suite d'un monarque au front duquel se verra éternellement une tache de sang et une tache de boue: cela fait, cette nation a choisi à côté d'elle, et pour ainsi dire dans son sein, tout un peuple pour victime. Pendant trois siècles de pleine impunité, elle a eu recours, non pas à la doctrine, l'erreur ne procède jamais ainsi là où elle est maîtresse, mais à tous les genres de supplices, aux proscriptions sanglantes, aux confiscations en masse, et à cette atroce législation, dont le célèbre Burke a dit : « Jamais il n'y eut une « machine aussi bien faite et mieux adaptée pour opprimer, écraser et dégrader un peuple; ja« mais le génie pervers de l'homme n'a rien "inventé de pareil contre l'homme. »

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Eh bien ! dans ce duel prolongé entre l'Angleterre toute-puissante, mais protestante, et l'Irlande effroyablement pressurée, mais catholique, où est le vainqueur, où est le vaincu? c'est-à-dire, car il est ici question d'une victoire toute morale, où est la dignité, l'honneur, la justice? qui doit céder enfin? Évidemment, toutes les voix contemporaines le proclament, toutes les lignes de votre livre le démontrent, c'est l'Angleterre. C'est elle qui, sous peine de l'anathème universel, et en fin de compte peut-être un jour sous peine de sa propre ruine, doit changer ses dures lois, ses détestables coutumes, ses traditions oppressives.

L'Irlande opprimée, épuisée, broyée, mais toujours catholique, l'Irlande, par la seule force de son principe, a donc vaincu l'Angleterre. C'est l'Irlande dont les droits aujourd'hui sont reconnus, sinon satisfaits; c'est l'Angleterre dont la conduite est stigmatisée même par des voix anglaises... et par les voix honnêtes et libres du monde entier.

Mais, après la victoire morale, il y en a une autre que nous attendons avec confiance et que votre livre fait pressentir.

Je crois fermement avec vous que la fin de l'épreuve approche, malgré tant de signes décourageants qui viennent chaque jour encore décon

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