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céder de l'autre, et que regrettant profondément la nécessité à laquelle ils ont dù obéir, quand cette nécessité devient moins pressante, ils ne tiennent de leur parole qu'autant qu'il est nécessaire pour n'être pas accusés de parjure. De là vient aussi qu'on leur sait si peu de gré de cette concession; et en vérité, celui-là peut se dispenser de la reconnaissance, qui ne doit qu'à la crainte un pen de justice et un peu de liberté.

Ainsi, envisagé dans les motifs qui l'ont dicté et que foot connaître les aveux publics de ses auteurs, le bill de 1829 a été un expédient politique, et non une application de ce principe de l'égalité civile que les idées modernes ont consacré et fait passer dans nos mœurs.

De là vient qu'il a laissé subsister, à l'égard des catholiques, un régime d'exception qui, pour être moins exclusif, moins absolu et moins injurieux que par le passé, n'en est pas moins contraire au principe de l'égalité de tous devant la loi. Vaincue et obligée de céder à la pression des événements, l'intolérance protestante n'a conseuti à faire que les concessions rigoureusement indispensables; et, dans sa défaite, elle a su maintenir le principe de sa supériorité; elle a cédé sur le fait, elle est restée intraitable sur le droit; et, aujourd'hui encore, elle défend contre les progrès croissants de l'esprit de liberté et de justice publique la prééminence que, pendant trois siècles de domination sans partage, elle avait gardée intacte de toute transaction. Ces observations ne seroul que trop justifiées par la situation actuelle de l'Irlaude catholique.

CHAPITRE II

INÉGALE RÉPARTITION DES FONCTIONS PUBLIQUES ENTRE
LES PROTESTANTS ET LES CATHOLIQUES.

Disons d'abord que l'accès aux charges publiques n'est pas tellement libre à tous les citoyens du Royaume-Uni, sans distinction d'opinion religieuse, que le principe de l'exclusion à l'égard des catholiques ne soit expressément maintenu dans l'acte de 1829 pour trois des plus hautes fonctions politiques de l'Irlande, celles du lord lieutenant, du chancelier et du vice-chancelier.

Il faut du moins rendre à sir Robert Peel ce témoignage que, dès les commencements de l'agitation catholique, il avait su appliquer à cette question si redoutable pour le gouvernement anglais ces principes de rigoureuse logique dont il crut devoir se départir en 1829. Il est vrai qu'alors les catholiques n'inspiraient pas de craintes sérieuses, et que les hommes d'État ne sentaient pas la né– cessité des expédients et des concessions. En ce temps, sir Robert Peel repoussait énergiquement la pensée des transactions et des demi-mesures, et rien n'est plus intéressant, à ce point de vue, que de relire un discours qu'il prononça à la Chambre des communes, le 9 mai 1817. La thèse qu'il y développe peut se résumer ainsi : Les catholiques sont-ils fondés à demander l'égalité politique

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et civile au même titre que leurs concitoyens protestants? Si on répond par l'affirmative, il faut que cette égalité soit complète et absolue; si on le nie, il faut maintenir l'état actuel des choses; mais rien ne serait plus inconséquent que de leur faire certaines concessions et de leur en refuser d'autres; rien en même temps ne serait plus impolitique; car les inégalités qui subsisteraient né reposant plus sur un principe, on ne les pourrait évidemment attribuer qu'à l'arbitraire, à la déloyauté et à une partialité injurieuse.

<<< Votre intention, disait ce grand orateur1, est-elle de << leur accorder la part de pouvoir politique à laquelle <«<leur nombre, leur force, leurs talents et leur éducation «<leur donnent rigoureusement droit?

« Si oui, pouvez-vous croire qu'ils voudront ou qu'ils « pourront ne pas franchir les limites dans lesquelles << vous les renfermez? pensez-vous que lorsqu'ils arrive<«<ront à constituer par la marche naturelle des choses le << corps politique de beaucoup le plus puissant en Irlande, <«<et celui qui exercera l'action et le contrôle le plus di«<rects sur le gouvernement de ce pays, pouvez-vous <«< croire qu'ils voient avec satisfaction la situation res«<pective de votre Église et de la leur?

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« Do you mean to give them that fair proportion of political power to which their numbers, wealth, talents and education will entitle them?

« If you do, can you believe that they will or can remain contented within the limits which you assign to them?

«... Do you think that they will view with satisfaction the state of your church or of their own?... »

«... Si je juge de leurs sentiments par les miens, et si « je me mets à leur place, je réponds que cela est impos<< sible...

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«... On parle de faire des concessions sur quelques points et de maintenir l'exclusion sur certains autres, « et je réponds que dans ce cas l'exclusion sera pour eux <<< une mortification dix fois plus blessante que leur état << actuel d'inégalité... et une mortification qui n'aura « pour résultat que de les vexer et de les irriter davan«tage'...

<< Sans doute, vous brisez quelques-unes de leurs «< chaînes; mais vous en laissez subsister d'autres; pour «< être moins nombreuses, seront-elles moins offensantes « comme souvenir de la dégradation passée, et comme << preuve manifeste que l'égalité des priviléges et l'iden« tité des intérêts ne sont point encore établis? Et si

The exclusion will be ten times more mortifying than their present disqualification. It will be so, because it will be attributed to caprice, to unjust preference, to unfair suspicion....

But you yourselves retain same of these links, fewer indeed in number, but just as offensive, as a memento of degradation, and as a proof that the equality of privilege and the identity of interests are not established. And when you dwell and with justice upon the rank, and the station, and the character of lord Fingal, let me ask you how consistently with your principle can you close against him for ever the first executive office of his native land, the only one perhaps to which he could aspire? He may represent his sovereign in Jamaica or in Canada; he may exercise in distant colonies all the functions of sovereignty in church and state; but in Ireland he cannot represent him; in Ireland the source from which grace and mercy and favour flow is still to continue protestant exclusively and for ever. (House of commons, may, 9th 1817. Hansard's Parliamentary Debates.) »

<< vous voulez considérer avec impartialité le rang, la <«< position et le caractère de lord Fingal', laissez-moi « vous demander comment vous serez conséquents avec <«< vos principes, si vous lui interdisez à tout jamais de <«< prétendre à la première charge du pouvoir exécutif, la << seule sans doute à laquelle il puisse aspirer?

<«< Ainsi il peut représenter son souverain à la Jamai«<que ou au Canada; il peut dans nos colonies exercer <«<les fonctions qui lui donnent autorité sur l'Église et « sur l'État; mais en Irlande il ne le peut; en Irlande, la « source d'où coulent les grâces et les faveurs continue à être « exclusivement protestante et le sera toujours! »

Il y a quarante-quatre ans que ce discours a été prononcé, et il demeure contre les restrictions maintenues par le bill de 1829 à l'égard des catholiques, l'irréfutable protestation de la logique et des principes, protestation d'autant plus forte qu'elle vient d'un adversaire, mais d'un adversaire conséquent avec lui-même et qui n'hésite pas à dire en matière d'égalité et de justice, tout ou rien; rien, si ce doit être un danger pour la constitution britannique; et, si ce n'est pas un danger, tout, parce que c'est un droit.

La logique et le droit attendent encore en Irlande unc heure qui n'est pas venue.

Sir Robert Peel demandait en vertu de quel principe le chef d'une des plus anciennes et des plus illustres familles catholiques d'Irlande se verrait exclu de la seule

Un des membres les plus respectés de l'aristocratie catholique d'Irande. Cette illustre famille subsiste toujours.

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