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salua le petit monarque; et l'empereur demanda quelle réponse on avait obtenue ?-Sire, sa majesté n'a rien répondu.-Qui ne dit rien, consent, reprit Napoléon: la place est accordée. COLLIN DE PLANCY.

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"Apologue charmant, qui est la censure du règne entier d'un conquérant."-Tissot.

Il était un roi d'Yvetot,

Peu connu dans l'histoire ;
Se levant tard, se couchant tôt,
Dormant fort bien sans gloire,
Et couronné par Jeanneton
D'un simple bonnet de coton,
Dit-on.

Quel bon petit roi c'était là !

Il faisait ses quatre repas
Dans son palais de chaume,
Et sur un âne, pas à pas,
Parcourait son royaume.
Joyeux, simple et croyant le bien,
Pour toute garde il n'avait rien
Qu'un chien.
Quel bon petit roi c'était là !

Il n'avait de goût onéreux

Qu'une soif un peu vive;

Mais, en rendant son peuple heureux,
Il faut bien qu'un roi vive.
Lui-même à table, et sans suppôt,
Sur chaque muid levait un pot
D'impôt.

Quel bon petit roi c'était là !

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Le caractère national ne peut s'effacer. Nos marins disent que dans les colonies nouvelles les Espagnols commencent par bâtir une église, les Anglais une taverne, et les Français un fort; et j'ajoute une salle de bal. Je me trouvais en Amérique, sur la frontière du pays des Sauvages: j'appris qu'à la première journée, je rencontrerais parmi les Indiens un de mes compatriotes. Arrivé chez les Cayougas, tribu qui faisait partie de la nation des Iroquois, mon guide me conduisit dans une forêt. Au milieu de cette forêt, on voyait une espèce de grange; je trouvai dans cette grange une vingtaine de Sauvages, hommes et femmes, barbouillés comme des sorciers, le corps demi-nu, les oreilles découpées, des plumes de corbeau sur la tête, et des anneaux passés dans les narines. Un petit Français poudré et frisé comme autrefois, habit vert-pomme, veste de droguet, jabot et manchettes de mousseline, raclait un violon de poche, et faisait danser Madelon Friquet à ces Iroquois. M. Violet (c'était son

nom) était maître de danse chez les Sauvages. On lui payait ses leçons en peaux de castors et en jambons d'ours: il avait été marmiton au service du général Rochambaud, pendant la guerre d'Amérique. Demeuré à New-York après le départ de notre armée, il résolut d'enseigner les beaux-arts aux Américains. Ses vues s'étant agrandies avec ses succès, le nouvel Orphée porta la civilisation jusque chez les hordes errantes du NouveauMonde. En me parlant des Indiens, il me disait toujours: "Ces messieurs Sauvages et ces dames Sauvagesses." Il se louait beaucoup de la légèreté de ses écoliers; en effet, je n'ai jamais vu faire de telles gambades. M. Violet tenant son petit violon entre son menton et sa poitrine, accordait l'instrument; il criait en iroquois A vos places! Et toute la troupe sautait comme une bande de démons. CHATEAUBRIAND.

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Pour une Notice sur Chateaubriand, voyez p. 319.

SCENE DRAMATIQUE.

(Le cabinet du premier médecin de Paris.)

Le DOCTEUR que GUILLAUME, son valet de chambre, achève d'habiller.-ERNEST près d'une table et travaillant. LE DOCT. (à son valet de chambre.) Ma montre! ma tabatière ! pas celle-là.

GUILLAUME. Celle de l'empereur Alexandre ?

LE DOCT. Non, celle d'Autriche. Je vais déjeuner chez M. d'Appony*, à l'ambassade. Ma liste de visites.

GUILLAUME. Il y en a beaucoup pour aujourd'hui. LE DOCT. Peu m'importe, je n'en ferai que la moitié, tantôt, après déjeuner.

GUILLAUME.

matin?

Et les malades qui vous attendent ce

LE DOCT. Je les verrai ce soir... Il n'y a pas de mal à ce qu'un médecin soit en retard. C'est en me faisant

* Ambassadeur d'Autriche à Paris.

attendre que j'ai fait ma fortune. On se disait: voilà un jeune homme bien occupé, un jeune homme de mérite : il n'a pas le temps d'être exact; et chaque quart-d'heure de retard me valait un client. Aussi tu sens bien que maintenant...

GUILLAUME. Ca augmente en proportion.

LE DOCT. Sans doute; on tient à sa réputation. Demande mes chevaux, ma voiture, et n'oublie pas d'y porter ma chancelière*; car il y a, grâces au ciel, beaucoup de rhumes cette année.-Ernest, que faites-vous là ?

ERNEST. Je travaille, Monsieur, j'étudie.

LE DOCT. (à part.) Est-il bête! Voilà trois ans qu'il a le nez fourré dans les livres, ne sort de mon cabinet que pour aller à mon hospice voir mes malades. S'il croit que c'est ainsi qu'on fait son chemin... (haut.) Et qu'est-ce que vous faites là ?

ERNEST. Je cherche l'origine et la cause de ces maladies inflammatoires si communes à présent, et qu'on pourrait, il me semble, aisément prévenir.

LE DOCT. Les prévenir, une jolie idée! Ce sont les seules à la mode! Je vous demande alors ce qui nous resterait à guérir. Apprenez, mon cher ami, qu'il n'y a pas déjà trop de maladies; et si vous vous avisez de nous en ôter...Mais voilà, vous autres jeunes fanatiques de la science, où vous mène la rage des investigations et des découvertes. (Se promenant et se parlant à lui-même.) En vérité, si on les laisse faire, ils deviendront plus savants que nous. Il est vrai que celui-là, qui est mon élève, ne travaille que pour moi, et je puis sans danger...(haut). Allons, allons, étudiez. Je vais déjeuner; s'il vient des clients, vous les recevrez.

ERNEST. Et vos lettres (les lui donnant)?

LE DOCT. Bah! des malades qui s'impatientent! demain nous verrons.

ERNEST. Et s'ils meurent aujourd'hui.

LE DOCT. (avec impatience.) S'ils meurent!... faut-il pour cela que je me tue! c'était bon autrefois...(ouvrant

*Sorte de meuble fourré pour les pieds. Foot-muff.

des lettres.) Le général Desvalliers, un officier retraité, une demi-solde, joli client.-Un peintre...un artiste, un employé...tout peuple, tout cinquième étage.—Je n'ai pas le temps d'aller si haut.

ERNEST. J'irai,* moi, Monsieur, si vous voulez.

LE DOCT. A la bonne heure. M. le bailli de Ferrète, l'envoyé de Bade! l'ordre de Bade est le seul qui me manque, une couleur qui tranche, et qui fait bien à la boutonnière d'ailleurs c'est moins connu et moins commun que les autres...j'irai. (Ouvrant d'autres lettres.) Un banquier prussien. Un Anglais millionnaire.-Vous avez raison, il faut voir ce que c'est. (En ouvrant une autre.) Ah! l'envoyé de don Miguel qui a fait une chute; quel malheur: j'y passerai, pourvu que je ne sois pas prévenu par quelque confrère.

ERNEST. Eh! quel amour pour l'étranger!

LE DOCT. En médecine, il n'y a pas d'étranger, je ne vois que des hommes, je ne vois partout que l'humanité. ERNEST. Si vous la voyez en Portugal, vous êtes bien habile.

LE DOCT. Ce sont des mots, et si don Miguel lui-même me faisait l'honneur de m'appeler, je le traiterais comme mon ami, comme mon frère.

ERNEST. Et lui, pour vous payer de vos soins, vous traiterait peut-être...comme sa sœur.†

LE DOCT. Ce sont des affaires de famille, cela ne nous regarde pas. (Ouvrant une autre lettre.) Ah! la marquise de Nangis! moi qui dîne aujourd'hui chez elle.

ERNEST. Madame de Nangis !...

LE DOCT. Son mari est député, un homme grave, profond, qui à la chambre ne parle jamais, mais qui vote. beaucoup, ce qui le rend très influent, très utile au pouvoir; et il y a dans ce moment, à la maison du roi, une place de médecin qui est vacante et qu'il pourrait me faire obtenir.

Le pronom y se supprime devant le fut. et le prés. du cond. du verbe aller.

soeur.

On a raconté que don Miguel est allé jusqu'à maltraiter sa

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