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Iautre en français. Personne n'était né avec un esprit plus philosophique, dit un écrivain célèbre; et nous croyons pouvoir ajouter, avec un esprit plus théologique mais il est malheureux qu'il n'ait pas toujours consacré à la défense de la vérité un génie fait pour éclairer les hommes. Il vécut jusqu'à 82 ans dans une retraite ignorée, sans fortune, lui dont le neveu avait été ministre d'état, lui qui aurait pu être cardinal(1). On a sous le nom d'Arnauld environ 140 vol. en différents formats, dont un grand nombre est l'ouvrage de ses disciples, qui ont voulu leur assurer la vogue par l'autorité d'un grand nom. On peut les diviser en cinq classes La première composée des livres de belles-lettres et de philosophie: Grammaire générale et raisonnée, avec M. Lancelot, publiée de nouveau en 1756, sous ce titre : Grammaire générale et raisonnée, contenant les fondements de l'art de parler, etc., par MM. de Port-Royal, nouvelle édition, augmentée des notes de M. Duclos, de l'Académie française, et d'un supplément par M. l'abbé Froment, in-12; Éléments de géométrie ; la Logique, ou l'Art de penser, avec Nicole, livre fort méthodique, propre à faire saisir les règles d'une bonne logique; Réflexions sur l'éloquence des prédicateurs, à Paris, en 1695, adressées à Dubois, membre de l'Académie, qui, dans la préface d'un traité traduit de saint Augustin, avait annoncé que les prédicateurs doivent renoncer à l'éloquence. On peut voir l'occasion et le jugement de cet ouvrage dans la Bibliothèque française de l'abbé Goujet ; Objections sur les méditations de Descartes ; le Traité des vraies et des fausses idées, à Cologne, en 1683. La 2' classe, des ouvrages sur les matières de la grâce, dont on trouve une liste fort longue dans le Dictionnaire de Moréri. Le principal est celui dont nous avons parlé plus haut, sous le titre de Réflexions philosophiques et théologiques. La plupart des autres ne roulent que sur des disputes particulières, si l'on en excepte la traduction des livres de S. Augustin, de la Correction et de la Grâce, etc. La 3°, des livres de controverse contre les calvinistes: La Perpétuité de la foi, ouvrage auquel il avait eu beaucoup de part, et qu'il publia sous son nom, comme Nicole son coopérateur l'avait désiré. Clément IX, à qui il fut dédié, Clément X et Innocent XI lui firent écrire des lettres de remerciment. Plusieurs écrivains ont assuré que cet ouvrage est entièrement de Nicole, ce qui n'est pas, et qu'il ne fut attribué à Arnauld, ainsi que plusieurs autres, que pour rehausser la célébrité et l'autorité du chef du parti; place qu'il paraissait être particulièrement propre à remplir, étant frère de l'evêque d'Angers, d'Arnauld d'Andilly, de la mère Angélique, et cousin du duc de Liancourt. On ne l'appelait que le grand Arnauld. Le Renversement de la morale de J.-C. par les calvinistes, en 1672, in-4°; l'Impiété de la morale des calvinistes en 1675; l'Apologie pour les Catholiques; Les calvinistes convaincus de dogmes impies sur la morale; Le prince d'Orange, nouvel Absalon, nouvel Hérode, nouveau Cromwel. L'auteur du Siècle de Louis XIV prétend que ce livre n'est pas d'Arnauld, parce que le style du titre ressemble à celui du Père Garasse; il ne connaissait sans doute pas l'ar bondance des termes que M. Arnauld trouvait sous sa main, quand son zèle s'enflammait. Cet ouvrage a toujours passé pour être de lui; on dit même que Louis XIV ordonna qu'on le fit imprimer, et qu'on en envoyât des exemplaires dans toutes les cours de l'Europe. La 4o, des écrits contre les jésuites, parmi lesquels on distingue la Morale pratique des jésuites, en 8 vol. qui sont presque tous d'Arnauld, à l'exception du premier, et d'une partie du second. On peut mettre dans cette 4o classe tous les écrits contre la Morale relâchée, dont il était un des plus ardents ennemis. La 5o, des écrits sur l'Écriture sainte : Histoire et concorde évangélique, en latin, 1655; La traduction du Missel en langue vulgaire, autorisée par l'Écriture sainte et par les Pères, faite avec de Voisin. Défense du nouveau Testament de Mons contre les sermons de Maimbourg, avec Nicole; et quelques autres écrits sur la même matière, etc. On a imprimé après sa mort neuf volumes de lettres, qui peuvent servir à ceux qui voudront écrire sa vie. On trouve dans le troisième volume de ses lettres une réponse aux reproches qu'on lui avait faits, de se servir de termes injurieux contre ses adversaires; elle a pour titre Dissertation selon la méthode des géomètres, pour la justification de ceux qui, en de certaines rencontres, emploient en écrivant des termes que le monde estime durs. Il veut y prouver par l'Écriture et par les Pères, qu'il est permis de combattre ses adversaires avec des traits vifs, forts et piquants.

Il y a eu peu de vies aussi agitées que celle d'Arnauld. Chacun de ses mois, au moins, était marqué par une défense ou par une attaque nouvelle; souvent même, à peine avait-il quitté un adversaire qu'il s'en présentait dix autres. Le nombre des combats qu'il a soutenus est véritablement effrayant; aussi, vingt de nos grandes pages à deux colonnes contiendraient difficilement les titres seuls de ses ouvrages d'apologétique, de polémique ou de controverse. On ne peut comprendre que les forces de corps, d'âme et d'esprit d'un seul homme aient pu suffire à des luttes si multipliées, si vives, si prolongées; cependant,

(1) Quoique l'on convienne assez généralement qu'il est mort à Bruxelles, il y a des disputes sur le lieu de sa sepulture. Un historien du temps, en parlant de son cœur transporté à Port-Royal, dit : « Quelque dévotion qu'on ait pour le cœur, ce n'est que la petite relique; le corps est la grande: mais tout le monde ne sait pas où il repose. On en tient le lieu fort secret, sans doute pour empêcher la multitude de pélerinages qui s'y seraient faits, et dont les suites auraient été à craindre. Le convulsionnaire auteur du Dictionnaire janseniste, en 6 tomes, le dit enterré dans l'église paroissiale de Sainte-Catherine, à Bruxelles, au bas d'une chapelle, près du chœur ; et, par une contradiction singulière, il lui applique ces paroles du Texte sacré au sujet de la sépulture de Moïse: Et non cognovit homo sepulcrum ejus usque in præsentem diem. (Voyez des réflexions fort sensées sur ce sujet dans le Dict. hist. de Ladvocat, préface de l'édition de 1764, p. 25.) Des personnes bien instruites assurent qu'Arnauld est enterré sous le maître-autel de l'église des Oratoriens de Lacken, près de Bruxelles. Quelques-uns prétendent que le cadavre le Quesnel v est aussi.

dans ses dernières années, Arnauld montrait la même vigueur que dans les premières. Cétait un lion auquel les combats étaient nécessaires, qui semblait même puiser des forces en déchirant, ou du plaisir en étant déchiré. Nulle carrière ne devrait être plus précieuse devant Dieu que la sienne si toutes ses victoires ou toutes ses défaites eussent eté pour la défense de la vérité. Malheureusement la plus grande partie a reçu sa récompense dans les vains applaudissements d'un parti qui a fait et qui cause encore beaucoup de mal à l'Eglise. Pourquoi faut-il que tant d'aveuglement ait été joint à tant d'intelligence, et que tant de zèle ait été stimulé par des motifs souvent si peu louables!

AVERTISSEMENT.

Cet ouvrage a été composé, il y a du temps, par un auteur recommandable par sa piété, par la solidité de sa doctrine, et par son zèle pour la vérité. Il l'avait fait pour défendre une position qu'il avait mise dans une de ses thèses, dans laquelle il soutenait la nécessité de la foi en Jésus-Christ, et concluait contre le salut des païens et des infidèles. Il parut en ce temps-là quelques discours sceptiques sur diverses matières, parmi lesquels il y en eut un sur la vertu des paiens, dans lequel on insinuait que Socrate, Platon, Aristote, Diogène, Zénon et quelques autres philosophes ou païens qui avaient moralement bien vécu, avaient pu recevoir en l'autre vie la récompense de quelques actions vertueuses qu'ils avaient faites dans ce monde, par la seule connaissance naturelle d'un Dieu et de sa Providence, sans avoir eu la foi en Jésus-Christ. L'auteur, animé d'un saint zèle, et alarmé d'une proposition si scandaleuse, qui tendait au déisme et à la destruction entière de la religion chrétienne, composa ce traité, et établit avec beaucoup de solidité la nécessité de la foi en notre unique Médiateur, Jésus-Christ Dieu-Homme. L'ouvrage s'est trouvé après sa mort parmi ses papiers, et en a été tiré pour le donner au public dans ce temps-ci, où il peut servir à la décision des questions très-importantes sur des matières qui s'agitent présentement. Il y a lieu d'espérer que le public recevra agréablement cet ouvrage, qui sera utile non seulement aux théologiens, à qui il fournit des raisons très-convaincantes pour répondre aux sophismes des infidèles, mais aussi aux personnes qui veulent s'affermir dans la religion chrétienne, puisqu'il en contient les preuves évidentes et fondamentales.

Comme toutes ces preuves sont tirées de la sainte Ecriture et des saints pères de l'Eglise, on a trouvé à propos de rapporter au bas des pages et dans le texte les passages tout au long, afin que le lecteur pût, sans recourir à d'autres livres, confronter les originaux. On a mis à la tête de cet ouvrage, en manière de préface, la tradition des saints pères sur la nécessité de la foi en Jésus-Christ, qui semblait étre nécessaire pour justifier l'uniformité de la croyance de l'Eglise et de ses docteurs sur cette matière.

L'auteur avait laissé sans réponse quelques objections de ceux qui soutiennent que les païens vertueux ont pu être sauvés sans la foi en Jésus-Christ; pour y suppléer, on a cru devoir éclaircir à la fin de cet ouvrage quelques passages des pères qui restaient à expliquer.

Si l'auteur avait mis lui-même au jour ce traité, il aurait peut-être changé quelque chose au style. Quoi qu'il en soit, on n'a voulu y rien réformer, et l'on est très-persuadé que le public aimera mieux que l'on ait donné l'ouvrage d'un aussi grand homme, tel qu'on l'a trouvé, que si l'on avait hasardé d'y faire quelque changement qui, donnant un nouveau tour aux expressions, aurait pu ôter la force aux pensées.

Préface

CONTENANT LA TRADITION DES SAINTS PÈRES DE L'ÉGLISE, TOUCHANT LA NÉCESSITÉ DE LA FOI EN JÉSUS-CHRIST POUR ÊTRE SAUVÉ.

Quoique l'auteur de ce traité ait prouvé par plusieurs passages très-clairs de l'Ecriture et des saints pères, et par des raisonnements très-solides, que la foi en Jésus

Christ a toujours été nécessaire pour être sauvé, parce qu'il n'a pas néanmoins fait une tradition complète, ni répondu à toutes les difficultés qu'on pouvait alléguer pour

donner quelque couleur à l'opinion contraire, on a jugé à propos de recueillir ici les principaux témoignages des pères grecs et latins qui prouvent clairement la vérité que l'auteur à entrepris de soutenir, et d'ajouter à la fin de ce traité une réponse aux objections que l'on a faites, ou que l'on peut faire contre la nécessité de la foi en Jésus-Christ et en faveur du salut des païens, qui ne sont point réfutées dans cet ouvrage.

La vérité que l'auteur établit dans ce traité est que, depuis la chute du premier homme, il est de nécessité absolue, pour être sauvé, d'avoir la foi en Jésus-Christ, et que dans tous les temps, dans tous les lieux, tant sous la loi de nature que sous la loi de Moïse, et depuis la promulgation de l'Evangile, personne n'a pu être sauvé sans cette foi. Il faut avouer qu'elle n'a pas toujours été également claire, ou, comme les théogiens parlent, explicite; mais l'auteur soutient avec raison qu'on ne doit pas la réduire à une simple connaissance naturelle de la providence de Dieu. C'est en ce sens qu'il rejette la foi implicite, et non pas dans le sens de saint Thomas, selon lequel cette foi n'est pas une connaissance naturelle, mais une créance fondée sur la révélation de Dieu, et ne se réduit pas à une simple connaissance de la providence générale de Dieu, mais à connaître et à croire en particulier en Jésus-Christ sauveur et libérateur de l'homme. Saint Thomas va encore plus loin, et dit même que, depuis le péché, il a été de tout temps en quelque manière nécessaire de croire explicitement le mystère de l'incarnation, même quant à la passion et à la résurrection de Jésus-Christ, et que sans cela les hommes n'eussent pas préfiguré, et avant la loi et sous la loi, la passion de Notre-Seigneur par des sacrifices, dont les plus considérables d'entre le peuple, qui étaient dépositaires de la vraie religion, connaissaient clairement la signification, et dont les simples avaient une connaissance voilée, par la créance où ils étaient que Dieu avait caché sous ces sacrifices les dispositions de la venue de Jésus-Christ, et étant persuadés que Dieu délivrerait les hommes de la manière qu'il l'avait révélé par son Saint-Es"prit à ceux qui étaient les maîtres de la religion. Ainsi, selon saint Thomas, il n'y a jamais eu de vraie religion sans la foi de l'incarnation et de la passion de JésusChrist: mais il n'a pas toujours été nécessaire que tous ceux qui faisaient profession de la vraie religion eussent cette connais sance dévoilée. Il fallait qu'il y eût des maîtres de la religion, des personnes inspirées de Dieu, comme les patriarches, les prophètes, les prêtres, etc., que saint Thomas appelle majores, qui eussent cette foi claire et distincte; mais il n'était pas nécessaire que les simples eussent tous les mêmes connaissances: il a suffi avant et sous la loi de Moïse, tant aux Juifs qu'à quelques particuliers parmi les Gentils, qu'ils crussent, par une vraie foi, que Dieu les dé

livrerait de la manière qu'il l'avait révélé à ces personnes inspirées de Dieu, et maîtres de la religion; de la même manière qu'il y a encore des articles de foi sans lesquels notre religion ne serait pas la vraie religion, qui sont crus distinctement par les personnes éclairées, dont néanmoins tous les fidèles ne sont pas reconnus avoir une connaissance distincte et particulière, et sur lesquels il suffit qu'ils soient dans la disposition de croire ce que l'Eglise croit. C'est ainsi, selon saint Thomas, que plusieurs d'entre les Juifs ont eu la foi en JésusChrist, et ont été sauvés par son moyen, parce qu'ils étaient dans la disposition de croire sur la venue du Messie futur, ce que leur religion les obligeait d'en croire, ce que les prophètes en avaient prédit, et ce que les personnes éclairées et inspirées de Dicu parmi eux en croyaient. A l'égard des Gentils qui ont été sauvés, saint Thomas soutient que plusieurs ont connu Jésus-Christ par une révélation_particulière, comme Job, la Sibylle, etc. Et que si quelques-uns de ceux qui n'ont pas eu cette révélation ont élé sauvés, ils ne l'ont pas été sans la foi au Médiateur, parce que, quoiqu'ils n'aient pas eu de foi explicite en Jésus-Christ, ils ont eu toutefois une foi implicite en la providence de Dieu, croyant qu'il était le libérateur des hommes, par les moyens dont il lui plairait de se servir, et selon que l'esprit de Dieu l'avait révélé à quelques-uns qui connaissaient la vérité. Remarquez que saint Thomas doute très-fort s'il y a eu des Gentils sauvés sans avoir connu le Messie par révélation: Si qui tamen salvati fuerint, quibus revelatio non fuit facta; et qu'il assure qu'en cas qu'il y en ait eu, il ne suffisait pas qu'ils eussent connu la providence générale de Dieu par la lumière naturelle, mais qu'il fallait encore qu'ils eussent cru par la foi que Dieu, par une providence spéciale, serait le libérateur des hommes de la manière que son esprit l'avait révélé à quelques personnes qui connaissaient la vérité. Enfin depuis que la loi de la grâce a été révélée, saint Thomas décide nellement que généralement tous les hommes sont tenus, pour être sauvés, d'avoir la foi explicite des mystères de Jésus-Christ. Post tempus autem gratiæ revelatæ, tam majores quam minores. tenentur habere fidem explicitam de mysteriis Christi. C'est la doctrine formelle de ce saint dans l'article septième de la seconde question de sa seconde Seconde (1), où il traite

(1) Divus Thomas 2 2. quæst. 2. art. 7. tract ex professo hanc quæstionem, utrum explicite credere my. sterium incarnationis Christi, sit de necessitate salutis apud omnes.

CONCLUSIO.

Cum incarnationis mysterium fuerit ab æterna dispositum, ut suam homines assequerentur salutem, oportuit omni tempore credi aliquo modo explicite mysterium incarnationis Christi.

In corpore art. Llud proprie et per se pertinet ad objectum fidei, per quod homo Leatitudinem conse quitur. Via antem hominibus veniendi ad beatitudi nem, est mysterium incarnationis et passion:s Christi.

exprès la question; et c'est suivant ces principes, qu'il a décidé en tant d'autres endroits (1), que personne n'a jamais pu être justifié ni sauvé que par la foi de l'incarnation de Jésus-Christ.

Et ideo mysterium incarnationis Christi aliqualiter oportuit omni tempore esse creditum, apud omnes diversimode tamen secundum diversitatem temporum el personarum... Post peccatum fuit explicite creditum mysterium incarnationis Christi, etiam quantum ad passionem et resurrectionein... Aliter enim non præfigurassent Christi passionem quibusdam sacrificiis, et ante legem, et sub lege, quorum sacrificiorum significatum cxplicite majores cognoscebant: minores autem sub velamine illorum sacrificiorum, credentes ea divinitus esse disposita de Christo venturo, quo dammodo habebant velatam cognitionem... Post tempus autem gratiæ revelatæ, tam majores, quam minores tenentur habere fidem explicitam de mysteriis Christi præcipue quantum ad ea quæ communiter in Ecclesia solemnizantur et publice proponuntur, sient sunt articuli incarnationis, de quibus supra di

clum est.

Objicit sibi Divus Thom. ad. 3. Multi gentilium adepti sunt salutem per ministerium Angelorum, ut Dionysius dicit, 9. cap. Cælest. Hierarch. sed gentiles non habuerunt fidem de Christo, nec explicitam, nec implicitam, ut videtur, quia nulla eis revelatio facta fuit. Ergo videtur quod credere explicite incarnationis Christi mysterium non fuerit omnibus necessarium ad salutem.

Ad tertium dicendum, quod multis gentilium facta fuit revelatio de Christo, ut patet per ea quæ prædixerunt. Nam Job, Sibylla, etc... si qui tamen salvati fuerunt, quibus revelatio non fuit facta, non fuerunt, salvati absque fide mediatoris: quia etsi non habuerunt fidem explicitam, habuerunt tamen fidem implicitam in divina providentia, credentes Deum esse liberatorem hominum secundum modos sibi placitos, et secundum quod aliquibus veritatem cognoscentibus revelasset.

(1) 1. 2. q. 98. a. 2. ad. 4. Aderat auxilium a Deo bominibus simul cum lege, per quod salvari poterant; scilicet fides Mediatoris, per quam justificati sunt anLiqui patres, sicut etiam nos justificamur.

1.2. q. 106. a. 1. ad. 3. Nullus unquam habuit gratiam Spiritus sancti, nisi per fidem Christi explicitam vel implicitam.

2. 2. q. 17 4. a. 6. in corp. Fides nostra in duobus principaliter consistit, primo quidem in vera Dei cognitione secundo in mysterio incarnationis Christi.

:

5. g. 49. a. 5. ad. 1. Sancti patres operando opera justitiæ, meruerunt introitum regni cœlestis per fidem passionis Christi.

3. q. 52. a. 5. ad. 2. Sancti patres dum adhuc viverent, liberati fuerunt per fidem Christi ab omni peccato, tam originali, quam actuali.

Ibid. art. 6. in corp. Christi descensus ad inferos, illis solis liberationis contulit fructum, qui fuerunt passioni Christi conjuncti per fidem caritate formaiam. Illi autem qui erant in inferno damnatorum, aut penitus fidem passionis Christi non habuerunt, sicut infideles..... unde nec a peccatis suis erant mundati.

Ibid. q. 61. a. 3. in corpora. Nullus sanctificari potest post peccatum, nisi per Christum, quem proposit Deus propitiatorem per fidem in sanguine ip

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Après cet avertissement, qui nous a paru nécessaire pour faire voir que le sentiment de l'auteur de ce traité, est conforme à la doctrine de S. Thomas et de l'école, nous allons nous acquitter de la première partie de ce que nous avons promis, en rapportant ici les principaux passages des pères grecs et latins sur la nécessité de la foi en JésusChrist, particulièrement avant que l'Evangile eût été annoncé au monde.

S. Ignace dans son épître aux Philadel phiens, (1) parlant des prophètes de l'Ancien Testament, dit : Qu'ils ont annoncé l'Evangile qu'ils ont attendu de Jésus-Christ, qu'ayant espéré et cru en lui, ils ont été sauvés par l'unité qu'ils ont eue avec Jésus-Christ; et qu'ils sont renfermés dans l'Evangile de notre espérance commune. C'est à la foi en Jésus-Christ que ce père attribue uniquement le salut des prophètes: In quem cum credidissent salvati sunt: c'est parce qu'ils ont appartenu à Jésus-Christ et à son Evangile, hors lequel il n'y a point d'espérance

de salut.

L'auteur a fait voir si clairement que saint Justin, non seulement n'avait rien avancé qui fût contraire à la nécessité absolue de la foi en Jésus-Christ pour le salut, mais même qu'elle s'ensuivait de ses principes, que ce serait inutilement que nous répèterions les mêmes choses avec beaucoup moins de force et d'éloquence. Qu'on lise là-dessus le chapitre premier de la seconde partie, page 175. et suiv.

Saint Irénée est un des pères qui établissent et répètent le plus souvent ce grand principe, que c'est par la seule foi en Jésus-Christ que les hommes ont toujours été sauvés.

C'est, dit-il, livre II, chap. 5. par l'invocation du Fils de Dieu, que les hommes étaient sauvés et délivrés des esprits impurs, même avant la venue de Notre-Seigneur: Hujus invocatione etiam ante adventum Domini nostri salvabantur homines, et a spiritibus nequissimis, et a dæmoniis universis, et ab universa apostasia. Dans le III livre, chap. 18. en parlant du cantique de Siméon, il dit, (2) Que ce saint vieillard confessait que l'Enfant Jésus qu'il portait entre ses mains, était le Fils de Dieu, la lumière de toutes les nations, et la gloire d'Israel, et qu'il avait été la cause

a majoribus; implicite autem et quasi obumbrate a minoribus.

Ibid. art. 7. ad. 1. Semper fuerunt eadem speranda apud homines a Christo... Ad hæc sperauda homines non pervenerunt, nisi per Christum.

(1) S. Ignat. Epist. ad Philadelph. Prophetas quia diligamus, hi Evangelium annuntiaverunt, in Christum speraverunt. In quem cum credidissent, salvati sunt in unitate Jesu Christi, et annumerati in communis spei Evangelio.

(2) S. Irenæus, lib. III. advers. hæres. cap. 18. Infantem quem in manibus portabat Jesum, natum ex Maria, ipsum confitens esse Christum Filium Dei, lumen omnium, et gloriam ipsius Israel, et pacem et refrigerium eorum, qui in dormitionem ieruut. Jam enim spoliabat homines, auferens ignorantiam ipsorum, suam autem agnitionem eis donans, et disper titionem faciens eorum qui cognoscebant cum.

du repos et du rafraîchissement de ceux qui étaient morts, les ayant délivrés de leur ignorance, et leur ayant donné sa connaissance, séparant dès lors ceux qui le connaissaient.

Dans le chapitre 20. du même livre, il établit cette maxime fondamentale de notre religion, (1) Que les hommes ne peuvent recevoir que par Jésus-Christ ce qu'ils ont perdu en Adam; et qu'il n'est pas possible que celui qui avait été une fois vaincu et abattu par la désobéissance, devint victorieux, et que celui qui était tombé dans le péché, eût part au salut. Le Fils de Dieu, dit-il, a fait l'un et l'autre par son incarnation. C'est pourquoi il nous exhorte de la croire fermement, parce que vous serez sauvés si vous confessez Jésus-Christ de bouche et que vous croyiez de cœur, que Dieu l'a ressuscité d'entre les morts. Et expliquant sur la fin de ce chapitre, d'une manière admirable toute l'économie de l'incarnation: (2)

(1) Idem ibid. cap. 20. Ostendimus enim quia non tunc cœpit Filius Dei existens semper apud Patrem, sed quando incarnatus est et homo factus, longam hominum expositionem in seipso recapitulavit, in compendio nobis salutem præstans, ut quod perdideramus in Adam, id est, secundum imaginem et similitudinem esse Dei, hoc in Christo Jesu reciperemus. Quia enim non erat possibile eum hominem qui semel victus fuerat et elisus per inobedientiam, replasmare, et obtinere bravium victoria: iterum autem impossibile erat, ut salutem perciperet, qui sub peccato ceciderat. Utraque operatus est Filius Verbum Dei existens, a Patre descendens, et incarnatus, et usque ad mortem descendens, et dispensationem consummans salutis nostræ, cui credere nos indubitate adhortans, iterum dicit. Ne dixeris in corde tuo: Quis ascendet in cœlum?.... Quoniam si confitearis in ore tuo Dominum Jesum, et credideris in corde tuo, quoniam Deus illum excitavit a mortuis, salvus eris. (2) Idem ibid. Est enim piissimus et misericors Dominus, et amans humanum genus, hærere itaque fecit et adunivit (quemadmodum prædiximus) hominem Deo. Si enim bomo non vicisset inimicum hominis, non juste victus esset inimicus. Rursus autem nisi Deus donasset salutem, non firmiter haberemus eam; et nisi homo conjunctus fuisset Deo nostro, non patnisset particeps fieri incorruptibilitatis. Oportuerat enim mediatorem Dei et hominum, per suam ad utrossque domesticitatem, et ad amicitiam et concordiam utrosque reducere, et facere ut et Deus assumeret hominem, et homo se dederet Deo. Qua enim ratione filiorum adoptionis ejus participes esse possemus, nisi per Filium eam quæ est ad ipsum, recepissemus ab eo communionem, nisi Verbum ejus communicasset nobis, caro factum ? Quapropter et per omnem venit ætatem, omnibus restituens eam quæ est ad Deum communionem. Igitur qui dicunt eum putative manifestatum, neque in carne natum, neque vere hominem factum, adhuc sub veteri sunt damnatione, advocationem præbentes peccato, non devicia secundum eos morte, quæ regnavit ad Adam usque ad Moysen (Rom., V, 14) etiam in eos qui non peccaverunt in similitudinem transgressionis Ada. Veniens autem lex, quæ data est per Moysem, et testificans de peccato, quoniam peccator est regnum quidem ejus abstulit, latronem et non regem eum detegens, et bomicidam eum ostendit. Oneravit autem hominem qui habebat peccatum in se, reum mortis ostendens enm. Spiritalis enim cum lex esset, manifestavit tantummodo peccatum, non autem interemit: non enim spiritui dominabatur peccatum, sed homini.... Sic igitur Verbum Dei homo factus est, quemadmodum et Moyses ait (Deut, XXXII. 4) :

Dieu, dit-il, plein de miséricorde et de bonté pour le genre humain qu'il aime, a uni l'homme à Dieu. Car si l'ennemi eût été vaincu par un homme, la victoire n'eût pas été juste; et si ce n'eût pas été un Dieu qui nous eût donné le salut, nous ne l'aurions pas d'une manière ferme et stable, et l'homme n'eût pas pu avoir part à l'immortalité, s'il n'eût été uni à Dieu. Il fallait donc que le médiateur de Dieu et des hommes réunit les hommes avec Dieu, en se

rendant l'homme agréable à Dieu et en faisant

connaitre Dieu aux hommes. Car comment

aurions-nous eu part à l'adoption des enfants de Dieu, si nous n'eussions eu cette communication que nous avons avec lui par le Fils; et si son Verbe ne nous l'eût communiquée par l'incarnation? C'est pourquoi ceux qui disent qu'il n'a été homme qu'en apparence, sont encore sous l'ancienne damnation, et se rendent les avocats du péché; parce que la mort n'a point encore été vaincue. Elle a régné depuis Adam jusqu'à Moise, même dans ceux qui n'ont pas péché en imitant la transgression d'Adam. La loi qui est venue et qui a été donnée par Moïse, a rendu témoignage au péché; elle a montré que l'homme était pécheur: elle lui a ôté son royaume, elle lui a fait voir qu'il était un brigand et un meurtrier, et non pas un roi. Ainsi elle a chargé l'homme qui avait le péché en soi, en montrant qu'il était coupable de mort. Car la loi étant spirituelle, a découvert le péché, mais elle ne l'a pas fail mourir; parce que le péché ne dominait pas sur l'esprit, mais sur l'homme. C'est le Verbe qui, rétablissant l'homme dans son ancien état, a fait mourir le péché, anéanti la mort, et vivifié l'homme; et c'est pour

sont véritables.

cela

que

ses œuvres

Suivant les mêmes principes, il dit dans le chapitre 33, (1) Que` comme Eve, par sa désobéissance, s'est causée la mort, elle l'a aussi causé à tous le genre humain; de même Marie a été par son obéissance, la cause de son salut et de celui de tout le genre humain. Que Jésus-Christ, qui est le premier né des morts, recevant dans son sein les anciens pères, les a régénérés dans la vie divine, étant le chef des vivants comme Adam l'a été des morts.

Il marque encore plus expressément la nécessité de la foi en Jésus-Christ, dans un passage tiré du chapitre 5, du IV livre cité par saint Augustin, qui porte, (2) Que la loi

Deus vera opera ejus. Si autem non factus caro parebat quasi caro; non erat verum opus ejus. Quod autem parebat, hoc et erat: Deus hominis antiquanı plasmationem in se recapitulans, ut occideret quidem peccatum, evacuaret autem mortem, et vivificaret hominem et propter hoc vera opera ejus.

(1) Idem ibid. cap. 38. Sicut Eva inobaudiens facia, et sibi et universo generi humano causa facta est mortis sic et Maria habens prædestinatum virum, tamen Virgo obaudiens, et sibi et universo generi humano causa facta est salutis... Primogenitus enim mortuorum natus Dominus, et in sinum suum recipiens pristinos patres, regeneravit eos in vitanı Dei, ipse initium viventium factus, quoniam Adam initium morientium factus est.

(2) Idem ibid. l. IV. c. 5. Non enim prohibebat eos credere in Filium Dei, sed adhortabatur dicens,

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