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manière dont les Anciens découvraient et préparaient les métaux, je suis obligé d'avoir recours à ce qu'en disent les modernes, pour donner au moins aux lecteurs quelque légère idée de ce qui se pratique actuellement dans la découverte, la préparation et la fonte de ces métaux, dont une partie avait lieu aussi dans l'antiquité.

La matière d'où se tire le fer (en terme de l'art on l'appelle la mine de fer) se trouve dans la terre, à différentes profondeurs, quelquefois en pierres de la grosseur du poing, et quelquefois en grains détachés les uns des autres, et de la grosseur des pois. Celle-ci est ordinairement la meilleure.

Pour faire fondre cette matière, après qu'on l'a bien lavée, on en jette, à des heures réglées, une certaine quantité dans un grand fourneau bien échauffé par un feu de charbon, donc l'activité est produite par le vent perpétuel de deux soufflets énormes qu'une roue fait hausser et baisser, et dont les deux ouvertures aboutissent dans un seul tuyau placé au bas du fourneau, à l'endroit jusqu'où peut s'élever la superficie de la matière fondue. A cette quantité de mine on ajoute toujours en même temps une autre quantité également réglée de charbon pour entretenir le feu, et de castine, qui est une espèce de pierre blanche, sans laquelle la mine brûlerait plutôt que de fondre.

A certains temps marqués, comme de douze heures en douze heures, et quand il y a une quantité suffisante de matière fondue, on la fait couler du fourneau par un trou fait exprès pour cela, et qui n'était bouché qu'avec du mortier; d'où sortant avec rapidité comme un torrent de feu, elle tombe dans un creux

fait dans le sable, de forme triangulaire comme un prisme, de la longueur d'environ quatorze ou quinze pieds. C'est ainsi que se forme ce qu'on appelle la gueuse, qui est une grosse pièce de cette matière pesant souvent jusqu'à deux ou trois mille livres, et qui n'est encore que de la fonte pareille à celle dont on fait les plaques de cheminée.

On la porte ensuite à un fourneau de la forge, appelé la raffinerie, où, par le moyen du feu qui la purifie, et du marteau qui en écarte et en détache les parties étrangères, elle commence à acquérir la qualité de fer.

Les nouvelles pièces de fer qu'en termes de l'art on a mises à terre à ce fourneau, passent de là à un autre nommé chaufferie ou martellerie, où, après un nouvel épurement par le feu, on en forge des barres avec l'aide d'un gros marteau pesant quelquefois jusqu'à quinze cents livres, et mis en mouvement, comme les autres, par des roues que l'eau fait tourner.

Il y a encore une autre machine composée de différentes roues àssemblées avec un art merveilleux, où ces mêmes barres de fer, quand on les destine à certains usages, sont tout d'un coup séparées en sept ou huit verges ou baguettes d'environ un demi-pouce d'épaisseur. C'est ce qu'on appelle la fenderie.

Dans quelques endroits, au lieu de former une gueuse de la matière qui sort du premier fourneau pour la réduire en fer, on se borne à la faire couler dans des moules diversement préparés, suivant la diversité des ouvrages qu'on veut fondre, comme des marmites, plaques de cheminée, et autres ustensiles de fonte.

Mémoires de

Sciences,

L'acier est une espèce de fer raffiné et purifié par le feu, qui le rend plus blanc, plus solide, et d'un grain plus menu et plus fin. C'est de tous les métaux le plus dur, quand il est préparé et trempé comme il faut. Cette trempe se fait dans de l'eau froide, et demande une grande attention de la part de l'ouvrier, pour tirer du feu l'acier, quand il y a pris un certain degré de chaleur.

Qu'on examine un couteau, un rasoir, bien tranchants, bien affilés; croirait-on qu'ils pussent se former d'un peu de terre, ou de quelques pierres noirâtres? Quelle distance d'une matière si informe à des instruments si polis et si luisants! De quoi n'est point capable l'industrie humaine!

M. Réaumur observe, au sujet du fer, une chose l'acad. des qui paraît bien digne d'être remarquée. Quoique le feu aunée 1726. le rende rarement ou ne le rende presque jamais aussi liquide qu'il rend l'or, l'argent, le cuivre, l'étain et le plomb, cependant c'est de tous les métaux celui qui se moule le plus parfaitement, qui s'insinue le mieux dans les plus petits creux des moules, et qui en prend le plus exactement les impressions.

§ II. Mines de cuivre ou d'airain.

Le cuivre, qu'on nomme autrement l'airain, est un métal dur, sec, pesant. On le tire des mines comme les autres matériaux; et on l'y trouve, aussi - bien que le fer, ou en poudre, ou en pierre.

Avant que de le fondre il faut beaucoup le laver,

Era lacu.

Stridentia tingunt

afin d'en séparer la terre qui y est mêlée. On le fait fondre ensuite dans les fourneaux par de grands feux, et l'on fait couler la matière fondue dans des moules. Le cuivre qui n'a eu que cette première fonte est le cuivre commun et ordinaire.

Pour le rendre plus pur et plus beau, on le fait refondre une ou deux fois. Lorsqu'il a soutenu plusieurs fois le feu, et qu'on en a séparé les parties les plus grossières, on l'appelle rosette, et c'est le cuivre le plus pur et le plus net.

Le cuivre naturel est rouge; et ce qu'on nomme cuivre jaune est du cuivre jauni avec la calamine.

La calamine, qu'on nomme aussi cadmie2, est un minéral, ou terre fossile, qui s'emploie par les fondeurs pour teindre le cuivre rouge en jaune. Elle ne devient jaune que quand on la fait recuire à la manière des briques; et ce n'est qu'après cette cuisson qu'on s'en sert pour jaunir et augmenter la rosette, ou cuivre rouge.

Le cuivre jaune est donc un mélange de cuivre rouge avec de la calamine, laquelle augmente son poids depuis dix jusqu'à cinquante par cent, selon la différente bonté du cuivre. On l'appelle aussi laiton, et en latin aurichalcum.

Le bronze est un métal factice, et composé du mélange de plusieurs métaux.

Pour les belles statues de bronze, l'alliage se fait moitié de cuivre rouge, et moitié de laiton ou cuivre

1 Præterea semel recoquunt : quod sæpius fecisse, bonitati plurimùm confert. » (PLIN. lib. 34, cap. 8.)

2 « Vena (æris) quo dictum est modo, effoditur, ignique perficitur. Fit et e lapide æroso, quem vocant cadmiam.» (PLIN. lib. 34, cap. 1.)

jaune. Dans le bronze ordinaire, l'alliage se fait avec de l'étain, et même avec du plomb, quand on va à l'épargne,

La fonte est aussi une espèce de cuivre mélangé, qui ne diffère du bronze que par le plus ou le moins d'alliage.

L'art de fondre, ou, comme on dit maintenant, de jeter en bronze, est très-ancien. On a eu en tout temps des vases de métal, et différents ouvrages curieux qui en étaient formés. Il fallait qu'à la sortie d'Égypte la fonte fût déja très-commune, puisque dans le désert, sans grands préparatifs, on forma une statue qui avait ses linéaments et sa figure, et qui représentait un veau. On fabriqua, bientôt après, la mer d'airain, et toutes sortes de vases pour le tabernacle, et ensuite pour le temple. On se contentait souvent de former une statue de lames battueset jointes ensemble par le marteau.

L'invention de ces simulacres, ou fondus ou battus, prit son origine en Orient aussi-bien que l'idolâtrie, et se communiqua ensuite à la Grèce, qui porta cet art à sa dernière perfection.

L'airain le plus célèbre et le plus estimé chez les Grecs était celui de Corinthe, dont j'ai parlé ailleurs, et celui de Délos. Cicéron les joint dans une de ses harangues, où il parle d'un vase d'airain appelé authepsa1, où la viande se cuisait avec très-peu de feu et comme d'elle-même; vase qui fut vendu si cher, que

I a Domus referta vasis corinthiis et deliacis: in quibus est authepsa illa, quam tanto pretio nuper mercatus est, ut, qui prætereuntes pre

tium enumerari audiebant, fundum venire arbitrarentur. » (ORAT. pro Rosc. Amer. n. 133.)

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