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l'esprit de Jésus-Christ; et l'esprit de JésusChrist produit en nous les mêmes inclinations et les mêmes sentiments qu'il a produits dans Jésus-Christ, et nous fait aimer les mêmes objets. Il n'y a donc qu'à étudier les inclinations de Jésus-Christ, pour connaître celles que le Saint-Esprit doit produire en nous. L'esprit de Jésus-Christ est un esprit d'humilité et de douceur ce même esprit agissant dans les fidèles, doit leur inspirer un désir de s'humilier en toutes choses, et un esprit de douceur, de patience et de support à l'égard du prochain. L'esprit de JésusChrist est un esprit d'adoration, d'amour et de confiance envers Dieu, son Père: cet esprit doit donc nous porter à Dieu par des mouvements d'amour, d'adoration et de confiance, l'esprit d'adoption que nous avons reçu nous faisant crier Mon Père, mon Père (Gal. IV, 6). Enfin l'esprit de Jésus-Christ est un esprit de pauvreté et de détachement de toutes les choses du monde. Si nous l'avons, il nous les fera mépriser, et nous empêchera ainsi de les rechercher. Voilà les marques de cet esprit. Plus on en a, plus on a sujet d'avoir confiance de le posséder, et qui n'en a point du tout s'en flatte inutilement, et prétend ainsi vainement à la qualité d'enfant de Dieu.

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L'Eglise est proprement la société des saints qui servent Dieu sous un seul chef qui est Jésus-Christ. Dans ce sens elle a plusieurs parties les saints qui sont dans le ciel en font la plus sainte et la plus excellente partie c'est l'Eglise triomphante; les âmes qui sont détenues dans le purgatoire pour y être purifiées de leurs péchés en font aussi partie c'est l'Eglise souffrante; les fidèles qui étant vivants sur la terre sont encore dans le combat et doivent opérer leur salut avec crainte et tremblement, en font la partie qui nous est la plus connue : c'est l'Eglise militante. C'est celle-là dont il est trèsmportant de connaître les qualités ou les marques qui la distinguent des autres sociétés, savoir qu'elle est une, sainte, catholique, apostolique, indéfectible et infail

lible.

1° Une. Il n'y a qu'une Eglise de JésusChrist, et elle doit être une, parce qu'il n'y a qu'un seul troupeau et un seul pasteur. L'Eglise est l'épouse de Jésus-Christ: or JésusChrist n'a qu'une épouse. Les Juifs et les Gentils, composant l'Eglise, ne font ou'un

seul édifice bâti sur Jésus-Christ, qui en est la pierre angulaire. Enfin l'Eglise est le corps de Jésus-Christ: or Jésus-Christ n'a point plusieurs corps, quoique ce corps ait divers membres. Cette unité de l'Eglise a été figurée par l'unité de l'arche, hors de laquelle personne ne fut sauvé des eaux du déluge.

Dieu, pour conserver son Eglise en unité, a établi une chaire et une autorité supérieure pour veiller à la maintenir, qui est celle de l'Eglise de Rome. Il faut donc que son chef ait l'autorité qui lui est nécessaire pour la conservation de l'unité, afin que toute occasion de schisme soit ôtée ; et, quoique le souverain pontife n'use de cette puissance que selon la disposition et la détermination des saints canons, il est vrai néanmoins que c'est de droit divin et par l'institution de JésusChrist, qu'il a tous les droits et les prérogatives nécessaires pour travailler efficacement à maintenir l'unité, l'ordre et la discipline de l'Eglise qui lui ont été particulièrement confiés.

2° Sainte. La sainteté véritable, c'est-àdire celle qui naît de la charité et de l'habitation du Saint-Esprit, est nécessaire au corps de l'Eglise; de sorte que toute l'Eglise ne peut être une société d'hypocrites, sans aucune véritable sainteté intérieure. Ce n'est point assez expliquer la sainteté de l'Eglise, que de ne la faire consister que dans la sainteté de la religion, de la doctrine, des sacrements et d'autres choses semblables qui regardent le culte extérieur; il faut entendre par cette sainteté qui la fait appeler sainte, celle que Jésus-Christ lui a donnée par le mérite de son sang; et quoique la vraie sainteté de l'Eglise soit intérieure, Dieu ne laisse pas de la distinguer par cette marque, et de la faire connaître à ceux qui s'en égarent; et quelque désordre qui se trouve dans l'Eglise, il y a néanmoins des vertus si éminentes dans la plupart des saints de l'Eglise romaine, qu'on ne saurait raisonnablement douter de quel côté est l'Eglise. Il est vrai que l'Eglise est composée de bons et de méchants, de bon grain et de paille: mais les méchants ne sont pas véritablement membres intérieurs du corps de Jésus-Christ; en ce sens ils sont dans l'Eglise, mais non de l'Eglise; ils sont membres du vautour, et non de la colombe; ils sont hors de l'Eglise, quoiqu'ils paraissent dedans.

3 Catholique. L'Eglise est catholique par l'universalité de la doctrine, en ce qu'elle condamne toutes les erreurs condamnées, et embrasse toutes les vérités définies; par l'universalité de communion, en ce qu'elle comprend tous les fidèles répandus par tout le monde; par l'universalité successive, en ce qu'elle renferme tous les temps depuis les apôtres jusqu'à présent : car on ne peut marquer aucun point où l'on puisse dire que l'Eglise romaine ait commencé depuis les apôtres jusqu'à ce temps-ici, ou ait été accusée de nouveauté, au lieu que l'on marque le commencement de toutes les autres sectes.

4° Apostolique. L'Eglise est apostolique. en ce qu'elle tire des apôtres sa doctrine, son

autorité et sa mission. L'Eglise ne fait pas profession d'être attachée à des révélations particulières, mais à la révélation faite aux apôtres; en sorte que ce qui n'est point compris dans cette révélation n'est point com pris dans sa foi. La doctrine des pères de l'Eglise est qu'une, doctrine peut être apostolique sans être insérée dans l'Ecriture, pourvu qu'elle soit contenue dans la tradition; et il suffit, afin qu'une doctrine soit réputée apostolique, qu'elle soit enseignée par plusieurs pères, en rendant témoignage que c'était la doctrine de l'Eglise, et que personne ne les ait contredits sur ce point; il suffit même qu'une doctrine se trouve établie par toute l'Eglise, sans qu'aucun auteur catholique l'ait combattue comme une nouveauté et une erreur car c'est une marque qu'elle a été établie par les apôtres ou par les conciles généraux.

5 Indéfectibilité. L'Eglise de Jésus-Christ ne peut périr, et il y aura toujours une Eglise visible, parce qu'il y aura toujours des pasteurs établis par Jésus-Christ. Jésus-Christ a promis à ses apôtres d'être toujours avec eux, non pour un temps seulement, mais jusqu'à la consommation des siècles; ce qui renferme une promesse authentique de la perpétuité de l'Eglise, puisque Jésus-Christ s'oblige par là d'être toujours avec ses ministres, et qu'il déclare que ses ministres prêcheront toujours toutes les vérités qu'il leur a annoncées, et que jusqu'à la consommation des siècles ils recevront dans son Eglise, par le baptême, ceux qui voudront y

entrer.

6 Infaillibilité. L'Eglise ne serait pas perpétuelle et incapable de périr si elle pouvait faillir et prendre le mensonge pour la vérité à l'égard de la foi. Cette infaillibilité de l'Eglise consiste en ce qu'elle ne peut enseigner généralement par la bouche de tous ses évêques et de tous ses docteurs une doctrine de foi, et en exiger la confession sans que cette doctrine soit véritable. L'Eglise, pour discerner la vérité de l'erreur, consulte toujours la tradition, et son infaillibilité consiste en ce que Dieu l'assiste à ne pas s'en écarter. S'il y a contestation, l'Eglise s'assemble en concile. Il y a des conciles particuliers qui portent leur jugement sur les points contestés en consultant la tradition; et quoiqu'ils puissent se tromper et être réformés par des conciles généraux, s'ils sont dans la suite acceptés de toute l'Eglise, leur décision devient, par cette acceptation, entièrement certaine, parce que l'Eglise ne peut errer. A l'égard des conciles généraux, lorsqu'ils sont légitimement assemblés, et que les évêques y opinent avec liberté, ils renferment alors l'autorité de toute l'Eglise, et on ne doit point douter que leur décision ne soit vraie; et l'acceptation qu'en fait l'Eglise ne donne pas proprement la certitude et l'infaillibilité à leurs décisions, mais rend seulement notoire que les choses se sont passées régulièrement dans le concile. A l'égard de la décision des points de fait, le sentiment des théologiens est que les conciles même généraux peuvent se tromper dans

les faits non révélés; et qu'à l'égard du pape, il n'est pas de foi qui soit infaillible; c'est même le sentiment de l'Eglise de France qu'il peut se tromper, et qu'il a au-dessus de lui le concile général.

CHAPITRE VII.

DE LA COMMUNION DES SAINTS'.

La communion des saints s'entend de la communion d'assistances mutuelles qu'il y a entre tous les membres de l'Eglise, en vertu de leur union. Ainsi cette communion comprend l'union que nous devons avoir avec l'Eglise triomphante, celle que nous devons avoir avec l'Eglise souffrante, celle que nous devons avoir avec l'Eglise militante.

L'union que nous devons avoir avec l'Eglise triomphante doit être une union de charité intérieure, mais d'une charité proportionnée à leur état et au nôtre, Ainsi, comme ils sont dans un état de gloire, de sûreté et de puissance, qu'ils sont remplis de la majesté de Dieu, qu'ils peuvent nous aider par leur intercession, et que nous sommes au contraire dans un état de misères, d'humiliations, de dangers, d'infirmités et de besoins, notre charité envers les saints qui règnent dans le ciel, doit être jointe avec une admiration de leur bonheur, avec une connaissance de l'excellence de leur vertu, de leurs grâces et de leur état, avec une profonde humiliation sous leur grandeur et sous leur puissance, avec un aveù sincère de notre misère et avec un recours à leur assistance; ce qui ne doit former néanmoins qu'un culte de société où les membres, n'étant pas dans le même rang, doivent accompagner le recours qu'ils ont à ceux qui sont dans un rang plus élevé des marques de respect et d'abaissement.

L'union que nous devons avoir avec l'Eglise souffrante doit être une union de charité, mais d'une charité accompagnée de respect, parce que c'est une société d'élus dont le sort est assuré, au lieu que le nôtre est encore incertain. Nous devons pareillement être touchés de compassion pour les peines qu'ils endurent, et de désirs sincères que Dieu les soulage dans ces peines, et qu'il en abrège le temps par sa miséricorde, lui adressant pour cet effet nos prières et nos sacrifices.

L'union que nous devons avoir avec l'Eglise militante outre la charité, qui est l'union intérieure que l'on doit avoir pour tous les membres de l'Eglise en général et qui doit être accompagnée d'un respect intérieur particulier pour ceux d'entre les fidèles en qui l'on voit plus de marques de l'esprit de Dieu, doit avoir de plus une union extérieure et générale avec tous les membres de l'E-· glise qui nous empêche de nous séparer exlérieurement d'aucun, et de le traiter comme s'il n'était pas membre de l'Eglise.

Tous les chrétiens forment entre eux une sainte société et une république divine, dans laquelle ils se soutiennent mutuellement par les assistances qu'ils se rendent les uns aux

autres; en sorte qu'il n'y en a aucun qui puisse se passer du secours des autres chréliens. Ce ne sont point nos prières seules qui nous obtiennent la continuation des grâces de Dieu, ce sont les prières de tout le corps et de ceux en particulier que nous engageons à prier pour nous. On tomberait à tout noment, et on ne se relèverait point de ses chutes si l'on n'était soutenu par la charité générale de l'Eglise et par celle des personnes qui s'appliquent à nous aider. Comme nous ne pouvons donc nous passer des autres, il naît de cette nécessité une obligation indispensable de rendre aux autres ce qu'on reçoit d'eux, et de contribuer de notre part aux besoins de la société générale; autrement nous méritons d'être exclus des secours que nous recevons de cette société. Qui ne prie point pour les autres ne mérite point d'avoir part à leurs prières; qui ne fait point pénitence pour les autres ne mérite point d'avoir part à la pénitence générale de l'Eglise; qui ne compatit point aux misères du prochain ne mérite point qu'on ait compassion des siennes ; qui le traite durement dans ses fautes mérite d'être traité durement dans les siennes; qui est impatient dans les faiblesses d'autrui mérite de n'être pas supporté dans ses propres faiblesses. Il n'y a donc point de meilleur moyen d'obtenir que nos faiblesses et nos péchés soient soulagés par la charité de l'Eglise et de ceux qui nous aiment selon Dieu, que de contribuer de notre part au soulagement des autres en portant leurs faiblesses et leurs péchés, et en faisant ce qui nous est possible pour les aider à en sortir. Ainsi, ayant besoin d'être instruits dans nos fautes de surprise, nous devons pratiquer envers les autres la charité de les instruire; ayant besoin qu'on use envers nous de condescendance et de douceur, nous devons en user envers le prochain; autrement Dieu permettra ou que personne ne nous aidera à reconnaître nos fautes, ou qu'on le fera d'une manière disproportionnée à notre besoin, et qui nous nuira au lieu de nous servir.

C'est encore la charité de l'Eglise qui touche le cœur de Jésus-Christ, et qui le porte à redonner la vie aux pécheurs. Ce ne sont point eux qui commencent de prier pour eux-mêmes; mais c'est l'Eglise qui prie pour eux, qui leur obtient les premiers mouvements de conversion et de vie. Elle répand des larmes pour eux; et ce sont ses prières et ses larmes qui obtiennent les premiers commencements de la résurrection de ses enfants morts. Ainsi les pécheurs ne doivent pas seulement à l'Eglise leur première naissance et leur première justification, mais ils lui doivent aussi leur résurrection et le recouvrement de la vie, quand ils l'ont perdue. Voilà les avantages que l'on trouve dans la communion des saints.

CHAPITRE VIII.

DE LA MORT.

Chacun est persuadé qu'il mourra: on en

reçoit de toutes parts des avertissements continuels; et la religion chrétienne nous apprend de plus que cette mort si inévitable doit nous mettre pour jamais dans un état de bonheur ou de misère, et que ces deux éternités si différentes, l'une si désirable, l'autre si horrible, dépendent de la disposition du cœur où nous trouvera ce dernier moment; qu'il se donnera à cet instant même un arrêt irrévocable qui décidera de notre sort pour jamais, et que ce qui nous rendra cet arrêt ou favorable ou contraire, est l'usage que nous faisons du petit espace de notre vie qui ne nous est donné que pour nous y préparer. Les hommes savent qu'il peut leur servir beaucoup d'avoir l'esprit plein de ces pensées et de se représenter souvent ce dernier moment qui finira leur vie et commencera leur éternité. Tout ce qui les environne les en avertit ; et cependant la vérité est qu'il y en a très-peu qui y pensent sérieusement. La plupart des hommes mettent au contraire tout leur soin et toute leur étude à bannir ces objets de leur esprit, à ne voir la mort que le moins qu'ils peuvent, à éloigner d'eux tout ce qui la représente un peu vivement; et ils réussissent si bien, qu'ils arrivent presque tous à la mort sans y avoir jamais bien pensé.

On se flatte que l'on vivra longtemps, pendant qu'il est certain que la vie est fort courte. Si l'on fait réflexion sur les années qui sont déjà passées, on verra avec quelle rapidité elles se sont écoulées. Si l'on regarde autrement celles qui sont à venir, c'est une illusion de notre imagination: elles passeront avec la même vitesse; le torrent du monde les emportera, et en moins de rien nous serons tout étonnés de nous voir arrivés au terme.

Dieu n'a pas voulu seulement que le temps qu'il donne aux hommes pour se préparer à la mort fût court, mais il a voulu même qu'il fût incertain, et que la mort pouvant les surprendre à tous moments ils eussent toujours sujet de la craindre. Son dessein, par là, a été de nous la rendre toujours présente et de nous exciter ainsi à une vigilance continuelle. Si nous joignons à la considération de la faiblesse de notre corps et de cette infinité d'accidents et de maladies auxquels il est sujet, la vue de la providence de Dieu, qui dispose souverainement de notre vie et de notre mort, et dont les arrêts nous sont inconnus, nous verrons encore plus clairement combien il y a d'illusion à s'assurer de la durée de la vie et à remettre à penser à la mort en un autre temps que celui que Dieu nous donne présentement: car ce ne sont point proprement les maladies qui nous font mourir, c'est le décret de la volonté de Dieu. Nous sommes morts devant lui dès le moment que nous sommes nés, parce qu'il nous fait naître en un moment précis pour nous faire mourir précisément dans un autre. Tous les hommes sont condamnés à la mort par la justice de Dieu, et leur mort est assignée à certaines heures et à certains moments. Cet arrêt s'exé cute chaque jour sur un très-grand nombre

de personnes dans toute l'étendue du monde. Qui peut donc s'assurer d'aucun jour que ce ne sera son dernier? Ainsi la confiance que l'on peut avoir de n'être pas de ce nombre est téméraire et sans fondement.

La plupart des gens remettent à penser à la mort jusqu'à ce qu'une maladie violente leur ôte le moyen de différer davantage. Mais combien y en a-t-il de subites, auxquelles on ne saurait se préparer par la réception des sacrements? Combien y en a-t-il qui accablent tellement l'esprit par la violence de la maladie, qu'on n'est plus capable de penser sérieusement à rien, ni de pratiquer les actions de religion que d'une manière animale? D'ailleurs, quoique l'on eût en cet état toute la liberté d'esprit que l'on pourrait désirer, s'imagine-t-on qu'on doive avoir une grande confiance dans ces témoignages de conversion qui ne précèdent la mort que de peu de temps? D'ailleurs les douleurs de la mort, les objets de terreur, la conscience qui reproche les crimes font voir qu'il n'y a qu'abîmes et que précipices pour ceux qui diffèrent à penser à la mort jusqu'à ce qu'ils en soient si proches.

La comparaison de l'éternité avec le temps que l'âme fait au moment de sa séparation d'avec son corps anéantit à ses yeux la réalité du monde présent avec tous ses biens et tous ses maux, et elle n'y laisse plus subsister, comme réel et solide, que les biens ou les maux immuables et éternels. Ce ne seront pas seulement les justes et les élus qui jugeront ainsi de l'éternité et du temps; ce seront aussi les méchants et les réprouvés. Ils auront en quelque sorte une même lumière dans l'esprit; mais il n'y aura rien de plus différent que la disposition du cœur.

Ceux qui seront parfaitement justes, ne se soucieront point du tout de voir disparaître à leurs yeux les biens temporels, parce qu'ils ne les aimeront point; et ils seront comblés de joie de la grandeur ineffable des biens dont ils jouiront sans retardement. Ceux qui auront encore quelque reste d'attache pour le monde souffriront de très-grandes peines par la privation de ces biens, par le retardement de leur béatitude et par les autres moyens dont il plaira à Dieu de se servir pour les purifier. Mais parmi toutes ces peines, l'amour qu'ils auront pour Dieu les main tiendra dans une parfaite paix; en sorte que, comme ils souffriraient volontiers tous les maux de cette vie pour avancer d'un moment leur félicité, ils ne voudraient pas, pour la félicité même, sortir, contre l'ordre de la justice de Dieu, de l'état où elle les aura mis.

Ce seront là les sentiments des élus à l'égard du temps et de l'éternité; mais ces deux objets en exciteront bien d'autres dans les réprouvés. Ils connaîtront à la vérité le néant de toutes les choses temporelles qu'ils ont aimées; mais ils ne cesseront pas pour cela de les aimer; ce qui produira en eux une faim terrible qui ne sera jamais satisfaite. Ils connaîtront la grandeur et la solidité des biens du ciel, et ils se verront dans l'impuissance de les aimer. Ils verront en ce moment DEMONST. EVANG. III.

terrible qu'il n'y a plus de remède aux maux effroyables qu'ils se seront attirés par le mauvais usage du temps. Quel repentir pour eux! quel déchirement de cœur! Quel abîme de désespoir!

Au moment que l'âme est séparée du corps, elle commence à connaître Dieu d'une manière tout autre qu'elle ne le connaissait en cette vie. C'est une chose étrange combien la connaissance que nous en avons présentement est faible et obscure. Dieu fait tout dans le monde: il est partout; les créatures n'ont d'être, de vie, de mouvement que par lui. Il les conduit et les gouverne selon ses desseins. Elles ne sauraient s'écarter tant soit peu de l'ordre de sa providence cependant on ne voit rien de tout cela. Dieu se cache toujours dans ce monde sous le voile de quelques créatures qu'il présente à nos sens, et ne nous donne aucun signe évident de sa présence. Ainsi étant occupés des créatures, nous n'avons jamais que de faibles idées de la puissance invisible qui les remue. Mais il n'en est pas de même dans l'autre vie. Dès le moment que l'âme sera délivrée de la prison de son corps, elle commencera à sentir la dépendance intime et essentielle qu'elle a de Dieu, et pour être, et pour agir, et pour être heureuse ou malheureuse. Elle connaîtra la puissance de Dieu et sa propre faiblesse. Elle verra qu'elle ne peut se soustraire à son pouvoir, et qu'il faut qu'elle demeure éternellement dans l'état où sa justice la réduira. Ce sentiment sera la joie éternelle des élus et le désespoir éternel des réprouvés ; et cet état nous apprend ce que nous devons faire dans le temps. Car, puisque nous ne saurions être heureux que par la vue et par l'amour de Dieu, puisque c'est la fin à laquelle nous devons tendre, et que ce sera notre unique emploi et notre unique occupation dans toute l'éternité, que devons-nous faire autre chose dans cette vie, qui n'est qu'une préparation à l'éternelle, que de nous exercer à connaître et à aimer Dieu ?

Il est bon encore d'entrer, autant qu'il est possible, dans les vues et les sentiments que l'on aura au moment que l'âme quittera le corps car il est certain qu'étant jugée de Dieu en ce moment-là, Dieu lui mettra devant les yeux toutes les actions de sa vie ; qu'elle connaîtra ce qu'il en juge, et qu'elle formera ainsi des jugements de tout ce qui a passé par son esprit pendant qu'elle était dans le corps, c'est-à-dire qu'elle jugera de tous ses jugements, de toutes ses pensées et de toutes ses actions, et qu'elle condamnera tout ce qu'il y aura de faux et d'injuste. Ce ne sont pas seulement les âmes des élus qui reconnaîtront clairement alors toutes leurs erreurs, ce seront aussi celles des réprouvés. Ils seront forcés d'avouer que leurs sentiments et leurs actions étaient pleines de folie. Non seulement les jugements que les âmes portent de leurs actions dans ce moment-là sont véritables, mais ils sont de plus éternels; et ce qu'elles en jugent alors, elles le jugeront à jamais, parce qu'il n'y aura plus en elles de variété de pensées. Il est donc bon (Trente-cing.)

de prévenir ce jugement, et de faire ce que nous voudrions avoir fait lorsqu'il s'agira d'être jugés par Jésus-Christ.

CHAPITRE IX.

DU JUGEMENT DERNIER.

Jésus-Christ, qui est présentement au plus haut des cieux, viendra un jour réellement et visiblement pour juger tous les hommes réunis en un même lieu, et décider de leur bonheur ou de leur malheur éternel. Outre le jugement particulier, qui est uniquement pour ceux qui sont jugés au sortir de cette vie, il y aura un jugement général pour toutes les créatures. Le jugement particulier ne fait connaître à chacun que ce qui le regarde; le jugement général fera connaître à chacun ce qui regarde les autres on y apprendra les raisons de tout ce qui nous paraît présente ment sans raison; on connaîtra alors que tout ce qui nous semblait sans règles, avait des règles certaines et justes.

Pour ce qui est des signes qui précèderont le jugement dernier et de ce qui arrivera dans ce jugement, voici à quoi se réduit ce qu'on peut en tirer de l'Ecriture. Il faut que l'Evangile soit prêché par tout le monde. Elie et Hénoch étant venus convertiront les Juifs. Ce sera après cette conversion des Juifs que l'Antechrist commencera de persécuter l'Eglise. Cette persécution ne durera que trois ans et demi; et ce sera alors que le diable sera délié, c'est-à-dire qu'il lui sera permis d'exercer sa cruauté et tous ses artifices contre les saints. Le diable délié armera contre l'Eglise Gog et Magog, c'est-à-dire tous les méchants; et la persécution sera telle, qu'il n'y en aura jamais eu de semblable avant ce temps-là. L'Antechrist emploiera, pour attirer les hommes à lui, des prodiges trompeurs, c'est-à-dire qu'il leur fascinera les yeux, ou qu'il fera de vrais prodiges, tendant à persuader l'erreur. Ces prodiges séduiront ceux qui auront mérité d'être séduits, et qui, pour n'avoir pas reçu la vérité, seront abandonnés à l'illusion. Il aura la hardiesse de s'asseoir dans le temple de Dieu, en voulant faire passer lui et les siens pour toute l'Eglise. L'Antechrist ne sera tuể que dans l'avénement de Jésus-Christ; et ce sera Jésus-Christ lui-même qui l'exterminera, en venant, pour juger les hommes, porté sur les nuées.

Ce sera alors que se fera la résurrection, et que les morts reprenant leurs corps iront au-devant de Jésus-Christ. Cette résurrection sera générale et comprendra les méchants aussi bien que les bons. Ceux qui seront trouvés vivants à l'avénement de Jésus-Christ mourront et ressusciteront presque en même temps; mais, quoique tous ressuscitent, tous ne seront pas changés et ne reprendront pas un corps incorruptible. Les apôtres jugeront avec Jésus-Christ,. selon la promesse qu'il leur en a faite. Tous comparaîtront devant Jésus-Christ sans exception : les actions de tous les hommes seront découvertes et examinées à la rigueur,

sans qu'il en demeure aucune cachée; et par une vertu divine, les actions de chacun seront rappelées à sa mémoire et découvertes à tous les hommes. Dieu même sera le témoin, parce qu'il convaincra chacun de tout ce qu'il aura fait par une évidence à laquelle il ne pourra résister. Après cette manifestation de toutes les actions des hommes se fera la sé– paration des bons d'avec les méchants par le ministère des anges : les bons seront mis à la droite, et les méchants à la gauche. L'embrasement du monde accompagnera ou suivra cette séparation; et dans le bruit d'une effroyable tempête, les cieux passeront, les éléments se dissoudront, et la terre avec tout ce qu'elle contient sera consumée par le feu. Ce feu servira à purifier les justes qui ne seront pas entièrement purifiés; mais, après cet embrasement, le monde reprendra une face toute nouvelle; ensuite il n'y aura plus de changement: les saints règneront éternellement dans le royaume de Dieu, et les réprouvés seront abimés pour jamais dans l'étang de soufre avec les démons et l'Antechrist.

Le jour du jugement étant la consommation de tous les mystères de Jésus-Christ et la décision de notre état éternel, doit être l'objet perpétuel d'une âme chrétienne: car son but, dans toute la conduite de sa vie, doit être de rendre ses actions capables de subsister à l'examen de ce juge, qui ne peut être trompé et qui ne saurait approuver que ce qui est juste. Rien n'est plus capable que la méditation de ce jour terrible de lui inspirer le soin de purifier ses actions, d'en retrancher toute l'impureté qui s'y glisse si aisément, de corriger les jugements faux que le monde forme de toutes les choses de la terre. Car, pour peu qu'on ait le jugement dans le cœur, on ne saurait plus trouver rien de bon que ce qui sera bon dans ce dernier jour. La pensée du jugement est aussi la source de la vigilance et de la prière; et comme la vigilance et la prière sont les sources de toutes les grâces que nous recevons de Dieu, on peut dire que cette pensée salutaire est dans nous le premier principe de tous nos biens.

CHAPITRE X.

de l'enfer.

Pour concevoir les peines effroyables que les damnés souffrent en enfer, il faut considérer en particulier les peines intérieures et les peines des sens.

1 Les peines intérieures, qui sont si sensibles aux damnés, sont que leurs douleur: seront tellement continuelles, que leur âme ne cessera jamais d'être collée et appliquée à l'objet de sa peine, sans qu'elle puisse s'en détourner pour un seul moment. Il y a en eax un surcroît de douleur qui ne peut s'exprimer, en ce qu'ils joignent à chacun de ces maux le poids de l'éternité. Ils la préviennent par la pensée, et réunissent dans le temps présent ce qu'ils doivent souffrir dans la durée éternelle de leurs tourments; ce qui rend

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