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œuvres sont exactement examinées (1), dit Paræus, l'un de vos meilleurs écrivains, entre les modernes, selons la rigueur de la loi de Dieu, ce seront purs péchés. Vous dites en votre (2) catéchisme qu'il y a toujours quelque infirmité de notre chair mêlée parmi nos œuvres, dont elles sont souillées, ce qui fa.L paraître clairement que toutes bonnes cuvres sont mauvaises, puisqu'ainsi que l'être du bien procède d'une cause entière, le mal procède du moindre défaut.

Or si toutes les œuvres devant Dieu, qui comme dit (3) l'Apôtre aux Romains, reconnaît et juge toutes choses selon qu'elles sont en elles-mêmes, ne sont que péchés damnables, que souillures, que saletés, que pures iniquités, purs péchés, pures pollutions des dons de Dieu: il est clair qu'il n'y a ni bonnes œuvres, ni aucune vertu au monde, étant impossible que la vertu et le vice soient en un même sujet, beaucoup moins encore que la vertu soit en une action qui est pure iniquité, pur péché, pure souillure. (II, Corinth. VI. Que enim participatio justitiæ cum iniquitate, aut societas luci ad tenebras?) Donc il paraît quæ que vous bannissez et abolissez directement toute vertu, et détournez indirectement et par conséquence les hommes de toute bonne action, puisque toutes celles qui sont estimées bonnes devant les hommes, sont souillure et péchés damnables devant Dieu, ce qui fait que quiconque le craint et l'aime tout ensemble, s'en doit abstenir, comme de chose qui lui est désagréable.

Peut-être direz-vous que votre doctrine ne détourne pas les hommes des bonnes œuvres, pour enseigner que ce sont autant de péchés devant Dieu, d'autant qu'elle enseigne tout ensemble que tels péchés ne sont pas imputés à celui qui les commet.

Mais cette fuite vous sera inutile, attendu que celui qui a la crainte filiale, ne regarde pas seulement l'imputation qui lui doit être faite de sa faute, et la peine qu'il en doit porter, mais principalement l'offense de son père, auquel il ne doit et ne veut pas déplaire; ce qui fait qu'il s'abstiendra de toute action qui lui pourrait être désagréable, et de plus qu'il y est obligé.

Aussi peu vous servira-t-il de mettre en avant, que vous n'enseignez pas que les œuvres soient mauvaises de leur nature, mais seulement par la corruption de l'homme; d'où vous inférez qu'on n'est pas obligé de les fuir; d'autant qu'outre que quelquesuns des (4) vôtres les soutiennent mauvaises de leur nature, il suffit pour être obligé à les

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fuir qu'elles soient mauvaises, soit par nature, soit par accident, puisque la lumière naturelle nous apprend que tout mal sans exception doit être évité, et que Dieu ne doit être offensé en aucune façon, soit par acte inauvais de sa nature, soit mauvais par accident. Ce qui m'est aisé de faire entendre, par exemple, n'y ayant personne qui ne sache que quoique l'aumône soit bonne de sa nature, étant mauvaise par accident, quand elle est faite à mauvaise fin, il n'est pas permis de la faire ainsi.

CHAPITRE XVIII.

La religion prétendue réformée ouvre la porte à tous vices.

Apprenant des pères (1) que c'est chose ordinaire à ceux qui sont entachés d'erreur de déguiser leur créance et la couvrir par obscurité, rien ne vous pouvant être plus honteux que d'ouvrir par votre doctrine la porte à tous vices, il semble qu'il soit difficile de vérifier que vous êtes chargés de ce crime. Mais fondé en ce que Tertullien (2) remarque que telles gens que vous, peuvent être découverts ainsi que les larrons, à qui il arrive de laisser tomber quelque chose qui sert d'indice pour les convaincre, je ne laisse de l'entreprendre, et je m'en acquitterai au jugement de tout le monde, si je fais voir que vous enseignez que les adultères, les homicides et ceux qui renient JésusChrist et qui commettent d'autres crimes atroces, demeurent en état de grâce et de salut: n'y ayant personne qui ne reconnaisse que c'est une grande occasion au fidèle de se laisser aller à ses passions et s'abandonner à tous vices, si pour aucun qu'il puisse commettre, il ne peut être privé de la grâce de Dieu et de l'assurance de son salut.

Le chrétien, dit Luther (3), est si riche, qu'il ne peut périr quand même il le voudrait, pour quelque péché qu'il commette, s'il veut croire. Et au même endroit Il n'y a point de péchés qui le puissent damner que la seule incrédulité. Le S. Esprit ( dit l'université de Zurich (4), université calviniste, ce qui est à noter,) demeure perpétuellement aux saints, quoiqu'ils soient quelquefois emportés el surmontés par le poids de la chair. L'uni-versité d'Hildeberg (5) enseigne clairement

(1) Tertull. lib. contra Valent. cap. 1. Nihil magis curant quam occultare quod prædicant.

(2) Tertull. furibus semper aliquid excidere solet ad judicium.

(3) Lib. de captiv. Babyl. cap. de Bap. Christianus sive baptizatus etiam nolens non potest perdere salu tem suam, quantiscumque peccatis, nisi nolit credere. Nulla enim peccata eum possunt damnare, nisi sola incredulitas.

(4) Apud Zanchium lib. II. Miscella. In Thesibus. In sanctis, spiritus perpetuo manet, quamvis poudere carnis aliquando vincuntur.

(5) Apud Zanchium lib. II. Miscellan. in Thesib. Labi electos atque etiam subinde sic cadere ut denuo erigendi sint, scimus, et id per resipiscentiam fieri non dubitamus: verum ista ratio seu via est admodumi diversa a prima illa vocatione seu insitione, per quam electi Christo incorporantur ; Tale inter utramque discrimen statui posse nobis videtur, quale est inter mor

que les élus chargés de crimes atroces ne perdent pas la grâce du Saint-Esprit; puisqu'elle fait entre eux et celui qui n'a pas la foi, la même distinction qui se trouve entre J'homme mort et celui qui est malade; en ce qu'ainsi que l'homme mort, pour revivre a besoin de nouvelle vie: ainsi celui qui est privé de foi doit recevoir la vie de l'âme qu'il n'a point. Et qu'ainsi que le malade n'a pas besoin de nouvelle vie, mais seulement de renfort de celle qu'il a toujours conservée en lui; ainsi celui qui est souillé du péché ayant la foi, n'a pas besoin de recevoir de nouveau la grâce du Saint-Esprit, mais bien d'être fortifié en celle qu'il a toujours conservée en son âme.

Mais oyons Calvin (1) sur ce sujet. Il demeure quelque semence de la foi en l'homme, même entre les plus grandes chutes, après quoi il dit que cette semence est une parcelle de la vraie et vive foi. Ce qui montre bien que l'homme en cet état est en grâce devant Lieu, puisqu'il dit que sa foi est vive, et qu'il enseigne en un autre lieu, que (2) tout aussitôt que la moindre goutte de foi est coulée en nos ames, aussitôt nous commençons à voir la face de Dieu calme, sereine et propice envers nous. Ce que Bèze (3) confirme disant, qu'une vive étincelle de la foi, quoique seule, est si efficace, qu'elle nous rend vraiment assurés de notre salut. Ce même auteur, interrogé en ses Colloques, savoir si David commettant adultère ne perdit pas le Saint-Esprit, répond (4) qu'il ne le perdit pas, mais le retint. Ce qu'il déclare par la similitude d'un homme ivre, en qui la raison demeure, bien qu'on ne l'y aperçoive pas et celle du feu couvert de cendre, qui pour être caché n'est pas éteint; sur quoi, celui avec qui il parle répondant, que pour tout le monde il ne voudrait pas enseigner que les fornicateurs et adultères retiennent en leur adultère la foi et le Saint-Esprit, il replique (5) Je voudrais périr si j'enseignais autrement.

tuum corpus et illud quod morbo seu leviore, seu graviore ac lethali affectum est: Illud sane vitali vi, ut ita, dicam, opus habet: hoc vero solum desiderat, ut que adhuc in eo residet vita (nota) labefactata illa quidem et infirma instauretur, recreetur, refocilletur

(1) In antidoto Concil. Trid. in Canon. 21. Semen aliquod fidei manere in homine licet suffocatum, etiam inter gravissimos lapsus non nego. Id quantulumcumque est, particulam fateor esse veræ fidei, adde etiam viva.

(2) III. Instit. c. 2. § 19. Ubi primum vel minima fidei gutta mentibus nostris instillata est, jam faciem Dei placidam, et serenam nobisque propitiam contemplari incipimus.

(3) Beza in confess. c. 4. art. 20. Vera vel sola fidei scintilla hactenus est efficax ut vere nos de nostra salute securos reddat.

(4) In Colloq. Mobel. Thesi de bapt. Nequaquam amisit, sed retinuit. Iterum, ego dico Davidem in adulterio perpetrato retinuisse Spiritum sanctum, quod similitudine declarabo: Ebrius non amittit inIellectum seu rationem, et si ratio sese non exerat: et ignis cineribus tectus minime extinctus est, sed latet ita gratia, fides et Spiritus sanctus in lapsibus electorum ad tempus teguntur, ut non sentiantur, quod in Davidis adulterio factum est, in quo gratia Dei ad tempus tecta, sed non amissa fuit.

(5) Beza ibid. Ego vellem perire, si aliter docerem.

Et ne sert de rien de mettre en avant, qu'en sa (1) réponse aux actes de ce colloque, il nie en termes exprès qu'il ait dit que David en son adultère ait retenu la foi et le Saint-Esprit, parce que cela justifie seulement que convaincu de sa honte il se contredit lui-même, mais non qu'il ne dit pas ce que je prétends, le professant si clairement, qu'il me serait impossible de le coucher en termes plus exprès. Et lorsqu'il se reprend en cette réponse, quoiqu'il nie de parole que David ait eu le Saint-Esprit en son péché, il le dit en effet, puisqu'il reconnaît au même licu (2), qu'en son adultère et son homicide il demeurait toujours quelque chose du SaintEsprit, parce qu'il était élu; attendu que, comme j'ai montré ci-dessus, selon lui-même la moindre étincelle de la foi et du SaintEsprit justifie l'homme.

Quant à ce qu'il dit, que ses actes n'ont pas été écrits fidèlement, la réponse est prompte : puisqu'au livre (3) qu'il a fait des questions et réponses chrétiennes, il apporte le même exemple qu'il fait en ses actes, comparant les élus tombés en péchés énormes, à ceux qui pour être malades ne laissent pas d'avoir

la vie.

Quand la chair surmonte l'esprit, dit Paræus (4), professeur d'Hildeberg, comme en la chute de David, pour cela le Saint-Esprit ne laisse pas d'être aux saints. Dieu se cour— rouce, dit Zanchius (5), contre les élus, lorsqu'ils pèchent, mais il ne les hait jamais. Et au même endroit (6), Parce que les péchés sont remis aux élus, et ne leur sont pas imputés à mort, de là vient qu'au respect des personnes qui sont en Jésus-Christ, les péchés commis par eux ne peuvent être dits mortels. Ce qui fait qu'aux régénérés qui ont vraiment la foi, toutes choses sont vénielles. Si les personnes sont élues et fidèles en Jésus-Christ, dit Musculus (7), il s'ensuit que leurs péchés ne sont pas mortels, mais véniels.

Or il faut bien noter que le péché véniel parmi vous n'est pas seulement celui qui, comme nous enseignons, est digne de pardon, mais celui qui est pardonné; non vé

(1) Respons. ad acta colloq. part. 2.

(2) Illum dixi quamvis adulterum et homicidam, tamen quoniam electus erat aliquid Spiritus sancti in eo fuisse servatum.

(3) In Quæst. et Respons. christianis... Nunquam spiritum penitus eripi dico... Non aliter veram fidem et ejus effecta in electis interrumpi dico, ut in iis qui lethargo laborant, et in ebriis impediuntur animæ facultates, non tamen anima ipsa tollitur, cum inter lethargum, aut ebrietatem et mortem ipsam plurimum intersi1.

(4) Paræus lib. 1. de Amiss. gratiæ cap. 7. Quomodo caro vincit spiritum, ut in Davide lapso, nou ideo desinit spiritus esse in sanctis.

(5) In depulsione calum. Deus electis cum peccant irascitur, sed eos nunquam odit.

(6) Ibid. Quia peccata electis condonantur, nec mortem, ideo respectu personarum quæ sunt in Christo peccata ab ipsis admissa mortalia dici non possunt: quare in renatis et vera fide præditis omnia sunt venialia.

(7) Locis communibus Tit. de peccato, si persone in Christo electæ sunt et fideles, consequitur et idorum peccata mortalia non esse, sed venialia.

niel, mais venié, s'il faut ainsi parler. Ce que Paræus (1) enseigne clairement, lorsqu'il dit, que étre véniel et être imputé sont choses répugnantes, parce que le péché être véniel, c'est le péché étre remis et non puni. Ce qui montre bien que tout péché des élus et des fidèles étant véniel, nul ne leur est imputé, nul ne les rend dignes de disgrâce. Et c'est ce que dit plus clairement un de vos écrivains anglais (2) en l'apologie des protestants: Le péché est remis aussitôt qu'il est commis, ou plutôt devant qu'il soit commis, lorsqu'une fois T'homme a acquis sa justification, qui est une pleine rémission de tous ses péchés présents et futurs.

Maintenant je demande s'il est vrai que l'homme ayant la foi ne puisse périr, quelque vie qu'il mène et quelque péché qu'il commette; s'il est vrai qu'il demeure toujours en lui quelque semence du Saint-Esprit suffisante pour sa justification: si jamais Dieu, quoique courroucé contre lui, ne le hait; si nul péché n'est mortel à son respect; si tout crime n'est pas seulement pardonnable pour lui, mais pardonné; si enfin tout élu qui meurt en quelque péché que ce puisse être, ne laisse pas d'aller droit en paradis. Je demande, dis-je, si telle doctrine n'ouvre pas la porte à tous les vices, et si pour un qui s'abstiendra de commettre un péché, de peur de déplaire à son Dieu et encourir son ire, trente autres ne le commettront pas suivant leur mauvaise inclination, parce que, bien que Dieu se courrouce, ils sont assurés de ne perdre point sa grâce, et ne s'attirer point sa haine. Je demande en outre si en cette considération telle doctrine n'est pas digne, non seulement de haine, mais d'horreur.

CHAPITRE XIX.

La religion prétendue réformée enseigne que aucune loi des princes spirituels ou temporels ne peut obliger en conscience.

Ni le pape, ni l'évêque, ni aucun homme, dit Luther (3), n'a pouvoir d'obliger le chrétien à une syllabe, si ce n'est de son consentement. Je crie, dit-il (4) au même endroit, hardiment aux chrétiens, que ni les hommes, ni les anges ne leur peuvent imposer aucune loi, qu'en tant qu'ils le veulent, car nous sommes libres de toutes lois. Nous résolvons, dit Cal

(1) Lib. I. de Amiss. grat. et statu peccati. c. 8. Esse veniale et imputari sunt pugnantia, quia peccatum esse veniale est peccatum venia donari, non puniri.

(2) Wottonus in Apolog. protestant. Tract. II. c. 5. Remittitur peccatum, seu potius antequam committatur, adepta ab homine semel justificato plena omnium peccatorum præsentium et futurorum (nota) remis

sione.

(3) Lib. de Captivit. Babylon. Neque Papa, neque episcopus, neque ullus hominum habet jus unius syllabæ constituendæ super hominem christianum, nisi fiat ejusdem consensu.

(4) Ibid. Clamo fidenter christianis nihil ullo jure posse imponi legum, sive ab hominibus, sive ab angelis, nisi quantum volunt, liberi eniin sumus ab omnibus.

vin (1), que la conscience est exempte de la puissance de tous les hommes. Ensuite de quoi il prouve que les lois politiques ne peuvent obliger en conscience. Nos consciences, dit Danæus (2), ne sont pas astreintes par les commandements des hommes, toutes autres lois (que les divines) ne peuvent rien sur les consciences; et par après, les lois qui sont faites, soit du magistrat, soit de l'Eglise, ne perdent ni ne sauvent les ames. Jésus-Christ. dit Witakerus (3), a voulu que nous obéissions aux decrets des hommes avec liberté de conscience. Les consciences (4) ne sont astreintes par aucune loi que par les divines.

Donc il paraît que vous enseignez disertement que les lois humaines n'obligent en aucune façon les consciences, qui est une doctrine détestée de l'Eglise catholique, et qui le doit être universellement de tout le monde attendu qu'elle ouvre une grande porte à la désobéissance, en ce qu'on ne saurait mieux apprendre à mépriser l'autorité de l'Eglise, des rois et de tous les magistrats, el à violer leurs lois et ordonnances, qu'en persuadant à chacun qu'il n'y en peut avoir aucune qui oblige les consciences.

Maintenant il ne me reste autre chose à faire qu'à vous supplier de rentrer en vousmêmes, pour vous disposer à entrer au chemin de votre salut. Quoi! demeurerez-vous en une religion qui se vantant de beaucoup, ne peut se prévaloir d'aucune chose? Qui ne voit qu'il y a 1,600 ans que Jésus-Christ a établi son Eglise avec promesse de perpétuité, celle qui est née depuis cent ans ne peut être la sienne? Qui ne voit que ces noms de catholique et chrétienne étant propres à l'Eglise, la religion qui ne les peut avoir, et à qui les qualités qu'ils signifient ne peuventconvenir, ne se peut vanter d'avoir la vraie Eglise? Qui ne voit que la religion qui contredit manifestement l'Ecriture en plusieurs points principaux de sa créance n'est pas celle qui nous a été laissée de Jésus-Christ et des apôtres? Qui ne voit que ceux qui, sous prétexte de l'honneur de Dieu lui font injure; qui faisant état de l'Ecriture sainte de parole, substituent en effet celle des hommes en sa place et s'en servent pour fondement de leur foi, qui ne voit, dis-je, que telles gens ne portent pas le flambeau qu'il fautsuivre? Qui croira que celui qui nie la plupart des mystères, parce qu'ils lui sont onéreux, qui les nie pour se chercher soi-même, qui ne veut point de chef visible en l'Eglise pour être affranchi de son obéissance, qui pour s'exempter de tout travail, ne veut pas

(1) III. Institut. c. 19. § 14. Omnium hominum potestate exemptas esse (conscientias ) constituimus.

(2) In Anti Bellarm. lib. de Bapt. Ergo mandatis hominum nostræ conscientiæ non obstringuntur... Ali enim nihil ad conscientiam leges illæ (quæ tum a magistratu fiunt tum ab Ecclesia) neque perdunt, neque servant animas.

(3) Ad ration. VIII. Campiani, Christus voluit ut họminum decretis libera conscientia pareamus.

(4) Lib. VIII. contra Dura. Conscientiæ nullis legibus adstringuntur nisi divinis.

que le sang de Jésus-Christ puisse rendre nos actions purgatives, propitiatoires, ou méritoires; en un mot qui bannit toute peine pour gagner à son aise le paradis; qui croira, dis-je, celui-là être au chemin du ciel, mais qui ne verra qu'il se prépare une voie assurée aux peines éternelles?

Y a-t-il quelqu'un assez grossier, pour ne reconnaître pas, que ceux qui promettent au peuple la liberté entière d'user de l'Ecriture, sans toutefois lui en donner d'autre que celle de voir les caractères, et entendre le son des paroles et qui lui mettent en main pour moyen de salut une bible, qu'ils reconnaissent non authentique, et qui est altérée et corrompue, sont des moqueurs et des trompeurs en chose importante au salut ? Qui ne verra qu'on n'est pas assuré en une religion, en laquelle toute l'assurance du salut dépend de l'opinion des hommes, et d'un chacun en son fait propre, en une religion dont les auteurs meurent désespérés ? Suivra-t-on ceux qui professant de suivre Jésus-Christ de point en point, font le contraire de ce qu'il a fait en cet auguste mystère, qu'il institua devant sa mort? Estimera-t-on vraie religion celle qui bannit tout sacrifice, quoiqu'il n'y en ait eu aucune qui en ait été destituée ?

Qui ne jugera que le vrai chemin pour n'aller pas avec les saints est de suivre ceux qui s'en rendent ennemis, vomissant mille blasphèmes contre leur honneur et leur pureté? Quelqu'un croira-t-il que blasphémer contre Jésus-Christ, ce soit le moyen de le suivre ? Les aveugles ne verront-ils pas que faire Dieu auteur du péché et de la damnation des hommes, c'est se damner et se perdre soi-même ? Mais si celui qui sépare le corps mystique de Jésus-Christ, commet un plus grand crime, au jugement des pères, que s'il déchirait son vrai corps, qui ne reconnaîtra votre religion détestable pour le schisme dont elle est convaincue? Qui est celui qui ne la condamnera, la voyant composée d'un amas d'anciennes hérésies, et partant, condanmées par soi-même, puisqu'elle l'est par la primitive Eglise, qu'elle reconnaît vraie Eglise? Un homme vertueux et qui hait le vice, pourra-t-il suivre une société qui bannit toute vertu? Ne verra-t-il pas clairement qu'ouvrir la porte à tout vice, c'est s'ouvrir celle de l'enfer ? Qui ne verra qu'une société qui ne veut être sujette à aucune loi des magistrats spirituels et temporels, ne peut s'assujettir à celle de Jésus-Christ?

Ceux qui ne verront cette lumière seront bien plus qu'aveugles. Que chacun ouvre les yeux, et que nul ne soit trompé par l'opinion que plusieurs ont, que le désir de faire leur salut les met à couvert en quelque lieu qu'ils soient. Qu'ils sachent que si l'intention était suffisante pour nous justifier, ceux qui pensaient faire service et sacrifice à Dieu, en tuant les apôtres, eussent fait leur salut, et non perdu leurs âmes. Qu'ils sachent que celui qui est dans le chemin de Genève et à la volonté d'aller à Rome, n'y va pas pour cet effet. Qu'ils sachent qu'il n'y a point de salut

hors de l'Eglise. Qu'ils apprennent des pères qu'on n'est à l'abri de l'ire de Dieu que sous son toit. Que les simples ne se trompent pas, estimant que leurs ministres ne prêcheraient point si hardiment qu'ils font, s'ils n'étaient assurés de ce qu'ils disent: puisque, s'il suffi• sait aux bérétiques, pour faire approuver leur doctrine,de publier qu'elle est bonne, et affirmer que toute autre contraire ne vaut rien, on ne pourrait accuser d'impiété les plus grands hérésiarques qni aient jamais été; d'autant qu'ils ont toujours défendu leurs blasphèmes avec telles armes.

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Je sais bien que les conversions sont difficiles qu'ainsi qu'on dit que le cœur d'un homme empoisonné ne peut être consumé par le feu ainsi Dieu qui est un vrai feu consumant,enflamme-t-il difficilement les cœurs empoisonnés d'erreur, à cause des obstacles qu'il y trouve; mais il le peut et le fera, si chacun se dépouillant de passion, y apporte la disposition requise, et embrasse les moyens qui ont été prescrits par les pères. Si tu veux, dit saint Augustin,(1) parlant à celui qui cherche son salut, mettre fin à tes travaux, suis la voie de la discipline catholique, qui par les apôtres est venue de Jésus-Christ, jusqu'à nous, et qui sera continuée en notre postérité, c'est-à-dire suis l'Eglise romaine, qui seule se trouve descendue de Jésus-Christ par succession non interrompue. C'est en cette Eglise, messieurs. qu'il faut venir, et saint Augustin vous y convie par un autre lieu encore plus exprès. Doutons-nous (2) dit-il, de nous retirer au giron de cette Eglise, qui au jugement de tout le genre humain par la succession des évêques dérivée de la chaire apostolique a acquis le comble d'autorité, nonobstant les abus des hérétiques condamnés, soit par le jugement du peuple, soit par le poids des conciles, soit par la majesté des miracles? 1.es conditions exprimées en ce passage ne conviennent en aucune façon à votre église prétendue, puisque tant s'en faut, qu'au jugement de tout le monde, elle tire son origine des apôtres par succession non interrompue, qu'il n'y a personne qui ne soit contraint de reconnaitre qu'elle a été inconnue jusqu'au dernier siècle, auquel elle s'est élevée d'elle-même. Mais on peut dire avec vérité, et ce au jugement de tout le genre humain, que l'Eglise romaine est venue au comble de l'autorité où elle est,par la succession des évêques non interrompue, dérivée de la chaire apostolique, nonobstant les abois des novatiens, ariens, pélagiens et autres hérétiques du vieux temps, et ceux

(1) De Utilit. crede n. cap. 8. Si jam tibi satis jactatus videris, finemque hujusmodi laboribus vis imponere, sequere viam catholicæ disciplinæ, quæ ab ipso Christo per apostolos ad nos usque manavit, et ab hinc ad posteros manatura est.

(2) Ibid. c. 17. Dubitamus nos ejus Ecclesia condere gremio, quæ usque ad confessionem generis humani ab apostolica sede per successiones episcoporum frustra hæreticis circumlatrantibus, et partim plebis ipsius judicio, partim conciliorum gravitate, partim etiam miraculorum majestate damnatis, culmen auctoritatis obtinuit.

des bérengariens, bétrobrusiens, henriciens, vaudois, albigcois, wicléfistes, hussites et autres tous condamnés, soit par le jugement des peuples, soit par l'autorité des conciles, soit par la majesté des miracles. C'est donc en cette Eglise, au giron de laquelle il se faut retirer, et à laquelle on ne peut dénier la pri

mauté sans une impiété extreme, pour user des termes (1) de saint Augustin, ou une arro· gance téméraire.

(1) De Utilit. cred. cap. 17. Cui nolle primas dare summæ profecto impictatis est, vel præcipitis arrogantiæ.

VIE D'ARNAULD.

ARNAULD (ANTOINE ), le 20° des enfants d'Antoine Arnauld et de Catherine Marion, né en 1612, fit ses humanités et sa philosophie aux colléges de Calvi et de Lisieux; il prit ensuite des leçons de théologie sous Lescot, qui dictait le traité de la grâce. Dans son Acte de tentative, soutenu en 1635, il étala dans sa these des sentiments assez opposés à ceux qu'on lui avait dictés, et les défendit avec un peu trop de vivacité. Il prit te bonnet de docteur de Sorbonne en 1641; et, en prêtant le serment ordinaire dans l'église de Notre-Dame sur l'autel des martyrs, il jura de défendre la vérité jusqu'à l'effusion de son sang, promesse que font depuis tous les docteurs. Deux ans après, il publia, avec l'approbation de quelques évêques et de vingt-quatre docteurs de Sorbonne, son livre De la fréquente communion. Ce traité fut vivement attaqué par ceux contre lesquels il paraissait être écrit ; mais il fut défendu encore plus vivement. Les disputes sur la grâce lui donnèrent bientôt occasion de déployer son éloquence sur une autre matière. Un prêtre de Saint-Sulpice ayant refusé l'absolution à M. le duc de Liancourt, qui était personnellement signalé dans la défense du livre de Jansenius, Arnauld écrivit deux lettres à cette occasion. On en tira deux propositions qui furent censurées par la Sorbonne en 1656. La première qu'on appelait de droit, était ainsi conçue Les Pères nous < montrent un juste en la personne de saint Pierre, à qui la grâce, sans laquelle on ne peut rien, a manqué dans une occasion où l'on ne saurait dire qu'il n'ait point péché. La seconde qu'on appelait de fait : « L'on peut douter que les cinq propositions condamnées par Innocent X et par Alexandre VII, comme étant de Jansénius, évêque d'Ypres, soient dans le livre de cet auteur. › Arnauld, n'ayant pas voulu souscrire à la censure, fut exclu de la faculté. Quelque temps auparavant, il avait pris le parti de la retraite; il s'y ensevelit plus profondément depuis cette disgrâce, et n'en sortit qu'à la prétendue paix de Clément IX, en 1678. Il fut présenté au nonce, à Louis XIV, et à toute la cour. On l'accueillit comme le méritaient ses talents et le désir qu'il faisait paraître de jouir du repos que donne la soumission à l'Église. Il travailla dès lors à tourner contre les calvinistes les armes dont il s'était servi contre la Sorbonne. Ces temps heureux produisirent la Perpétuité de la foi, le Renversement de la morale de J.-C. par les calvinistes, et plusieurs autres ouvrages de controverse qui le firent redouter des protestants, Il semblait que la tranquillité fût revenue pour toujours; mais Arnauld, devenu suspect par les visites nombreuses qu'il recevait, et cru dangereux par Louis XIV, se retira dans les Pays-Bas, en 1679, loin de l'orage qui le menaçait. Son Apologie du clergé de France et des catholiques d'Angleterre, contre le ministre Jurieu, fruit de sa retraite, souleva la bile du prophète protestant. Cet écrivain lança un libelle intitulé l'Esprit de M. Arnauld, dans lequel il maltraitait étrangement ce docteur, qui refusa d'y répondre, mais qui n'y fut pas moins sensible. Une nouvelle querelle l'occupa bientôt. Le Père Mallebranche, qui avait embrassé des sentiments différents sur la grâce, les développa dans un traité, et les fit parvenir à Arnauld. Ce docteur, sans répondre à Mallebranche, voulut arrêter l'impression de son livre. N'ayant pu en venir à bout, il ne pensa plus qu'à en faire la réfutation; il commença en 1683. Il y eut plusieurs écrits de part et d'autre, assaisonnés d'expressions piquantes et de reproches très - vifs. Arnauld n'attaquait pas le Traité de la nature et de la grâce, mais l'opinion que l'on voit tout en Dieu, exposée dans la Recherche de la vérité. Il intitula son ouvrage : Des vraies et des fausses idées. Il prenait ce chemin, qui n'était pas le plus court, pour apprendre, disait-il, à Mallebranche à se défier de ses plus chères spéculations métaphysiques, et le préparer par-là à se laisser plus aisément désabuser sur la grâce. Mallebranche se plaiguit de ce qu'une matière dont il n'était nullement question avait été choisie, parce qu'elle était la plus métaphysique, et par conséquent la plus susceptible de ridicule devant presque tout le monde. Arnauld en vint à des accusations, savoir, que son adversaire met une étendue matérielle en Dieu, et veut artificieusement insinuer des dogmes qui corrompent la pureté de la religion. On sent que le génie d'Arnauld était tout-à-fait guerrier, et celui de Mallebranche fort pacifique. Les Réflexions philosophiques et théologiques sur le Traité de la nature et de la grâce, publiées par Arnauld en 1685, le rendirent vainqueur dans l'esprit de ses partisans; mais Mallebranche le fut aussi aux yeux de ses disciples. Cette dispute dura jusqu'à la mort d'Arnauld, arrivée à Bruxelles en 1694 Mallebranche lui avait déclaré qu'il était las de donner au monde un spectacle, et de remplir le Journal des savants de leurs pauvretés réciproques. Les partisans, des nouveautés alors en discussion perdirent le plus habile défenseur qu'ils aient eu. Son cœur fut apporté à Port Royal, puis transféré à Palaiseau. Santeuil et Boileau lui firent chacun une épitaphe, l'un en latin, et

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