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Mais quelle cause les rend déposables, selon votre doctrine? La seule religion? Non, mais plusieurs autres encore, leur mauvaise vie et leurs vices. Nul n'est Seigneur temporel, dit Wiclef (1), nul n'est prélat, nul n'est évêque, lorsqu'il est en péché mortel (2). On peut ôter les princes, dit Zuingle, lorsque déloyalement ils outrepassent la règle de Jésus-Christ, à quoi il estime suffire, comme il dit lui-même (3), avancer les méchants, charger les innocents, défendre les oiseux, sacrificateurs, c'est-à-dire les catholiques, ce qui est à noter.

Je pourrais vérifier par un grand nombre d'auteurs quel est votre sentiment en cette matière et je le ferais volontiers, si ce que vous enseignez en ce sujet vous était aussi avantageux qu'il vous est préjudiciable. Je me contente de prier le lecteur de voir un livre intitulé: Apologia protestantium, un des plus utiles qui se soit imprimé de longtemps, où il trouvera beaucoup plus grand nombre de passages sur ce sujet, et entre autres quelques-uns qui vérifient que des vôtres ont écrit, que par droit divin et humain, il est permis de tuer les rois impies, que c'est chose conforme à la parole de Dieu, qu'un homme privé par spécial instinct peut tuer un tyran; doctrine détestable en tout point, qui n'entrera jamais en la pensée de l'Eglise catholique.

Ce n'est pas tout, après avoir vu ce que vous enseignez touchant la déposition des rois, il faut faire voir par vos actions comme vous vous gouvernez en leur endroit.

Depuis que vos erreurs ont été introduites dans le monde par Luther et Calvin, vous n'avez laissé passer aucune occasion où vous ayez pu user de votre pouvoir préten du sans l'avoir fait. Vous avez mis des armées sur pied contre Charles V (Surius, ann. 1547 [appelé des vôtres par risée Charles de Gand]), pour le troubler en ses états et le priver de l'empire. Vous avez pris les armes contre trois rois de France, François II, Charles IX, Henri III. Sous le règne de Charles IX vous avez battu de la monnaie sous le nom d'un autre, à qui vous donniez le nom de roi. Comment avez-vous traité Marie, reine d'Ecosse (4)? Ne l'avez-vous pas rendue captive? En prison, ne lui avezvous pas fait renoncer à sa dignité royale? N'avez-vous pas trois fois dressé des armées contre Marie, reine d'Angleterre? N'avezvous pas élevé une reine prétendue contre elle (2)? Un des vôtres n'a-t-il pas attenté à en personne?

Apud Osiand. in epit. centur. 9. Nullus est dous civilis, nullus est prælatus, nullus est episcopus dum est in peccato mortali.

(2) In explanat, art. 42. Principes quando perfide et extra regulam egerint, possunt cum Deo deponi. (3) Cum sceleratos provehit, et innoxios prægravat, ut cum inutiles ventres, otiosos sacrificios defendit princeps).

(4) Du Chesne en l'Histoire d'Angleterre, sous Elizabeth et Marie.

(5) Jeanne portée par le duc de Northomberland.

Vous avez dépouillé en Flandres Philippe, roi d'Espagne d'une partie de ses provinces. (Surius) Christiern, roi de Danemark, a été par les vôtres dépossédé de sa couronne, chassé de son royaume, depuis mis en prison, où, selon l'opinion du temps, ses jours furent avancés par poison. Sigismond, qui à présent règne en Pologne, se voit privé de la couronne qui lui appartient par droit d'hérédité, et que son père possédait sans trouble, son oncle qui professait votre créance ayant été mis en sa place par les vôtres. Vous avez usurpé sur l'empereur Rodolphe, dernier mort, la Transylvanie, qu'il possédait à juste titre comme roi de Hongrie. Et tout cela suivant l'exemple du prédécesseur de Calvin, qui ne peut souffrir l'évêque de Genève, je ne dis pas seulement comme évêque, mais comme prince temporel.

Quiconque lira les histoires qui vérifient ce que je dis, verra qu'en un siècle vous avez troublé deux empereurs, dépouillé actuellement un roi, exclu un autre de son royaume, déposé une reine, fait la guerre à une autre pour la priver de sa couronne, pris les armes contre quatre rois, déposé d'autres princes temporels, fait mourir un roi, rendu captive une reine vertueuse et sage, à qui il appartenait de donner liberté aux autres, laquelle enfin, en violant les lois divines et humaines, vous avez fait mourir par un genre de mort du tout inhumain et digne de pitié.

CHAPITRE IX.

MINISTRES.

Pour vous éclaircir davantage là-dessus, nous pouvons vous faire voir, Sire, que vous avez en votre royaume une faction d'hommes qui se qualifient compagnons de Jésus, comme si c'était peu de chose d'être ses disciples, qui ont serment d'obéissance aveugle et sans exception au chef de leur ordre, qui est et a toujours été sujet du roi d'Espagne: lesquels ont été condamnés par vos cours de parlement, comme ennemis de l'état et de la vie des rois, et corrupteurs de la jeunesse qui enseignent le peuple que le pape peut dégrader les rois, faire tuer et transpor ter leurs couronnes d'un autre. Qu'ils ne doivent déceler les conspirations contre le roi, apprises par les confessions: et qu'étant surpris, ils peuvent user d'équivocation en justice. Dont sont ensuivis plusieurs effets funestes à la France et à toute la chrétienté. Au moyen de quoi leurs livres faits avec approbation publique du général de leur ordre, et de bon nombre de docteurs jésuites, ont été par arrêt de la cour brûlés en public par l'exécuteur de la justice. Que si votre Majesté veut s'en enquérir, elle trouvera qu'au collège des jésuites de la Flèche, fondé par la libéralité du roi votre père, de très-glorieuse mémoire en la salle basse du logis des pères, il y a un grand tableau où sont représentés les martyrs, de l'ordre des jésuites, entre lesquels il y en a qui ont souffert le dernier supplice pour

avoir entrepris sur la vie de leurs rois, et que cette punition y est appelée martyre, et cela mis en vue d'une multitude de jeunesse, pour l'induire par ces exemples à parvenir à la gloire du martyre par le même chemin ; toutefois ceux-là même sans s'être rétractés et sans avoir fait aucune déclaration publique de condamner tels livres et telles doctrines, ont aujourd'hui l'oreille de nos rois, fouillent les secrets de leur conscience, et approchent le plus près de leur personne.

RÉPONSE.

La bonté de Dieu est si grande, qu'il convertit d'ordinaire en bien le mal qu'on veut procurer aux siens. Vous pensez nuire aux jésuites, et vous leur servez grande-ment: n'y ayant personne qui ne reconnaisse que ce leur est grande gloire d'être blâmés de la même bouche qui accuse l'Eglise catholique, rejette les bonnes œuvres, calomnie les saints, fait injure à JésusChrist, et rend Dieu coupable. Ce leur est véritablement chose avantageuse, nous le voyons par expérience, en ce que outre les considérations qui les doivent faire estimer de tout le monde, beaucoup les aiment particulièrement, parce que vous les haïssez.

Voyons quels sont les crimes dont vous les chargez. Vous dites qu'ils s'appellent compagnons de Jésus-Christ: quelle preuve apportez-vous qui le vérifie? Vous direz que c'est se faire compagnon de Jésus, que de se dire de sa compagnie; mais cette conséquence est impertinente, puisque pour se dire de la compagnie d'un prince, autre chose n'est requise que d'être à sa suite: au lieu que pour s'en dire compagnon, il faut beaucoup davantage. Il est donc faux que les jésuites s'appellent compagnons de Jésus-Christ, encore qu'ils se disent de sa compagnie. En quoi ils ne font rien dont on les puisse reprendre, puisque les paroles de l'Apôtre Vous êtes appelés en la société de son Fils (I Cor., I, 9); et celles-ci de saint Jean: Que notre société soit avec le Père, et avec son Fils Jésus-Christ (I Jean, 1, 3), ne s'entendent pas seulement de ceux à qui ils les adressent, mais en général de tous les chrétiens qui suivent la foi et la doctrine de Jésus-Christ.

Mais qui pourra souffrir que messieurs les ministres blâment les jésuites, comme s'ils se disaient compagnons de Jésus, eux qui s'attribuent ce titre, qu'ils estiment arrogant? Vous avez sans doute oublié votre catéchisme (Dimanche 6), où parlant de Jésus-Christ, vous dites en propres mots : Nous sommes compagnons de sa prêtrise. Et il paraît bien que vous commencez à négliger Calvin, à cause de tant de blasphèmes dont on a convaincu ses œuvres; car si vous l'eussiez lu, vous eussiez sans doute remarqué qu'étant dits en la seconde de saint Pierre, consors de la divine nature (Pier., 1,4), il nous rend ses compagnons en la vie éternelle. Je vous laisserai en possession de cette imposture, passant à l'exa

men des autres accusations, pour voir si Vous êtes mieux fondés.

Les jésuites, dites-vous, font serment d'obéissance aveugle, et sans aucune exception. Si vous n'étiez aveugles vous-mêmes, vous sauriez que le vœu, de sa nature, contient exception de tout ce qui est préjudiciable aux rois; attendu que tout vœu ayant le bien pour son objet, on ne se peut obliger par vœu à faire aucune chose contre la loi de Dieu, les ordonnances de l'Eglise, l'obéissance due au roi, et la charité du prochain. Si vous aviez bien lu les pères, vous sauriez que l'obéissance que vous appelez aveugle n'est pas blâmable, puisqu'ils enseignent qu'un vrai religieux la doit avoir. C'est ce que veut dire S. Basile (1), lorsqu'il enseigne n'appartenir pas à un vrai religieux d'examiner le commandement de son supérieur, quand il n'oblige point à pécher; lorsqu'il le compare à l'ouaille qui prend le che min qu'il plaît au pasteur, et à l'outil qui ne résiste jamais aux volontés de celui qui s'en sert. C'est ce que désire S. Bernard (2), quand il dit que la parfaite obéissance n'a ni loi, ni bornes, mais se porte volontairement à tout ce qui lui est commandé. C'est ce que requiert S. Jérôme (3), lorsqu'il dit: Crois que tout ce qui t'est commandé de ton supérieur est chose salutaire, et ne juge pas du commandement de tes majeurs. C'est enfin ce que veut S. Grégoire (4), par ces mots : Que la vraie obéissance ne sait ni examiner l'intention des supérieurs, ni discerner leurs commandements, parce que celui qui a soumis tout le jugement de sa vie à un plus grand que soi, n'a autre voie que d'exécuter ce qui lui est commandé, et celui qui a appris à obéir parfaitement ne sait pas ce que c'est de juger. Donc les jésuites ne sont pas coupables pour faire et garder un vou, que les pères de l'ancienne Eglise, non seulement approuvent, mais ordonnent, comme nécessaire aux religieux.

Vous dites en outre qu'ils promettent celle obéissance aveugle, d'un général toujours sujet du roi d'Espagne. Si vous eussiez été

(1) Basil. in constit. mon. c. 23. Quemadmodum igitur pastori suo oves obtemperant et viam quamcumque vult ingrediuntur. Sic qui ex Deo pietatis cultores sunt moderatoribus suis obsequi debent. nihil omnino eorum jussæ curiosius perscrutantes quando libera sunt a peccato, etc. Item, ut Faber singulis artis instrumentis pro arbitrio utitur suo, neque unquam ullum inventum est instrumentum quod ad quemcumque usum ille voluisset non se facile tractandum præbuerit, etc.

(2) Bernardus, Tractat. de præcepto et dispensat. cap. 9. Perfecta obedientia legem nescit, terminis non arctatur largiori voluntate fertur in altitudinem charitatis, etc.

(3) Hieron. epist. 4. ad Rustic. c. 4. Credas tibi salutare quicquid præpositus præceperit, nec de majorum sententia judices.

(4) Gregor. 1. u. c. 4. in 1. Reg. vera obedientia nec præpositorum intentionem discutit, nec præcepta discernit, quia qui omne vitæ suæ judicium majori subdidit, in hoc solo gaudet, si quod sibi præcipitur, operatur. Nescit enim judicare, quisquis perfecte didicerit obedire.

bien informés de la vérité, vous eussiez su qu'il est faux que leurs généraux soient, doivent être, ou aient toujours été tels; puisque le père Vitelesque qui possède mainteBant cette charge avec mérite, est Romain de naissance, que celui qui était devant le dernier mort, était Liégeois.

Vous leur reprochez par après les arrêts qui ont été donnés contre eux ; mais il leur suffit d'avoir été rétablis par l'édit du grand Henri, vérifié par tous les parlements de la France. Ce qui justifie assez le zèle de cet ordre envers les rois, son affection envers l'état, et l'avantage que reçoit la jeunesse du soin qu'il prend de son instruction.

Quant à ce que vous dites de leur doctrine, touchant la puissance qu'ils attribuent aux papes sur les rois, vous en eussiez parlé autrement que vous ne faites, si au lieu de l'apprendre des écrits de quelques particuliers, vous l'eussiez recueillie de la bouche de leur général, qui en l'an 1610, fit une déclaration publique par laquelle non seulement il improuve, mais défend à ceux de son ordre, sous de très-grièves peines, de soutenir qu'il soit loisible sous quelque prétexte de tyrannie que ce puisse être, d'attenter sur la personne des princes et des rois.

Pour ce qui est du secret de la confession, je n'ai point appris qu'ils aient d'autre opinion que celle de l'Eglise universelle; mais ce n'est point merveille si, en voulant aux sacrements, comme vous faites, vous recherchez toute sorte d'artifices pour rendre celui-ci odieux, et empêcher que par son moyen ceux que vous tenez vos ennemis, parce que vous l'êtes de l'Eglise, n'approchent la personne des rois, et ne connaissent le secret de leurs consciences, qui est le but où vous tendez, comme les derniers mots de votre paragraphe le témoignent.

Pour le regard des équivoques dont vous dites qu'ils usent, et apprennent aux autres à user en justice, je vous renvoie aux réponses qu'ils vous ont faites tant de fois sur ce sujet, je me contenterai de faire voir que blamant les équivoques en eux, vous en usez vous-mêmes, voire même de mensonges manifestes en matière de la foi.

Wiclef, par qui votre martyrologe français dit que Dieu a voulu éveiller le monde enseveli dans le songe des traditions humaines (liv. II, en la vie de Wiclef), interrogé de sa foi, n'use-t-il pas lui et les siens de tergiversations, au rapport de votre même martyrologe, qui parle d'eux en ces termes, ne faisant que chercher des tergiversations et excuses frivoles pour tacher d'échapper par ambiguïté de paroles? Bucer, sacramentaire et ses compagnons, accordant à Luther le corps de JésusChrist être en l'eucharistie véritablement et substantiellement les indignes prendre ce vrai corps, n'usent-ils pas de gaieté de cœur en matière de foi, de tergiversation et d'équivoque? (Hospinian.. part. I, Histor, sacram.).Ne dit-il pas que de les Zuingliens ne diffèrent de Luther que de paroles, quoique ce soit chose fausse? Luther ne l'appelle-t-il pas pour cet eht, semeur de paroles, appoiėja; comme

rapporte Hospinian? Le même Hospinian, et Simblerus, auteur suisse, ne rapportent-ils pas, que martyr par certain espace de temps, usait de paroles obscures et ambiguës en ce qui concerne la cène ? En un mot, les vôtres disent que leur eglise invisible a, par l'espace de plusieurs siècles, professé notre religion, quoique de cœur et de bouche elle crût la vôtre ce qu'ils n'ont pu faire non seulement sans équivoque, mais qui plus est, sans nier Dieu.

Cependant où est celui des nôtres qui ne reconnaît qu'il faut plutôt mourir que d'user d'équivoque en matière de foi, que de nier non seulement de cœur, mais de bouche, celui qu'on doit confesser de l'un et de l'autre ?

Quant à leurs livres, si certains particuliers en ont fait quelques-uns qui aient été brûlés, pourquoi les mettez-vous en jeu ? Les mêmes arrêts qui les ont condamnés au feu, ne jugent-ils pas quantité des vôtres dignes des mêmes flammes, puisqu'ils contiennent les mêmes choses?

Pour le regard du tableau dont vous parlez, vous n'en pouvez tirer aucun avantage, puisque vous n'êtes pas d'accord du fait : attendu qu'ils soutiennent que celui que vous estimez convaincu d'une conspiration contre son roi en est du tout innocent, et croient qu'il soit mort pour la seule défense de la religion catholique ce qui fait que s'il y a erreur en cela, il est de fait et non de droit. De fait le croyant mort pour sa vertu, et non pour ses crimes non de droit, comme s'ils enseignaient qu'il fût licite d'entreprendre sur les rois, et que souffrir la mort pour cette cause fût martyre.

Après cela, pour finir ce chapitre, il ne me reste qu'à supplier Dieu de vous départir les eaux des fontaines de sa grâce, puisque la calomnie noircissant son auteur, et non celui qu'on en veut diffamer sans le pouvoir faire, vous en avez tant de besoin pour vous laver, que toutes celles de ce monde n'y pour ront suffire.

CHAPITRE X.

MINISTRES.

Ce sont ceux-là, Sire, qui pour avancer leurs desseins particuliers, émeuvent des tumulles et scandales contre nous, afin de couvrir leur jeu et afin que le trouble qu'ils émeuvent soit imputé zèle de religion: car ils ne peuvent souffrir un roi, quoique catholique romain, s'il n'est persécuteur de ses sujets, et s'il ne met le feu en son royaume.

RÉPONSE.

C'est une grande marque d'ignorance ou de malice, quand celui à qui on fait du bien, publie qu'on lui fait du mal.

Vous vous plaignez des jésuites, et toutefois vous n'en recevez que du bien, étant clair que si vous estimez qu'ils vous fassent du mal, c'est en ce qu'ils combattent votre créance, ce qui vous est avantageux; saint Augustin nous faisant connaitre (August. in

psal. XXX, concil. 1), que plus on recherche salut des hérétiques, plus doit-on ramentevoir la vanité de leurs erreurs. Les jésuites n'ont autre dessein que celui du salut des âmes et de la gloire de Dieu tous les moyens dont ils se servent se rapportent à cette fin, et non à émouvoir des tumultes et faire des scandales. Travailler pour vous ramener au giron de l'Eglise, est-ce exciter des troubles? Confirmer le roi en sa religion, est-ce l'émouvoir à vous persécuter? Vous convier à éteindre le feu qui un jour comsumera vos âmes, est-ce l'allumer en ce royaume? Le blessé a le chirurgien odieux, tandis qu'il lui coupe la jambe; mais lorsqu'il est guéri, il se reconnaît son obligé. Ainsi espéré-je que vous vous louerez un jour des jésuites, puisque maintenant vous ne vous en plaignez que pour l'affection qu'ils ont à votre bien, et le soin qu'ils ont de procurer le salut de vos âmes. Ils désirent la paix en ce royaume et en vos consciences. En quoi ils sont bien différents des vôtres, qui font gloire des troubles et des tumultes, estimant qu'en cela consiste leur bien.

Vous direz, peut-être, que ce que je dis n'est pas véritable; mais pour me tirer du pair, je mettrai en jeu Luther, votre premier père, assuré qu'au jugement de tout le mon. de, vous ne viderez pas avec lui ce différend à votre avantage: Tu te plains, dit Luther (1), de ce que par notre Evangile tout le monde est en tumulte; je rends graces à Dieu, j'ai voulu qu'il arrival ainsi, et je serais bien misérable, s'il était arrivé autrement.

CHAPITRE XI.

MINISTRES.

Au moins, Sire, ne nous peuvent-ils reprocher qu'aucun de notre religion ait tué son roi, ni qu'aucun ministre de la parole de Dieu, en secret, ou en public, ait incité aucun à ce faire. Ains au contraire, après tant d'oppressions et persécutions, pour toute vengeance nous prions Dieu pour la prospérité de ceux qui nous haissent, et nous estimons assez heureux de voir votre Majesté paisible et heureux possesseur de son royaume.

RÉPONSE.

C'est avec déplaisir que je suis contraint de laisser à part ce qui concerne votre religion, pour éplucher ce qui touche vos personnes. Je fais en cela pour vous plaire en vous répondant de point en point, ce que je n'eusse jamais entrepris de moi-même de peur de vous déplaire.

Pour vous confondre, messieurs, passant sous silence les maux que Christiern, roi de Danemark, et Marie, reine d'Ecosse, ont reçus des vôtres ne parlant point aussi des conspirations faites contre le roi François II, à Amboise et contre le roi Charles IX, à

(1) Luther loc. comm. class. 5. Tu quereris quod per Evangelium nostrum inundus tumultuatur. Respondeo, Deo gratias, hæc volai fieri, et o me miserum sit non talia fierent!

Meaux, ni d'autres plus anciennes, je m'arrêterai à ce qui s'est passé en la personne du plus grand roi, qui ait jamais été séduit par votre erreur.

N'est-ce point vouloir tuer un roi que de le colleter, le porter par terre, comme Gaurrey fit en Ecosse le roi de la Grande-Bretagne, qu'il réduisit à telle extrémité, que son seul courage et sa seule force avec l'aide de Dieu lui conservèrent la vie? Direz-vous que la condamnation du frère du milord Goban, convaincu d'attentat sur cette sacrée personne, ait été injuste. Ces deux exemples justifient clairement que ceux qui sont imbus de vos erreurs, entreprennent sur les rois. Si toutefois cette preuve ne vous contente, jetez les yeux, je vous supplie, sur l'épître monitoire de ce grand roi dont il s'agit, vous y verrez que parlant des puritains de son royaume, qui sont calvinistes comme vous, il dit: Je n'ai pas été seulement depuis ma naissance continuellement travaillé des puritains, mais même j'ai presque été étouffé d'eux au ventre de ma mère, devant que d'être au monde. Et en la page suivante: Je me confierais plutôt aux plus cruels voleurs des montagnes ou des frontières, qu'en ce genre d'hommes, desquels il dit encore en son présent royal, que pendant sa minorité, ils ont voulu faire une démocratie en son royaume, qu'ils l'ont calomnié en leurs sermons, non pour mal qu'ils trouvassent en lui, mais seulement parce qu'il était roi.

Que direz-vous à ces autorités ? Vous n'oseriez les revoquer en doute. Aussi du Moulin écrivant sur ce sujet contre un des plus doctes et célèbres religieux de son siècle ne les dénie pas (Le R. P. Coeffeteau). Donc il parait que les vôtres entreprennent sur les rois. Il resterait à savoir si c'est à l'instigation de ceux qui exercent votre ministère, si les témoignages que j'ai rapportés ci-dessus n'étaient capables, si vous avez tant soit peu de front, de vous faire sur ce sujet rougir et taire tout ensemble,

CHAPITRE XII.

MINISTRES.

Or ce qui nous a donné sujet, Sire, de vous représenter ces humbles plaintes, a été l'action dernière du sieur Arnoul, jésuite, lequel s'étant vanté en plein sermon en votre présence, qu'il montrerait que tous les passages cotés en notre confession de foi sont faussement allégués, votre Majesté a eu là-dessus une curiosité louable d'ouïr la déduction de ses preuves sur ce sujet : lesquelles il a déduites en un sermon suivant, avec paroles tendant à nous rendre odieux, et exécrables à votre Majesté, se condamnant soi-même aux peines éternelles, et à subir toutes sortes de supplices, s'il ne montrait clairement que tout ce qui est coté en la marge de notre confession touchant nos controverses, est faussement allégué : y ajoutant plusieurs paroles odieuses, et proposant l'exemple des princes allemands, qui ne souffrent en leur pays qu'une religion. Et non content de ce, a couché ses preuves par écrit.

lesquelles il a mises ès mains d'un gentilhomme de la religion, afin de nous les apporter. RÉPONSE.

Chacun étant plus entendu en son tait propre qu'aucun autre, je n'ai rien à dire sur ce paragraphe qui touche le père Arnoul, parce qu'il y a répondu en sa réplique, sinon que qui connaîtra sa capacité, son zèle et sa retenue, jugera aisément qu'il est homme à plus faire qu'à entreprendre et à désirer rendre vos âmes agréables à Dieu, et non vos personnes odieuses aux hommes.

CHAPITRE XIII.

MINISTRES.

Cela, Sire, nous a obligés à y répondre : car cette confession ayant été faite pour informer nos souverains de notre croyance, et .pour cet effet présentée au roi Henry II, votre prédécesseur, nous avons cru que la défense de cette même confession devait être adressée à son successeur, en présence duquel elle a été calomniée. Plût à Dieu qu'il nous fût permis de proposer nos défenses de notre bouche en présence de V. M. et de pouvoir en public, et en présence du roi que Dieu nous a donné, maintenir la vérité de l'Evangile contre ceux qui la diffament: chose, Sire, que vous devez désirer aussi. Car voyant une dissension entre vos sujets sur le point de la religion, qu'y a-t-il de plus nécessaire que celui qui est le père commun de tous, sache en quoi git le différend et quel est le fond de ce procès ? Et que pour cet effet il vienne à la source et sache quelle a été la religion chrétienne en son origine? Car celui qui, établi en la terre pour faire que Dieu soit servi, doit savoir exactement la règle du service de Dieu celui qui en sa charge représente la royauté de Dieu, doit en ses actions imiter sa justice. Or quel moyen de ce faire, sans connaitre la règle souveraine de justice, qui est la parole de Dieu? Dont aussi Dieu commande aux rois d'avoir toujours devant soi le livre de la loi, pour y lire tous les jours de leur vie. Que s'ils se laissent bander les yeux, et se contenter de suivre sans voir le chemin, les papes et prélats ont beau ieu pour accommoder la religion à leur profit, et batir leur grandeur de la ruine de l'Evangile: car aujourd'hui la religion est changée en trafic, et ces messieurs ont trouvé des règles de piété qui pincent non seulement sur les vivants, mais aussi sur les morts. Ce n'est à autre fin, Sire, que le pape depuis quelques siècles a empêché que les rois, vos prédécesseurs ne vissent l'Ecriture sainte, sinon pour ce que son empire est fondé sur l'ignorance de la parole de Dieu. Jamais on ne l'eût laissé s'accroître aux dépens de la grandeur de nos rois, s'il n'eût travaillé à la faveur d'un siècle ténébreux, auquel peu de gens reconnaissaient son dessein. Il n'eût pu se rendre juge souverain des points de la foi, si le peuple eût eu devant ses yeux la règle de la foi, que Dieu meme a prononcé de sa bouche.

RÉPONSE.

A quiconque est faible et a peur, c'est une grande ruse de faire le hardi et feindre avoir courage et force. Vous faites bonne mine et parlez hardiment, pour faire croire que vous avez grande envie de comparaître devant le roi, pour maintenir en sa présence et en public, la vérité de votre nouvel Evangile. Vos paroles qui ne sonnent autre chose qu'un défi, par lequel vous appelez tout le clergé de France à une dispute publique, me font souvenir de ce troyen, duquel il est dit dans Homère (Iliad. 7), qu'il provoquait hardiment au combat, quoique lorsqu'il était venu aux mains, il eût besoin d'une nuée pour cacher sa fuite et couvrir sa honte.

Il nous serait aisé, si nous voulions, de vous refuser le combat sans que vous pussiez en tirer avantage, ou vous en plaindre, puisque Luther soutient qu'il ne faut point disputer contre ceux qui renouvellent les hérésies qui autrefois ont été condamnées. Mais nous ne serons pas si rigoureux, l’Eglise gallicane ayant, par la grâce de Dieu, quantité de prélats, entre lesquels je suis le moindre, et un nombre infini de docteurs, qui feront paraître en toutes occasions la vérité de sa doctrine et la vanité de vos erreurs l'ombre seule de ce grand cardinal vous défera toujours, pour la même raison que l'image d'Alexandre fit trembler celui qui autrefois avait été mal traité par sa propre

personne.

N'est-ce pas une pure flatterie de convier le roi à connaître des différends de la religion? Voulez-vous que les princes s'attribuent l'autorité de juge en telles causes? Si vous le voulez, vos frères ne le veulent pas, les princes n'ont point cette prétention, les saints pères témoignent qu'ils y seraient mal fondés, et l'Ecriture nous l'enseigne.

Que vos frères ne le veuillent pas, ils en rendront témoignage eux-mêmes: Les princes, dit Bèze (1), assistent aux synodes, non pour régner, mais pour servir; non pour faire des lois, mais pour proposer celles qui, selon la parole de Dieu, seront expliquées par la bouche des ministres, afin d'être gardées par eux et par le peuple. Le prince, dit Junius (2), ne connaît, ni ne peut connaître en vertu de sa charge, du sens de la foi. Nous disons, dit Witakerus (3), que les différends ecclésiastiques doivent être vidés par le ministre, en vertu de la loi. Et en un autre endroit : Je répons que Martin défère à l'Eglise le jugement touchant les points de doctrine et qu'il ne l'attribue

(1) Beza in confess. c. 5. ar. 15. Principes Synodo intersint non ut regnent, sed ut serviant, non ut leges condant, sed ut ex Dei verbo per os ministrorum explicatas et sibi et aliis observandas proponant.

(2) Controv. 5. lib. 1. cap. 18. de sensu fidei nec cognoscit princeps, nec cognoscere officio principali potest.

(5) Contr. 1. q. 5. c. 4. Dicimus lites ecclesiasticas decernendas esse ex lege divina per ministrum. Item cap. 6. Respondco Martinum Ecclesiæ vindicare judicium de genere doctrinæ non concedere imperatori, etc.

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