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que de munitions de guerre et de soldats; et de leurs plus sages et plus heureux négociants il se forma des chefs et des généraux d'armée qui lui procurèrent à la vérité une gloire bien éclatante, mais de peu de durée, et bientôt suivie de sa ruine entière.

La prise de Tyr par Alexandre-le-Grand, et la fondation d'Alexandrie, qui la suivit de près, causèrent une grande révolution dans les affaires du commerce. Ce nouvel établissement est sans contredit le plus grand, le plus noble, le plus sage, et le plus utile dessein qu'ait formé ce conquérant.

Il n'était pas possible de trouver une plus heureuse situation, ni plus propre à devenir le dépôt de toutes les marchandises de l'Orient et de l'Occident. Cette ville avait d'un côté un libre commerce avec l'Asie et avec tout l'Orient par la mer Rouge; la même mer et le Nil lui donnaient entrée dans les vastes et riches contrées de l'Éthiopie; le commerce du reste de l'Afrique et de l'Europe lui était ouvert par la mer Méditerranée; et si elle voulait faire le négoce intérieur de l'Égypte, elle avait, outre la commodité du Nil et des canaux faits de main d'homme, le secours des caravanes, si commode pour la sûreté des marchands et pour le transport des marchandises.

Voilà ce qui porta Alexandre à juger cette place très-propre à en faire une des plus belles villes et un des plus beaux ports du monde; car l'île de Pharos, qui n'était pas alors jointe au continent, lui en fournissait un magnifique après sa jonction, ayant deux entrées où l'on voyait arriver de toutes parts les vaisseaux étrangers, et d'où partaient sans cesse des vaisseaux égyptiens qui portaient leurs négociants et leur

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commerce dans toutes les parties de la terre alors con

nues.

Alexandre vécut trop peu pour être le témoin de l'état heureux et florissant où le commerce devait élever sa ville. Les Ptolémées, qui, après sa mort, eurent l'Égypte en partage, prirent le soin de soutenir le négoće naissant d'Alexandrie; et bientôt ils le portèrent à un degré de perfection et d'étendue qui fit oublier et Tyr et Carthage, lesquelles, pendant un très-long temps, avaient fait presque seules et rassemblé chez elles le commerce de toutes les autres nations.

De tous les rois d'Égypte Ptolémée Philadelphe fut celui qui contribua le plus à y perfectionner le comAthen. 1. 5, merce. Pour cet effet, il entretenait sur mer de nombreuses flottes, dont Athénée fait un dénombrement et une description qu'on ne peut lire sans étonnement. Outre plus de six vingts vaisseaux à rames, de grandeur extraordinaire, il lui attribue plus de quatre mille autres navires, qui étaient employés au service de son état et à l'avancement du commerce. Il possédait un grand empire, qu'il avait formé en étendant les bornes du royaume d'Égypte dans l'Afrique, dans l'Éthiopie, dans la Syrie; et au-delà de la mer, s'étant rendu maître de la Cilicie, de la Pamphylie, de la Lycie, de la Carie et des Cyclades, et possédant dans ses états près de quatre mille villes. Pour mettre le comble au bonheur de ces provinces, il voulut y attirer par commerce les richesses et les commodités de l'Orient; et, pour en faciliter la route, il bâtit exprès une ville sur la côte occidentale de la mer Rouge, creusa un canal depuis Coptus jusqu'à cette mer, et fit préparer des hôtelleries le long de ce canal pour la commodité

le

des marchands et des voyageurs, comme je l'ai marqué dans son lieu.

Strab. 1. 17,

P. 798.

Ce fut cette commodité de l'entrepôt des marchandises à Alexandrie qui répandit dans toute l'Égypte des richesses immenses: richesses si considérables, qu'on Cic. apud assure que le seul produit des droits d'entrée et de sortie sur les marchandises qui entraient dans les douanes d'Alexandrie1 montaient chaque année à plus de trentesept millions de livres, quoique la plupart des Ptolémées fussent assez modérés dans les impôts qu'ils mettaient sur leurs peuples.

Tyr, Carthage et Alexandrie ont été sans contredit les villes de l'antiquité les plus fameuses pour le commerce. Il s'exerça aussi avec succès, mais non avec tant de réputation, à Corinthe, à Rhodes, à Marseille, et dans plusieurs autres villes particulières.

ARTICLE III.

Objet et matière du commerce.

Le passage d'Ezechiel que j'ai cité au sujet de Tyr renferme presque tout ce qui faisait la matière de l'ancien commerce : l'or, l'argent, le fer, le cuivre, l'étain, le plomb; les perles, les diamants, et toutes sortes de pierres précieuses; la pourpre, les étoffes, les toiles; l'ivoire, l'ébène, les bois de cèdre; la myrrhe, les cannes odoriférantes, les parfums; les esclaves, les chevaux,

1 Strabon parle des revenus de toute l'Égypte (Aiуúnτου πрóσoda), et non pas seulement du produit des

douanes d'Alexandrie. Les 12,000 ta

lents auxquels il les évalue représen

tent 66 millions de notre monnaie.
-L.

.

les mulets; le froment, le vin, les bestiaux; enfin toutes sortes de marchandises précieuses. Je ne m'arrêterai ici qu'à ce qui regarde les mines de fer, de cuivre, d'or, d'argent, les perles, la pourpre, la soie, et je ne traiterai que fort légèrement toutes ces matières. Pline le naturaliste sera mon guide ordinaire dans celles qu'il a expliquées. Je ferai grand usage des savantes remarde l'auteur de l'histoire naturelle de l'or et de l'argent, extraite du 23o livre de Pline, et imprimée à Londres.

ques

§ I. Mines de fer.

Il est certain que l'usage des métaux, particulièrement du fer et du cuivre, est presque aussi ancien que le monde: mais il ne paraît pas que dans les premiers siècles il fût beaucoup question de l'or ni de l'argent. Uniquement occupés des besoins pressants, les premiers habitants du monde firent ce que font et doivent faire ceux des nouvelles colonies. Ils pensèrent à bâtir des maisons, à défricher la terre, et à se fournir des instruments nécessaires pour couper des arbres, pour tailler des pierres, et pour toutes les opérations mécaniques. Comme tous ces outils ne peuvent être que de fer, de cuivre ou d'acier, ces matériaux essentiels devinrent, par une conséquence nécessaire, les principaux objets de leur recherche. Ceux qui se trouvèrent établis dans les pays qui les produisent ne furent pas long-temps sans en connaître l'importance. On en venait chercher de toutes parts; et leur terre, ingrate en apparence et stérile pour toute autre chose, devint pour eux un fonds des plus abondants

et des plus fertiles. Rien ne leur manquait avec cette marchandise, et les barres de fer étaient des lingots qui leur procuraient toutes les commodités et toutes les douceurs de la vie.

Il serait curieux de savoir où, quand, comment et par qui ces matériaux ont été découverts. Cachés comme ils sont à nos yeux, et enveloppés dans les entrailles de la terre en petites particules presque imperceptibles, qui n'ont aucun rapport apparent et aucune disposition prochaine aux différents ouvrages que l'on en compose, qui peut avoir indiqué aux hommes les usages qu'ils en pouvaient tirer? C'est faire trop d'honneur au hasard de lui en imputer la découverte. L'importance infinie, et la nécessité presque indispensable des instruments qu'ils nous fournissent, méritent bien, ce me semble, que l'on y reconnaisse le concours et la bonté de la Providence. Il est vrai qu'elle se plaît ordinairement à cacher ses plus merveilleux bienfaits sous des événements qui ont toute l'apparence de cas fortuit et de pur hasard; mais des yeux attentifs et religieux ne s'y trompent point, et découvrent clairement sous ces voiles la bonté et la libéralité de Dieu, d'autant plus digne d'admiration et de reconnaissance, qu'elle se montre moins. C'est une vérité que les païens même ont reconnue, comme je l'ai déja observé.

Il est remarquable que le fer', qui est de tous les métaux le plus nécessaire, est aussi le plus commun, le plus facile à trouver, le moins profondément caché en terre, et le plus abondant.

Comme je trouve peu de choses dans Pline sur la

I u Ferri metalla ubique propemodum reperiuntur... Metallorum om

nium vena ferri largissima est. »> (PLIN. lib. 34, cap. 14.)

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