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vriers modernes ont poussé l'habileté en ce point, comme en beaucoup d'autres, infiniment plus loin que

les anciens.

Enfin l'or se laisse filer et tisser comme l'on veut, de même que la laine; on peut même le travailler sans laine et sans soie, ou avec l'une et l'autre. Le premier des Tarquins triompha autrefois avec une tunique de drap d'or; et Agrippine, mère de Néron, lorsque l'empereur Claude son époux donna au peuple un combat naval, y parut habillée d'une longue robe toute de fil d'or, sans aucune autre matière.

Ce que l'on rapporte de l'extrême petitesse et délicatesse de l'or et de l'argent réduits en fil paraîtrait incroyable, s'il n'était confirmé par une expérience journalière. Je ne ferai que copier ici ce qu'on en lit dans les Mémoires de l'académie des sciences '.

« On sait, y est-il dit, qu'un fil d'or n'est qu'un fil d'argent doré. Il faut donc étendre, par le moyen de la filière, un cylindre d'argent couvert de feuilles d'or; et ce cylindre devient fil, et fil toujours doré, à quelque longueur qu'il puisse parvenir. On le prend ordinairement de quarante-cinq marcs, et il a quinze lignes de diamètre et à peu près vingt-deux pouces de hauteur. M. de Réaumur prouve que ce cylindre d'argent de vingt-deux pouces vient par la filière à en avoir 13963240, ou 1163520 pieds, c'est-à-dire qu'il est devenu 634692 fois plus long qu'il n'était, et qu'il a près de quatre-vingt-dix-sept lieues de longueur, en mettant deux mille toises à la lieue. Ce fil se file sur de la soie, et, avant que de l'y filer, on le rend plat de cylindre qu'il était, et en l'aplatissant on l'allonge ordi

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nairement encore d'un septième au moins, de sorte que sa longueur de vingt-deux pouces se change en une de cent onze lieues. Mais on peut aller jusqu'à allonger ce fil d'un quart par l'aplatissement, au lieu de ne l'allonger que d'un septième, et par conséquent il aura six vingts lieues; cela doit paraître une prodigieuse extension, et cela n'est encore rien.

« Le cylindre d'argent de quarante-cinq marcs et de vingt-deux pouces de long a pu n'être couvert que d'une once de feuilles d'or. Il est vrai que la dorure sera légère, mais elle sera toujours dorure; et quand le cylindre passera par la filière et acquerra la longueur de cent vingt lieues, l'or n'abandonnera jamais l'argent. On peut voir déja par là combien l'once d'or qui enveloppait le cylindre d'argent de quarante-cinq marcs a dû devenir extrêmement mince pour suivre toujours l'argent pendant un chemin d'une pareille longueur. M. de Réaumur ajoute encore à cette considération que l'on voit sensiblement que l'argent est une fois plus doré en certains endroits qu'en d'autres; et il trouve enfin, par le calcul, que, dans ceux où il l'est moins, il faut que l'épaisseur de l'or ne soit que de... de ligne, petitesse si énorme, qu'elle échappe autant à notre imagination que celle des infiniment petits de la géométrie; cependant elle est réelle, et produite par des instruments mécaniques qui ne peuvent être si fins, qu'ils ne soient encore fort grossiers. Notre esprit se perd et s'éblouit dans la considération de tels objets, combien plus dans celle des infiniment petits de Dieu!»

Électre.

Il faut savoir, dit Pline que je copie dans toute la suite, qu'en toute sorte d'or il y a toujours de l'argent Plin. lib. 33,

c. 3.

mêlé, plus ou moins; tantôt un dixième, tantôt un neuvième ou un huitième. On ne compte qu'une seule mine dans la Gaule, où l'on tire de l'or qui ne contient qu'une trentième partie d'argent, et c'est ce qui en fait monter le prix au-dessus de tous les autres: on nomme cet or albicratense, d'Albicrat (c'est un ancien lieu de la Gaule près de Tarbes). Il y avait plusieurs mines dans les Gaules, qui depuis ont été négligées ou épuisées. Strabon parle de quelques-unes, et, entre autres, Strab. 1. 4, de celles de Tarbes, qui étaient, dit-il, très-fécondes en or; car, sans pousser leurs canaux fort avant, ils trouvaient des pepins qui remplissaient le creux de la main, et qui n'avaient pas grand besoin de passer par le feu. Ils avaient aussi beaucoup de poudre d'or, et comme des grains qui ne demandaient presque point d'affinage.

p. 190.

Pour l'or, continue Pline, où l'on trouve jusqu'à un cinquième d'argent, on lui donne le nom d'électre. (On pourrait l'appeler de l'or blanc, parce qu'il approche un peu de cette couleur, et qu'il est plus pâle.) Il paraît que les peuples les plus anciens en faisaient grand cas. Homère, dans la description du palais de Ménélas, le Odyss. 14 dépeint tout brillant d'or, d'électre, d'argent et d'ivoire: l'électre a ceci de particulier, qu'il brille beaucoup plus à la lumière des lampes que ni l'or ni l'argent.

V. 71.

· Βώλοι.

Plin. 1. 33, cap. 6.

Jd. ibid.

§ IV. Mines d'argent.

Il en est des mines d'argent, pour plusieurs choses, comme de celles d'or. On creuse la terre, et on fait de longs boyaux à droite et à gauche, selon le cours de la yeine. Ce n'est point la couleur du métal, qui fait naître l'espérance des travailleurs; nul éclat, nulle étincelle dans ces mines, comme dans les autres. La terre qui renferme l'argent est tantôt rousse et tantôt cendrée; c'est aux ouvriers à la discerner par la pratique. Pour l'argent même, on ne saurait l'affiner que par le feu, avec du plomb, ou avec la mine même de l'étain ': on appelle cette mine galena, et on la trouve communément dans la veine des mines d'argent. Le feu ne fait autre chose que séparer ces matières, dont l'une se réduit en plomb ou en étain, et l'autre en argent; mais le dernier surnage toujours, parce qu'il est plus léger, à peu près comme l'huile sur l'eau.

On trouvait des mines d'argent dans presque toutes les provinces de l'empire romain. En effet, on en tirait d'Italie, près de Verceil; de Sardaigne, où il y en avait beaucoup; des Gaules, en divers endroits; de l'Angleterre même: de l'Alsace, témoin Strasbourg', qui en a tiré son nom, Argentoratum; et Colmar, Argentaria; de la Dalmatie et de la Pannonie, qui est maintenant la Hongrie; et enfin de l'Espagne et du Portugal, où était le plus beau.

Ce qu'il y a d'admirable dans les mines d'Espagne,

I La mine même de l'étain est cette matière informe et confuse qui contient la substance du métal. On

nomme cette matière du mot géné ral de marcassite, surtout par rapport à l'or et à l'argent.

c'est que les travaux qui y furent commencés par les ordres d'Annibal, y subsistent encore de nos jours, dit Pline, c'est-à-dire depuis plus de trois cents ans, et que les fossés y ont conservé les noms de ceux qui en firent la découverte, et qui étaient tous Carthaginois. Une de ces mines entre autres, encore aujourd'hui existante, et nommée bebulo, celle-là même qui produisait à Annibal jusqu'à trois cents livres d'argent par jour, a été poussée depuis jusqu'à quinze cents pas d'étendue, et même à travers la montagne par les peuples accitaniens, lesquels, sans se reposer ni jour ni nuit, et se relevant seulement à la mesure chacun de leurs lampes, en ont fait écouler les eaux. Il y a aussi des veines d'argent qu'on découvre comme à fleur de

terre.

Du reste, les Anciens connaissaient aisément quand ils étaient parvenus au bout de la veine; c'est lorsqu'ils trouvaient de l'alun : après quoi ils ne cherchaient plus rien, quoique depuis peu (c'est toujours Pline qui parle), on ait trouvé après l'alun une veine blanche de cuivre, ce qui a servi de nouvel indice aux ouvriers pour leur marquer la fin de la veine.

La découverte des métaux dont nous avons parlé jusqu'ici, est une merveille qu'on ne se lasse point d'admirer. Il n'y avait rien de plus caché dans la nature que l'or et l'argent; ils étaient ensevelis dans de profondes mines, mêlées de roches fort dures, et en apparence fort inutiles; et les parties de ces précieux métaux étaient si confondues avec des corps étrangers,

Lorsqu'il y vint pour faire le

siége de Sagonte.

2 Les peuples de Murcie et de Va

lence, qui faisaient partie du district de Carthage la nouvelle.

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