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soleil; et, en s'ouvrant d'elles-mêmes, elles font paraître leurs perles, qu'il suffit, après cela, de nettoyer et de sécher.

Les autres pierres précieuses sont toutes brutes quand on les tire de leurs rochers, et elles n'ont leur lustre que 'de l'industrie des hommes. La nature ne fait que les ébaucher; il faut que l'art les achève en les polissant. Mais pour les perles, elles naissent avec cette eau 1 nette et éclatante qui les fait tant estimer. On les trouve toutes polies dans les abymes de la mer, et la nature y met la dernière main avant qu'on les arrache de leurs nacres.

La perfection des perles, selon Pline, est, lorsqu'elles sont d'une blancheur éclatante, 'grosses, rondes, polies, et d'un grand poids: qualités qui se trouvent rarement réunies.

C'est une vision de croire que les perles naissent de la rosée; qu'elles sont molles dans la mer, et ne se durcissent que quand elles sentent l'air; qu'elles s'amaigrissent et avortent quand il tonne, comme dit Pline, et beaucoup d'autres auteurs après lui.

On vante beaucoup de certaines choses, uniquement parce qu'elles sont rares, et dont le principal mérite consiste dans le péril où l'on s'expose pour les avoir: Les hommes sont dignes d'estimer si peu leur vie, et de la juger moins précieuse que des coquilles cachées dans le fond de la mer. S'il était nécessaire, pour ac

En terme de joailliers, on appelle eau l'éclat des perles, qu'on suppose être faites d'eau. Ainsi on dit: les perles que Cléopatre avait en pendants étaient d'un prix inestimable, soit pour l'eau ou pour la

grosseur.

2 « Dos omnis in candore, magnitudine, orbe, lævore, pondere; haud promptis rebus. » (PLIN. l. 9, c. 35.)

3 « Animâ hominis quæsita maximè placent. (PLIN. Ibid.)

quérir la sagesse, d'essuyer toutes les peines qu'on se donne pour trouver quelque perle d'une grosseur et d'une beauté non commune (et il en faut dire autant de l'or, de l'argent et des pierreries), il ne faudrait pas balancer un moment à exposer sa vie, et plusieurs fois, pour un tel trésor. La sagesse est le plus grand des biens; une perle est de tous les biens le plus fri-` vole: cependant les hommes ne font rien pour la sagesse, et ils tentent tout pour une perle.

§ VIII. La pourpre.

Les étoffes teintes en pourpre faisaient une des parties les plus considérables du commerce ancien, surtout de celui de Tyr, dont l'industrie et l'extrême habileté avaient porté cette précieuse teinture au plus haut degré de perfection où elle pût être conduite. La pourpre le disputait de prix avec l'or même, quel- Plin. lib. 9, que rare qu'il fût dans ces temps reculés, et faisait la marque distinctive des plus grandes dignités de l'univers, étant réservée principalement pour les princes1, les rois, les sénateurs, les consuls, les dictateurs, les empereurs, et pour ceux à qui Rome accordait l'honneur du triomphe.

La pourpre est une couleur rouge tirant sur le violet, qui vient d'un poisson de mer enfermé dans un coquillage 2, que l'on nommait aussi pourpre. Malgré divers traités faits par les modernes sur cette

1 « Color nimio lepore vernans, obscuritas rubens, nigredo sanguinea regnantem discernit, dominum conspicuum facit, et præstat humano generi ne de conspectu principis

possit errari.» (Cassiod. lib. 1, var.
ep. 2.)

2 De là vient qu'on appelle en la-
tin des habits de pourpre, conchi-

liatæ vestes.

cap. 36.

Aristot. de

Hist. auim.

lib. 5, c. 15.

cap. 38.

couleur si vantée chez les anciens, on est peu instruit de la nature de la liqueur qui la fournissait. Aristote et Pline ont laissé bien des choses remarquables sur cette matière, mais plus propres à exciter la curiosite Plin. lib. 9, qu'à la satisfaire pleinement. Le dernier, qui a parlé le plus au long de la préparation de la pourpre, a renfermé tout ce qu'il nous en a dit, en quelques lignes. C'en était peut-être assez pour retracer dans ce temps-là l'idée d'une pratique connue; mais c'en était trop peu pour nous en éclaircir suffisamment dans le nôtre, où l'on a cessé d'en faire usage depuis plusieurs siècles.

Id. ibid. c. 36.

Jul. Pollux. 1. 1, c. 4.

Cassiod. l. 1,

Pline range toutes les espèces de coquillages qui donnent la teinture pourpre, sous deux genres, dont le premier comprend les petites espèces de buccinum, ainsi appelé parce que la coquille de ce poisson a quelque ressemblance avec un cor de chasse; et le second comprend les coquillages qui portent le nom de pourpre, comme la teinture qu'ils fournissent. On croit que ce dernier genre s'appelait aussi murex.

Quelques auteurs prétendent que ce fut le hasard seul qui fit connaître aux Tyriens la teinture dont il var. ep. 2. s'agit ici. Un chien affamé ayant brisé avec ses dents un de ces coquillages sur le bord de la mer, et dévore un de ces poissons, en eut tout le tour de la gueule teint d'une si belle couleur, qu'elle donna de l'admiration à ceux qui la virent, et fit naître l'envie de s'en servir.

Plin. lib. 9, cap. 36-39.

La pourpre de Gétulie en Afrique, et celle de la

Vestes getulo murice tinctas.

(HORAT. 1. II, Epist. 2, v. 181.)

Laconie en Europe, étaient fort estimées; mais la tyrienne en Asie l'emportait sur toutes les autres, celle principalement qui était mise deux fois à la teinture, et que l'on appelait pour cette raison dibapha. La livre s'en vendait à Rome mille deniers, c'est-à-dire cinq cents francs 2.

Le buccinum et le murex ne different presque que par la grosseur du coquillage, par la manière de les prendre, et par celle de les préparer. Le murex se pêche pour l'ordinaire en pleine mer, au lieu que le buccinum se prend sur des pierres et des rochers où il s'attache. Je ne parlerai ici que du buccinum, et je copierai une légère partie de ce que j'en trouve dans la savante dissertation de M. de Réaumur.

Les buccinum ne pouvaient être dépouillés de leur liqueur sans qu'on y employât un temps très-considérable. Il fallait d'abord casser la dure coquille dont ils sont revêtus. Cette coquille cassée à quelque distance de son ouverture, ou de la tête du buccinum, on enlevait les morceaux cassés. C'est alors que l'on apercevait une petite veine, pour me servir de l'expression des anciens,*ou, pour parler plus juste, un petit réservoir plein de la liqueur propre à teindre en pourpre. La couleur de la liqueur renfermée dans ce petit réservoir le fait aisément distinguer; elle est très-différente de celle des chairs de l'animal. Aristote et Pline disent qu'elle est blanche; aussi est-elle d'une couleur qui tire sur le blanc, ou d'un blanc jaunâtre. Le petit

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Mémoires de
Sciences,

l'acad. des

année 1711.

2 818 fr. L.

lib. 7, c. 13.

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tite

réservoir dans lequel elle est contenue n'est pas d'égale
grandeur dans tous les buccinum; il a pourtant com
munément une ligne de large ou environ, et deux ou
trois lignes de long.... C'était ce petit réservoir
que lef
anciens étaient obligés d'enlever au buccinum, pour
avoir la liqueur qu'il renferme. Ils étaient contrain's
de le couper séparément à chaque poisson, ce qui état
un fort long ouvrage, du moins par rapport à ce qu'on
en retirait, car il n'y a pas la valeur d'une bonne goutt
de liqueur contenue dans chaque réservoir. De là i'
est peu surprenant que la belle pourpre fût à un si
haut prix parmi eux.

Aristote et Pline disent, à la vérité, que l'on ne se donne pas la peine d'enlever séparément ces petits vaisseaux aux plus petits coquillages de cette espèce; qu'on les pilait simplement dans les mortiers, ce qui était un moyen d'expédier beaucoup d'ouvrage en peu de temps. Il semble même que Vitruve donne cette préparation comme générale. Il est néanmoins peu aisé de concevoir qu'on pût avoir une belle couleur pourpre par ce moyen. La matière des excréments de l'animal devait altérer très-considérablement la couleur pourpre, lorsqu'on les faisait chauffer ensemble après les avoir mêlés dans de l'eau : car cette matière est elle-même colorée d'un brun verdâtre, couleur qu'elle communiquait apparemment à l'eau, et qui devait fort changer la couleur pourpre, parce que la quantité de cette matière est incomparablement plus grande que celle de la liqueur.

On n'en était pas quitte, dans la préparation de la pourpre, pour la peine que l'on avait eue à enlever un petit réservoir de liqueur à chaque buccinum. On jetait

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