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les collines des Gaules, de la Pannonie, de la Mésie, et en beaucoup d'autres endroits. Il permit généralement aux Gaulois, aux Pannoniens et aux Espagnols d'avoir des vignes autant qu'ils voudraient, au lieu que depuis Domitien la permission n'en était pas donnée à tout le monde.

§ II. Produit des vignes en Italie du temps de

Columelle.

Avant que de finir cet article des vignes, je ne puis m'empêcher d'extraire un endroit de Columelle qui fait connaître quel profit on en tirait de son temps. Il entre sur cela dans un détail qui m'a paru assez curieux, et il fait un calcul exact des frais et du produit de sept arpents de vignes. Son dessein est de prouver que la culture des vignes est plus fructueuse et plus lucrative que toute autre, et que celle même du blé. Cela pouvait être vrai de son temps, mais ne l'est pas du nôtre, du moins dans l'opinion commune. Cette différence vient peut-être des divers accidents auxquels la vigne est sujette dans ces pays - ci, gelées, pluies, coulure, qu'on n'a point tant à craindre dans les pays chauds. Ajoutez encore la cherté des tonneaux dans les années abondantes, qui absorbe la plus grande partie du profit des vignerons, et les entrées, qui diminuent beaucoup le prix du vin. Chez les anciens même, tout le monde n'était pas du sentiment de Columelle. Caton 1, à la

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qui putent sumptu fructum devorare.» (VARR. de Re rust. lib. 1, cap. 7 et 8.)

vérité, donnait le premier rang aux vignes, mais à celles qui produisaient d'excellent vin et en quantité. En supposant ces deux conditions, on pense encore de même aujourd'hui. Plusieurs donnaient la préférence aux prairies; et leur principale raison était que les frais pour la culture des vignes en emportent presque tout le produit.

Frais nécessaires pour sept arpents de vignes.

Ces frais sont:

1o Pour l'achat d'un esclave, qui seul suffit pour cultiver sept arpents de vignes, huit mille sesterces.

2o Pour l'achat du fonds de sept arpents, sept mille sesterces..

3o Pour les échalas et autres dépenses nécessaires pour sept arpents, quatorze mille

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Ces trois sommes ensemble font vingt-neuf mille sesterces..

4° Pour l'intérêt de ladite somme de vingtneuf mille sesterces, à six pour cent pendant deux ans que la terre ne rapporte point, et que cette somme est morte, trois mille quatre cent quatre-vingts sesterces.

1000 l.'

8752

1750

3625 1.

435

Le total de la dépense monte à trente-deux mille quatre cent quatre-vingts sesterces..... 4060 l.

Les 8000 sesterces valent 1636 f. 2 Il faut estimer ainsi, d'après le

tableau inséré dans le Traité des Études (tom. IV, pag. 165 de cette

I

Produit de sept arpents de vignes.

Le produit de sept arpents de vignes par an est de six mille trois cents sesterces, c'est-à-dire de sept cent quatre-vingt-sept livres dix sous ; ce qui va être prouvé.

Le culeus est une mesure qui contient vingt amphores, ou quarante urnes. L'amphore contient vingtsix pintes et un peu plus. Par conséquent le culeus contient cinq cent vingt pintes; ce qui fait deux muids, mesure de Paris, moins cinquante-six pintes.

Le moins que puisse valoir le culeus, c'est trois cents sesterces, c'est-à-dire trente-sept livres dix sous. Le moins que doive rapporter chaque arpent 2, c'est trois culeus, qui vaudront neuf cents sesterces, ou cent douze livres dix sous. Les sept arpents rapporteront donc de profit six mille trois cents sesterces, qui font sept cent quatre-vingt-sept livres dix sous.

L'intérêt de la dépense totale, laquelle est de trentedeux mille quatre cent quatre-vingts sesterces, c'est-àdire de quatre mille soixante livres; cet intérêt, disje, à six pour cent par an, monte à mille neuf cent quarante-quatre sesterces, et quelque chose de plus, c'est-à-dire à deux cent quarante-trois livres. L'intérêt

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de cette même somme, que l'on tire par an du produit de sept arpents de vignes, est de six mille trois cents sesterces, c'est-à-dire de sept cent quatre-vingt-sept livres dix sous ; par où l'on voit combien ce dernier intérêt surpasse l'autre 2, qui était pourtant le commun et l'ordinaire dans l'usage: et c'est ce que Columelle voulait prouver.

Outre ce produit, Columelle compte encore un autre profit qu'on tirait des marcottes 3. La marcotte est un rejeton, une branche de vigne qu'on couche en terre, et qui prend racine quand on veut provigner. Chaque arpent produisait par an dix mille marcottes au moins, qui se vendaient trois mille sesterces, ou trois cents soixante et quinze livres. Les marcottes produisaient donc, pour les sept arpents, vingt et un mille sesterces, ou deux mille six cent vingt-cinq livres. Columelle met le produit de ces marcottes au plus bas prix : car, pour lui, il assure qu'il en tirait régulièrement le double. Il parle des vignes d'Italie seulement, et non de celles des provinces.

En joignant ces deux produits, l'un du vin, l'autre des marcottes, sept arpents de vignes donnaient de profit par an trois mille quatre cent douze livres.

Le produit de ces marcottes, inconnu chez nos vignerons, venait sans doute de ce que les vignes, étant alors fort rares dans un grand nombre de provinces, et la réputation des vins d'Italie s'étant répandue au loin, on y venait de tous côtés pour s'y fournir de ces marcottes, et pour se mettre, par ce moyen, en état de faire de bons plants de vignes dans des endroits qui

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n'en avaient point eu jusque-là, ou qui n'en avaient eu que de médiocres.

ARTICLE IV.

De la nourriture des bestiaux.

J'ai dit que la nourriture des bestiaux faisait partie de l'agriculture. Elle en est certainement une partie essentielle, non-seulement parce que ce sont ces bestiaux qui, par un fumier abondant, fournissent à la terre les engrais qui lui sont nécessaires pour conserver et renouveler ses forces, mais encore parce qu'ils partagent avec l'homme les travaux du labour, et lui en épargnent la plus grande peine. De là vient que le bœuf, laborieux compagnon de l'homme dans l'agriculture, était si fort considéré chez les anciens, que quiconque avait tué un bœuf était puni de mort comme s'il avait tué un citoyen, par cette raison sans doute qu'il était regardé comme un meurtrier du genre humain, dont la nourriture et la vie ont un besoin absolu du secours de cet animal.

Plus on remonte dans l'antiquité plus on voit que, chez tous les peuples, la nourriture des bestiaux produisait des revenus considérables. Sans parler ni d'Abraham, dont le nombreux domestique montre combien le devaient être ses troupeaux, ni de Laban, Job. 1, 8. son petit - neveu, l'Écriture nous fait remarquer que

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