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ces dindons? lui dit l'autre jour le Roi.-A moi, Sire.-Que je ne les retrouve plus, ou je vous fais casser à la tête de votre Compagnie.

Un marchand de modes qui passe pour avoir cinquante ou soixante mille livres de rentes, risque d'en perdre une trentaine dans la banqueroute de M. le prince de Guemené. En contant ce désastre à ses amis du Palais-Royal: Me voilà réduit, leur disait-il, à vivre en simple par ticulier.

Le curé qui vint voir Duclos dans sa dernière maladie s'appelait Chapeau. Il le pressait vive ment de s'acquitter des devoirs de l'Eglise, de recevoir les saints Sacremens et de les recevoir de sa main. Comment vous appelez- vous, monsieur le curé?-Chapeau. - Eh! Monsieur, je suis venu au monde sans culottes, je puis fort bien en sortir sans chapeau.

Deux jeunes médecins de Genève, MM. La Roche et Odier, avaient mis leur science en communauté, et voyaient tous leurs malades de compagnie. Leur pratique n'étant pas toujours fort heureuse, on ne les désignait plus que par le nom de La Roche Odier, la Mort et Compagnie. Ce M. La Roche n'en est pas moins un, homme de mérite; il a fait, sur les maladies des nerfs, un petit ouvrage fort estimé.

Madame de Chenonceau est née Rochechouart: ce n'est pas la seule fille de qualité qui ait épousé un homme de finance. Après la mort de son mari, madame Dupin, sa belle-mère, discutant avec elle le traitement qu'il convenait de lui fixer, et cherchant à le réduire autant que la décence pouvait le permettre, lui disait : Cela pourrait, ce me semble, vous suffire; vous n'avez pas de grandes dépenses à faire, vous n'allez point à la Cour. — Madame, lui répliqua madame de Chenonceau, s'il y a des gens qu'on paye pour aller à la Cour, il en est aussi qu'on paye pour n'y point aller...-Cette madame de Chenonceau avait été fort liée avec Jean-Jacques; c'est pour elle qu'il conçut le projet de faire son Emile; c'est d'elle qu'il disait : Par ses grâces elle est l'ornement de son sexe; par ses vertus, elle en est l'exception.

*

« J'ai vu, écrivit dernièrement le Roi de Prusse à M. d'Alembert, j'ai vu l'abbé Raynal. A la manière dont il m'a parlé de la puissance, des res-. sources et des richesses de tous les peuples du globe, j'ai cru m'entretenir avec la Providence...' Je me suis bien gardé de révoquer en doute l'exactitude du moindre de ses calculs; j'ai compris qu'il n'entendrait pas raillerie, même sur un

écu... »

- On a oublié de dire que le Mort marié, comédie, en deux actes et en prose, de M. Sedaine, représentée sur le Théâtre de la Comédie italienne, le mardi 13 Août, n'avait pas eu plus de succès sans ariettes qu'elle n'en avait eu, en 1777, avec la musique du signor Bianchi. On pourrait bien oublier aussi que la première représentation des Deux Aveugles de Bagdad, autre comédie en deux actes et en prose, mêlée d'ariettes, donnée, sur ce même Théâtre, le lundi 9, n'a pu être entièrement achevée. Les paroles sont de M. Marsolier de Vivetières, auteur du Vaporeux; la musique, le coup d'essai d'un M. Meunier, violon de Montpellier. Cette pièce, dont je ne sais quel conte des Mille et une Nuits a pu fournir l'idée, est de la plus plate et de la plus froide bouffonnerie. C'est un jeune homme qui abuse de la cécité de deux Aveugles pour épouser la pupille de l'un d'eux, et pour toucher la dot destinée à l'autre. L'extrême facilité avec laquelle on ne cesse de tromper les deux Aveugles, malgré toutes les précautions de la plus juste défiance, a paru avec raison plus révoltante que comique; le parterre, prenant parti, peut-être pour la première fois, en faveur des vieillards et des tuteurs, n'a ri qu'aux dépens du poëte, et les huées sont devenues si tumultueuses vers le milieu du second acte qu'il a été impossible d'aller jusqu'à la fin.

L'Académie royale de Musique, après avoir remis successivement Castor, la Reine de Golconde et Roland, nous a donné, le mardi 24, trois actes détachés, l'acte du Feu, tiré du ballet héroïque des Elémens, de Roy, mais avec une musique nouvelle du sieur Edelman, Ariane dans l'ile de Naxos, poëme imité de l'allemand par M. Moline, musique du même M. Edelman, suivis d'Apollon et Daphné, paroles de M. Pitra, auteur d'Andromaque, musique de M. Mayer, auteur de celle de Damète et Zulmis.

L'acte du Feu n'a rien d'intéressant; mais, si vous en retranchez quelques vers ajoutés par 'M. Moline, il a du moins l'élégance du style convenable au genre. La nouvelle musique, quoique fort soignée, est de peu d'effet; ce ne sont pas les beaux vers, mais les sentimens passionnés, les situations vives et dramatiques qui peuvent offrir au génie du compositeur des intentions nouvelles, des motifs heureux..

M. Edelman a prouvé, dans l'acte d'Ariane, que son talent n'avait besoin, pour réussir, que d'un sujet propre à l'inspirer. Le récitatif, les choeurs et plusieurs airs de cette seconde composition ont paru pleins de chaleur, de verve et de sensibilité; le dernier air d'Ariane, Il n'est donc plus pour moi d'asile, est de l'expression la plus simple et la plus touchante. Quant au Poëme, nous ne pouvons que répéter ici ce que nous en avons dit lorsqu'il fut représenté, l'année

dernière, en prose, sur le Théâtre de la Comédie italienne. C'est la même fable, la même marche, le même intérêt, les mêmes invraisemblances; les vers de M. Moline ne font assurément pas plus d'illusion que la prose anonyme de M. J. B. D. B. La manière dont Thésée abandonne Ariane n'est pas mieux motivée dans l'opéra que dans le mélodrame; les choeurs bruyans, qui entraînent le héros et ne troublent point le sommeil de son amante, ne rendent la scène ni plus naturelle, ni plus pathétique. Ce n'est qu'après le départ de Thésée que l'action intéresse, et nous ne voyons pas pourquoi ce n'est pas là l'instant où le drame commence. Une simple pantomime, quelques traits d'un dialogue rapide suffiraient, ce me semble, pour en faire l'exposition; ce qu'on ne peut développer avec inté, rêt ne saurait passer trop promptement sous les yeux du spectateur.

La charmante romance de M. Marmontel sur l'aventure de Daphné paraît avoir été le premier germe du nouvel acte. Le plan en est bien conçu, les scènes naturellement liées, quelques airs même assez bien écrits; mais le public n'a pas jugé à propos de se prêter à l'idée de la métamorphose, encore moins à celle du trio dialogué entre Apollon, Penée et Daphné, qui chante sa partie sous l'écorce du laurier. Ce qui peut excuser le public d'avoir été si difficile, c'est que la métamorphose a été on ne peut pas plus gauchement exécutée par le décorateur, et que

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