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commandement de l'autre à Antipater. L'aile de Mithridate fut d'abord enfoncée et obligée de plier. Mais Antipater, qui avait défait l'ennemi qu'il avait en tête, vint à son secours. Le combat se renouvela, et l'ennemi y fut mis en déroute. Mithridate et Antipater le poussèrent, en firent un grand carnage, et regagnèrent le champ de bataille : ils prirent même le camp ennemi, et obligèrent ceux qui restèrent à repasser le Nil pour

se sauver.

Alors Ptolémée s'avança avec toute son armée pour accabler les vainqueurs. César marcha aussi du même côté pour les soutenir; et, dès qu'il les eut joints, on en vint bientôt à une bataille décisive, où César remporta une victoire complète. Ptolémée, en voulant se sauver dans un bateau sur le Nil, s'y noya. Alexandre et toute l'Égypte se soumirent au vainqueur.

César rentra dans Alexandrie vers le milieu de notre janvier; et, ne trouvant plus d'opposition à ses ordres, il donna la couronne d'Égypte à Cléopatre et à Ptolémée son autre frère conjointement. C'était la donner en effet à Cléopatre seule : car ce jeune prince n'avait que onze ans. Ce fut proprement la passion que César conçut pour cette princesse, qui lui attira une guerre si dangereuse. Il en eut un fils qui fut nommé Césarion, et qu'Auguste fit mourir lorsqu'il fut maître d'Alexandrie. Son attachement pour Cléopatre le retint en Egypte beaucoup plus long-temps que ses affaires ne le demandaient car, quoique tout fût réglé dans ce payslà dès la fin de janvier, il n'en partit que vers la fin du mois d'avril, puisque Appien dit qu'il y passa neuf mois; or il n'y était arrivé qu'à la fin du mois de juillet de l'année précédente.

Sueton. in

Jul. cap. 52.

César passa les nuits entières en festin avec Cléopatre. S'étant embarqué avec elle sur le Nil, il parcourut tout le pays avec une nombreuse flotte, et aurait pénétré jusque dans l'Éthiopie, si son armée n'eût refusé de le suivre. Il avait résolu de la mener à Rome et de l'épouser; et son dessein était de faire passer dans l'assemblée du peuple une loi, par laquelle il serait permis aux citoyens romains d'épouser telles et autant de femmes qu'il leur plairait. Helvius Cinna, tribun du peuple, avoua après sa mort qu'il avait eu une harangue toute prête pour proposer cette loi, n'ayant pu refuser son ministère aux vives sollicitations de César.

en

Il emmena à Rome Arsinoé, qu'il avait prise dans cette guerre, et elle marcha chargée de chaînes à son triomphe: mais, aussitôt après cette solennité, il la mit ́en liberté. Il ne lui permit pourtant pas de retourner Égypte, de peur que sa présence n'y causât de nouveaux troubles, et ne dérangeât l'ordre qu'il y avait établi. Elle choisit pour sa demeure la province d'Asie: du moins ce fut là que la trouva Antoine après la bataille de Philippe, et qu'il la fit mourir à la sollicitation de sa sœur Cléopatre.

Avant que de partir d'Alexandrie, César, pour reconnaître l'assistance qu'il avait reçue des Juifs, fit confirmer tous les priviléges dont ils jouissaient; et y fit élever une colonne sur laquelle il fit graver tous ces priviléges, avec le décret qui les confirmait.

Ce qui le tira enfin de l'Égypte, fut la guerre de Pharnace, roi du Bosphore cimmérien, et fils de Mithridate, dernier roi de Pont. Il lui donna une

pag. 731.

rande bataille près de la ville de Zéla1, défit toute son Plut. in Cæs. rmée, et le chassa du royaume de Pont. Pour marquer 1 rapidité de cette victoire, écrivant à un de ses amis, i ne mit que ces trois mots : veni, vidi, vici. C'est-àlire, « je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu. »

III. Cléopatre fait mourir son jeune frère, et règne seule. La mort de Jules-César ayant donné lieu au triumvirat formé entre Antoine, Lépide, et le jeune César, appelé aussi Octavien, Cléopatre se déclare pour les triumvirs. Elle va trouver Antoine à Tarse, se rend maitresse absolue de son esprit, et l'emmène avec elle à Alexandrie. Antoine va à Rome, où il épouse Octavie. Il se livre de nouveau à Cléopatre, et, après quelques expéditions, retourne à Alexandrie, où il entre en triomphe. Il y célèbre le couronnement de Cléopatre et de ses enfants. Rupture ouverte entre César et Antoine. Celui-ci répudie Octavie. Les deux flottes se mettent en mer: Cléopatre veut suivre Antoine. Combat naval près d'Actium. Cléopatre prend la fuite, et entraine après elle Antoine. La victoire de César est complète. Il se rend quelque temps après devant Alexandrie, qui ne fait pas une longue résistance. Mort tragique d'Antoine, puis de Cléopatre. L'Égypte est réduite en province de l'empire romain.

César, après la guerre d'Alexandrie, avait remis Cléopatre sur le trône; et, pour la forme seulement,

' Cette ville était dans la Cappadoce. = Dans le Pont.

- L.

Av. J. C. 43.

lui avait donné pour associé son frère, qui n'avait alors que onze ans. Pendant sa minorité, elle avait eu AN. M. 3961. toute l'autorité entre les mains. Quand il fut arrivé à Jos. Antiq. l'âge de quinze ans, qui était le temps où, selon les 1. 15, c. 4. lois du pays, il devait gouverner par lui-même, et prendre sa part de l'autorité royale, elle l'empoisonna, et demeura seule reine d'Égypte.

Porphyr.

p. 226.

Dans cet intervalle, César avait été tué à Rome, par les conjurés, à la tête desquels étaient Brutus et Cassius. Puis se forma le triumvirat entre Antoine, Lépide, et César Octavien, pour venger la mort de César. Cléopatre se déclara sans hésiter pour les triumvirs. Elle donna à Aliénus, lieutenant du consul Dolabella, 1. 5, p. 65. quatre légions, qui étaient les restes des armées de

Appian. 1. 3, pag. 576;

1. 4, p. 623625-632;

AN. M. 3962.

:

Pompée et de Crassus, et qui faisaient partie des troupes que César lui avait laissées pour la garde de l'Égypte. Elle avait aussi une flotte toute prête à faire voile mais la tempête l'empêcha de partir. Cassius se Av. J. C. 42. rendit maître de ces quatre légions. Cléopatre, sollicitée plusieurs fois par Cassius de lui donner du secours, le refusa constamment. Elle partit quelque temps après avec une flotte nombreuse pour aller secourir Antoine et Octavien. Une rude tempête lui fit périr beaucoup de vaisseaux, et une maladie qui lui survint l'obligea de retourner en Égypte.

AN. M. 3963. Antoine, après la défaite de Cassius et de Brutus à Av. J. C. 41. la bataille de Philippe, étant passé en Asie pour y

Plut. in An

éta

ton. p. 926- blir l'autorité du triumvirat, une foule de rois et de 932.

pag. 371.

Bell. Civ.

Dio, 1. 48, princes d'Orient ou d'ambassadeurs venaient de toutes Appian. de parts lui faire la cour. On lui dit que les gouverneurs 1. 5, p. 671. de la Phénicie, qui était du ressort du royaume d'Égypte, avaient envoyé du secours à Cassius contre Do

abella. Il cita Cléopatre devant lui pour répondre. u fait de ses gouverneurs, et lui envoya un de ses ieutenants pour l'obliger à le venir trouver dans la licie, où il allait tenir les états de la province. Cette démarche, par ses suites, devint extrêmement uneste à Antoine, et mit le comble à ses maux. Son mour pour Cléopatre ayant réveillé en lui des pasions encore cachées ou endormies, les alluma jusqu'à a fureur, et acheva d'éteindre et d'amortir quelques tincelles d'honnêteté et de vertu qui pouvaient lui

ester.

:

Cléopatre, sûre de ses charmes par l'épreuve qu'elle en avait déja faite si heureusement auprès de JulesCésar, espéra qu'elle pourrait aussi captiver Antoine très-facilement d'autant plus même que le premier ne l'avait connue que fort jeune encore, et lorsqu'elle n'avait aucune expérience du monde; au lieu qu'elle allait paraître devant Antoine dans un âge où les femmes joignent à la fleur de leur beauté toute la force de l'esprit pour manier et conduire les plus grandes affaires. Cléopatre avait alors plus de vingt-cinq ans. Elle fit donc provision de présents très riches, de grosses sommes d'argent, et surtout d'habits et d'ornements très-magnifiques; et mettant plus encore ses espérances en elle-même, dans ses traits, et dans les graces de sa personne, plus puissantes que toutes les parures et que l'or même, elle se mit en chemin.

Sur sa route elle reçut plusieurs lettres d'Antoine qui était à Tarse, et de ses amis, qui la pressaient de hâter son voyage: mais elle ne fit que rire de tous ces empressements, et n'en fit pas plus grande diligence. Après avoir traversé la mer de Pamphylie, elle entra

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