Page images
PDF
EPUB

à l'histoire de la liberté de conscience; elles font le plus grand honneur à ceux qui s'en sont constitués les organes au sein du Parlement, et elles ajoutent à la censure d'un écrivain catholique et prêtre, une autorité que personne ne récusera1.

Après de tels exemples d'intolérance, il m'est doux de rendre un public hommage à ce vieil évêque protestant (il y a une vingtaine d'années que le fait s'est passé) à qui le curé catholique rend un jour visite, pour lui demander la concession d'un terrain que toute la paroisse jugeait fort avantageux pour la construction d'une église. Le haut dignitaire accueille gracieusement cette requête, invite le curé à dîner pour le lendemain, et en sortant de table, fait dresser l'acte de vente du terrain demandé. Il en donnait aux catholiques la tenure à perpétuité (ce qui équivaut, nous l'avons dit plus haut, à un véritable droit de propriété), pour la rente illusoire d'un shilling par an (1 fr. 25 c.). Pouvait-on déguiser sous une forme plus délicate et plus ingénieuse la générosité d'un don d'autant plus appréciable qu'il venait d'une telle source et qu'il devait recevoir une telle destination?

Ce n'est pas, du reste, le seul fait de ce genre qu'il y

[ocr errors]

« Colonel French (Roscommon) said that no one ought to be allowed to refuse accommodation for the erection of a house for the public worship of God, and he hoped that this would be the last case of this kind which would come before the house (hear, hear).

« Colonel Dunne expressed his belief that almost every Irish gentleman would think it disgraceful not to afford to his friends and neighbours every opportunity for worshipping God according to their own faith (hear, hear). ))— Chambre des communes, séance du 29 juin 1860.

aurait à signaler à l'honneur de cette fraction éclairée et libérale de l'aristocratie protestante, qui ne laisse échapper aucune occasion d'adoucir par les procédés les plus bienveillants et les plus nobles les pénibles souvenirs de la conquête et de la confiscation; travaillant par là à cette conquête pacifique des cœurs, sans laquelle la puissance matérielle et tout l'appareil des armes sont singulièrement faibles. Mais n'est-ce pas un symptôme significatif de l'état général des idées et des mœurs sur ce point, que les félicitations bruyantes qui retentissent autour de chaque fait semblable? cela n'indique-t-il pas de la manière la plus manifeste que ces procédés de tolérance et de bonté ne sont pas la règle des relations ordinaires de l'aristocratie protestante avec le peuple catholique? et que là encore, comme dans les questions politiques étudiées précédemment, il faut tenir grand compte des divisions religieuses et sociales qui mettent en face l'un de l'autre, et dans une opposition préjudiciable à tous deux, d'une part, le peuple protestant, riche et anglais, de l'autre, le peuple celtique, pauvre et catholique? D'ailleurs, plus ces divisions sont encore profondes, plus il faut savoir de gré à ceux qui s'appliquent à les faire disparaître, et qui, à force de droiture et d'honneur, s'élèvent au-dessus de tous les préjugés d'éducation, de secte ou de parti. Ceuxlà sont les pacifiques dans le sens vrai et complet du mot évangélique : ils travaillent à faire la paix', et ils y travaillent par une puissance qui est invincible, la justice jointe à la bonté. Puisse cet hommage désintéressé rendu

[ocr errors][merged small]

à de tels efforts encourager ces hommes généreux dans une voie où tous doivent souhaiter qu'ils entraînent après eux l'aristocratie d'Irlande tout entière! Car en sollicitant, comme c'est notre devoir de le faire, des réformes dans le gouvernement, dans l'administration et dans les lois, nous n'ignorons pas que ces réformes, fussent-elles toutes accordées, ne sauraient atteindre jusqu'aux dernières racines du mal pour le guérir complétement. Ceci est le fait d'une puissance d'un autre ordre ce sont les efforts spontanés vers un progrès de justice et de charité dans les relations quotidiennes d'homme à homme, qui pourront seuls consacrer et rendre durables les améliorations que le temps et la sagesse politique des hommes d'État introduiront dans les institutions sans cela, les institutions, même les meilleures, seraient la lettre séparée de l'esprit qui vivifie, et par conséquent sans efficacité pour réparer des maux séculaires et renouveler la face d'un grand pays.

CHAPITRE V

L'ABSENTÉISME.

La vaste étendue des propriétés en Irlande, et les relations de la plupart des grands propriétaires avec l'Angleterre, qui est souvent leur pays d'adoption, quand il n'est pas celui de leur naissance, ne permettent que rarement à un propriétaire de s'occuper lui-même directement de ses fermiers. Son autorité réside habituellement entre les mains d'un agent qui traite en son nom des conditions du fermage, qui perçoit les rentes, en un mot, qui veille à lous les intérêts de la propriété 1.

Le rôle de l'agent était surtout considérable à l'époque encore récente, où la plupart des propriétaires d'Irlande ne faisaient dans leurs terres que de courtes et rares apparitions, et ne savaient guère autre chose de leurs biens sinon qu'ils étaient situés dans tel comté, et qu'ils rapportaient tant de milliers de livres 2.

2

L'Irlande avait à peine été conquise, partagée, et

Digest of evidence, II, 1437.

« De tout temps les conquérants venus d'Angleterre ont considéré l'Irlande comme une terre étrangère et hostile qu'il était bon de posséder, mais où il ne fallait pas s'établir. » (Léonce de Lavergne, Economie rurale de l'Angleterre, de l'Écosse et de l'Irlande, p. 394.)

« PreviousContinue »