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plus difficile, celui de juger. Au surplus, je » fais les honneurs de ma fortune à mes amis; >> ceux qui voudront venir me demander à » dîner me feront toujours plaisir, etc. >>

Ce qui a peut-être nui plus que tout le reste au succès de M, Cailhava, c'est le sujet même de sa pièce. Eh! que font aux spectateurs les torts et les injustices de messieurs les journalistes? On souscrit pour leurs feuilles; on les lit sans les estimer; à la livrée qu'ils prennent on devine leur jugement; on s'amuse quelquefois de leurs querelles, plus souvent on en bâille et plus sûrement encore on les oublie.

Les Courtisanes, ou l'Ecueil des mœurs, co médie en trois actes et en vers, par M. Palissot, a été représentée, pour la première fois, au Théâtre français, le vendredi 26 Juillet. Il y a long-temps que la pièce est imprimée; le compte que nous en avons rendu lorsqu'elle parut nous dispense aujourd'hui d'en faire une nouvelle analyse. De toutes les comédies de l'auteur remises depuis quelques mois avec un empresse、 ment si désintéressé de la part des Comédiens, c'est celle qui a le mieux réussi. Mademoiselle Contat a eu dans le rôle de Rosalie un succès qu'elle n'avait point encore obtenu. La situation du second acte a paru poussée un peu plus loin que la décence du Théâtre ne semblait le permettre; mais cette situation est du sujet, et, grâce à la charmante figure de l'héroïne, il eût

été difficile de ne pas faire grâce au tableau; aussi l'a-t-on supporté, mais non sans quelque murmure. Ce que nous avons plus de peine à pardonner à l'auteur, c'est que son Lysimon, pour ramener à la vertu le jeune homme égaré par sa passion, ne trouve rien à lui dire qui puisse le toucher véritablement; ce sont des lieux communs, sans âme, sans énergie, sans sensibilité. Le dénouement de la pièce est assez théâtral, assez comique; mais est-il vrai, et le but moral en est-il bien conçu? Gernance, si passionné pour Rosalie, après avoir résisté aux considérations les plus graves, revient tout-à-coup à lui-même en apprenant par hasard que sa maîtresse est la soeur d'un cocher de remise. Est-ce là un motif suffisant pour désabuser un cœur profondément épris? Et que font à l'amour porté à cet excès tous les préjugés de la naissance et du rang? N'est-ce donc que parce que Rosalie est née dans la misère qu'elle devient méprisable, et n'y a-t-il que l'orgueil des conditions qui puisse sauver des piéges du vice et des erreurs de l'amour?

Cette comédie, ainsi que toutes les pièces de M. Palissot, se soutient principalement par le mérite du style; on peut dire cependant que l'invention de celle-ci lui appartient plus que celle des autres. On y a remarqué un grand nombre de vers heureux; mais il n'en est point qu'on ait plus applaudis que ceux-ci qui terminent le premier acte.

Ces coupables excès ont duré trop long-temps,
Et j'oserais m'attendre à d'heureux changemens;
Le Français suit toujours l'exemple de son maître;
Tout m'invite à penser que les mœurs vont renaître.

Mesdemoiselles Arnoud, Raucour, d'Hervieux, du Thé, etc. ont affecté, le jour de la première représentation, de se placer au balcon et d'ho norer les premières de leurs applaudissemens les traits les plus vifs de l'ouvrage.

COUPLET de M. de La Harpe sur M. Naigeon, Je suis philosophe et m'en pique,

Et tout le monde le sait;
Je vis de métaphysique,
De légumes et de lait.
J'ai reçu de la nature
Une figure à bonbon;
Ajoutez-y ma frisure,
Et je suis M. Naigeon.

La Reine a bien voulu prendre la qualité de première chanoinesse du Chapitre noble de Notre-Dame de Bourboug en Flandre, diocèse de Saint-Omer, et permettre à ce Chapitre de se qualifier du nom de Chapitre de la Reine. Sa Majesté a revêtu les chanoinesses d'un cordon jaune liseré de noir, auquel est attachée une croix émaillée portant l'image de la sainte Vierge, et sur le revers le portrait de Sa Majesté. C'est à M. le duc de Nivernois qu'on doit l'idée de la légende autour de l'image de la sainte Vierge,

2.

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Ave, Maria, et autour du portrait de la Reine, gratiá plena.

Une des plus jolies miniatures que nous ayons vues depuis long-temps au Théâtre, ce sont les Jumeaux de Bergame, comédie, en un acte et en prose, du chevalier de Florian, auteur des Deux Billets, de Blanche et Vermeille, etc. Cette pièce, représentée, pour la première fois, par les Comédiens italiens, le mardi 6, est un charmant petit imbroglio, relevé de toutes les grâces du dialogue de Marivaux, avec moins d'esprit peut-être, mais aussi avec moins de recherche, plus de naturel et plus de vérité. Quelque rebattu qu'en soit le fonds (c'est celui des Ménechmes), notre jeune poëte en a su tirer quelques situations tout-à-fait neuves ou qui l'ont paru du moins, grâce à la manière piquante dont il a eu l'art de les rajeunir.

Un extrait de cette pièce ne pourrait donner qu'une faible idée du plaisir que fait au Théâtre ce joli petit drame; c'est que nous ne saurions exprimer ici la légèreté, la grâce, la vivacité avec laquelle le sieur Carlin y joue encore le rôle d'Arlequin; à soixante-dix ans passés, son talent conserve tout le charme, toute l'illusion de la jeunesse. Coraly, le frère cadet, fait tout ce qu'il peut pour ressembler à son jumeau, et quelquefois il y réussit; le son de sa voix a de la sensibilité et n'est pas sans agrément. La jolie figure de mademoiselle Carline n'ajoute pas peu

d'intérêt au rôle de Rosette; celle de madame Gontier n'est pas faite assurément pour rendre celui de Nérine trop aimable.

Nous ne nous étendrons point sur la Parodie de la Tragédie d'Agis, représentée, pour la première fois, sur le même Théâtre, le vendredi 2. C'est l'essai d'un très-jeune homme et qui mérite au moins l'indulgence avec laquelle il a été accueilli par plusieurs détails agréables. La marche de la Parodie est calquée exactement sur celle de la Tragédie, et n'en est pas plus divertissante; mais une scène passablement originale est celle où Empharès, chargé par le Tyran de former un nouveau Sénat, vient lui déclarer qu'il n'a pu trouver un seul homme qui voulût y siéger, et qu'il s'est vu forcé de le composer de femmes : Comment, dit Léonidas, pourront-elles juger, trancher, décider, condamner sans appel? Eh! Monseigneur, répond Empharès, elles ne font que cela toute la journée.

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