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la statue de Henri IV, confiée au ciseau du célèbre Houdon..

On essaierait difficilement de peindre le tableau intéressant qu'offre cette promenade, lorsque le soleil, baissant sur l'horizon, permet aux femmes d'y venir respirer le frais, et jouir dans ce jardin du plaisir de voir, et surtout du plaisir d'être vues. Des doubles. et triples rangs de chaises, placées le long d'allées spacieuses, suffisent à peine pour recevoir cette foule de femmes, presque toutes jolies, au déclin du jour, et dont le spectacle offre un coup-d'œil aussi varié que séduisant. Les plus belles, ou celles qui sont mises avec le plus d'élégance, se promènent au milieu de celles qui bordent ces allées, avec cette grâce facile qui appartient en général aux femmes de Paris, et que fait valoir encore la forme aussi simple que gracieuse des vêtemens. que le bon goût semble aujourd'hui leur avoir fait adopter; des jupes de taffetas, dont la couleur perçant à travers le tissu de leurs longues robes de gaze ou de lin, semble presque indiquer le nu; ces ceintures légères qui terminent la taille en marquant encore mieux le svelte de ses contours par le tranchant de leur couleur avec celle de l'habit qu'elles semblent attacher; enfin ces chapeaux couronnés de fleurs, placés sur leurs têtes avec une négligence aimable, et dont l'ampleur semble ne dérober une partie du visage que pour prêter à celle qu'elle laisse voir plus de rondeur et plus d'attraits; tout cet

ensemble d'un costume si séduisant et si simple, en laissant deviner les formes mêmes qu'il affecte de voiler, donne aux femmes de nos jours une élégance et une grâce plus attrayantes que la beauté même. On croit être transporté dans Athènes, à ces jours de fêtes où la beauté, belle simplement de ses appas, couverte plutôt que parée par les plis ondulans de ses vêtemens légers, n'empruntait de l'éclat que des fleurs dont elle couronnait sa tête. Jamais nos jolies femmes n'ont plus ressemblé à de jeunes Grecques, et jamais elles n'ont paru plus belles. Leur affluence répand sur cette promenade un întérêt attachant; on ne se lasse point de voir un tableau continuellement embelli par une variété d'objets, sur lesquels l'œil se repose tour-à-tour avec une complaisance toujours nouvelle, et l'on regrette pour ainsi dire que la nuit vienne lui en substituer un autre, quoique plus voluptueux et plus piquant encore.

Les feux de cent quatre-vingts réverbères suspendus aux cent quatre-vingts arcades qui entourent ce Jardin, ceux des nouvelles lampes à la Quinquet qui éclairent les cafés, les restaurateurs et les boutiques, répandent sur cette promenade une lumière douce, une espèce de demijour qui rend la beauté plus intéressante et prête à la laideur même des illusions favorables. Ce demi-jour sert la décence et la commande, en même temps que la magie de ses effets semble répandre la volupté jusque dans l'air que l'on

respire. C'est le moment où la foule de nos belles courtisanes se rend dans ce Jardin. L'élégance toujours recherchée de leur parure, l'aisance presque hardie de leur démarche attirent sur leurs pas la foule tumultueuse de nos jeunes. gens; on les voit s'agiter sans cesse autour d'elles, courir des unes aux autres, les suivre tour-àtour, les devancer avec un empressement fatigant même pour celles qui en sont l'objet. C'est un flux et un reflux dont ces jeunes beautés dirigent les ondulations, et qu'elles portent le plus souvent le long des grandes allées, parce qu'elles connaissent tout l'avantage que reçoivent leurs charmes du jour artificiel qui éclaire encore plus ces allées que les autres parties du Jardin. Le milieu de cette promenade occupé par le bassin et les kiosques vivement éclairés présente un spectacle moins tumultueux, et par cela même peut-être plus agréable. L'affluence des spectateurs désintéressés respire l'air pur de la grande esplanade, tandis qu'une multitude de groupes, assis autour de petites tables, prennent ces rafraîchissemens glacés dont la chaleur de la saison rend l'usage si nécessaire et si agréable, et qu'on a trouvé le secret de varier journellement au choix de tous les goûts, Jamais nos Wauxhalls, nos Colisées, nos Redoutes n'ont rien offert d'un pittoresque aussi riche, aussi varié que cette espèce de bal de nuit en plein air. Cette foule de femmes, toutes, condamnées par état à être jolies, l'espèce de négligence volup

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tueuse que la nuit autorise dans leur maintien, la grâce et la légèreté de leur démarche; l'empressement de cette brillante jeunesse qui cherche avidement dans leurs yeux l'expression des désirs qu'elles se sont fait une si douce habitude d'inspirer; le site, le jour qui l'éclaire, tout répand sur cette promenade un charme dont il est difficile que les sens ne soient pas émus. Celui de la musique vient encore quelquefois ajouter à toutes les voluptés que l'on respire dans ce Jardin, jusqu'à l'instant où les lampes, éteintes à onze heures, annoncent à ceux qui n'aiment pas l'obscurité qu'il est temps de l'abandonner. Nous devons ajouter qu'une police exacte maintient la décence et fait respecter l'honnêteté dans un lieu d'ailleurs si peu fait pour en conserver le sentiment. Tel est le spectacle qu'offre chaque jour le nouveau Jardin du Palais-Royal.

Les plus jolis mots de la Langue française,
Stances; par M. Cuinet d'Orbeil.

A deux époques de sa vie
L'homme prononce en bégayant
Deux mots dont la douce harmonie
A je ne sais quoi de touchant.

L'un est maman et l'autre j'aime.

L'un est créé par un enfant,
Et l'autre arrive de lui-même
Du cœur aux lèvres d'un amant.

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Que le premier se fasse entendre,
Bientôt une mère y répond.

La jeune beauté devient tendre,
Si son cœur entend le second.

Ah! jeune Lise, prends-y garde,
Le mot j'aime est plein de douceur;
Mais tel qui souvent le hasarde
N'en sentit jamais la valeur.

L'esprit quelquefois s'en amuse,
Il en saisit si bien l'accent,
Que méchamment il en abuse
Pour tromper un cœur innocent.

Il faut une prudence extrême
Pour bien distinguer un amant;
Celui qui dit mieux je vous aime
Est quelquefois celui qui ment..

Qui ne sent rien parle à merveille;
Crains un amant rempli d'esprit ;
C'est ton cœur et non ton oreille
Qui doit écouter ce qu'il dit.

C'était par des talens supérieurs et par l'émulation la plus favorable aux progrès de l'art dont mademoiselle Clairon sut tout à-la-fois étendre et fixer les limites, que cette célèbre actrice et sa rivale, mademoiselle Dumesnil, atta-、 chaient l'attention du public et se disputaient ses suffrages. Nos tragédiennes du jour, la dame Vestris et la demoiselle Sainval, condamnées par leur médiocrité à ne jamais exciter ce grand intérêt, ont cru sans doute pouvoir le suppléer par l'histoire publique de leurs

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