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AN. M. 3956.

Plut.

p. 659-662.

p. 730, 731.

§ II. Photin et Achillas, ministres du jeune roi, chassent Cléopatre. Elle lève des troupes pour se rétablir. Pompée, après avoir été vaincu à Pharsale, se retire en Égypte. Il y est assassiné. César, qui le poursuivait, arrive à Alexandrie, où il apprend et pleure sa mort. Il travaille à réconcilier le frère et la sœur, et pour cela mande Cléopatre, dont bientôt il devient épris. Il s'excite de grands mouvements dans Alexandrie, et il se donne plusieurs combats entre les Égyptiens et les troupes de César, où celui-ci remporte presque toujours l'avantage. Le roi ayant été noyé en prenant la fuite dans un combat naval, toute l'Égypte se soumet à César. Il met sur le trône Cléopatre avec son jeune frère, et retourne à

Rome.

On sait peu de chose du commencement du règne Av. J. C. 48. de Cléopatre et de son frère. Ce prince, encore miin Pomp. neur, était sous la tutelle de Photin l'eunuque, qui Id. in Cas. l'avait élevé, et d'Achillas, le général de son armée. Appian. de Ces deux ministres, apparemment pour se rendre seuls P. 480-484. maîtres des affaires, avaient ôté à Cléopatre, sous le de Bell. civ. nom du roi, la part de la souveraineté que le testaDio, 142, ment d'Aulète lui avait laissée. Maltraitée de la sorte, elle alla en Syrie et en Palestine pour y lever des troupes et pour faire valoir ses droits à main armée. Ptolémée n'avait alors que treize ans.

p.

Cæs. lib. 3,

p. 200-206.

C'est précisément dans cette conjoncture de la guerre

1 Le commencement du règne de Cléopatre est de l'année 52 avant J. C.-L.

entre le frère et la sœur, que Pompée, après avoir perdu la bataille de Pharsale, prit la route d'Égypte, comptant que dans son malheur il y trouverait un asyle ouvert et assuré. Il avait été le protecteur d'Aulète, père du roi régnant; ç'avait été uniquement le crédit de Pompée qui l'avait fait rétablir : il espérait trouver dans le fils de la reconnaissance, et en être assisté puissamment. Lorsqu'il arriva, Ptolémée était sur la côte avec son armée, entre Péluse et le mont Casius; et Cléopatre assez près de là, aussi à la tête de ses troupes. Pompée, en approchant de la côte, envoya demander à Ptolémée la liberté d'aborder et d'entrer

dans son royaume.

Les deux ministres, Photin et Achillas, consultèrent avec le rhéteur Théodote, précepteur du jeune roi, et avec quelques autres, quelle réponse on lui ferait. Cependant Pompée attendait le résultat de ce conseil, aimant mieux s'exposer à être le jouet de trois indignes personnages qui gouvernaient le prince, que de devoir son salut à César, qui était son beaupère, et le plus grand des Romains. Les avis furent partagés. Les uns voulaient le recevoir; d'autres voulaient lui faire dire de chercher ailleurs une retraite : Théodote n'approuva ni l'un ni l'autre de ces avis, et, déployant toute son éloquence, il entreprit de montrer qu'il n'y avait point d'autre parti à prendre que celui de s'en défaire. Sa raison était que, s'ils le recevaient, César ne leur pardonnerait jamais d'avoir assisté son ennemi; que, si on le renvoyait sans le secourir, et que ses affaires se rétablissent, il ne manquerait pas de se venger de leur refus; qu'ainsi il n'y avait de sûreté pour eux qu'en le faisant mourir. Par

là ils gagneraient l'amitié de César, et empêcheraient l'autre de leur faire jamais de mal; car, dit-il, en se servant du proverbe, les morts ne mordent point.

Cet avis prévalut, comme étant, selon eux, le plus sage et le plus sûr. Achillas, Septimius, officier romain au service du roi d'Égypte, et quelques autres, furent chargés de l'exécution. Ils allèrent prendre Pompée dans une chaloupe, sous prétexte que les grands vaisseaux ne pouvaient pas facilement approcher du bord. Les troupes étaient rangées sur le rivage comme pour faire honneur à Pompée, et avaient Ptolémée à leur tête. Le perfide Septimius tendit la main à Pompée au nom de son maître, l'exhortant de venir trouver un roi ami, qu'il devait regarder comme son pupille et son fils. Pompée se tourna alors du côté de Cornélie, sa femme, qui déja par avance pleurait sa mort; et après lui avoir dit ces vers de Sophocle, tout homme qui entre à la cour d'un tyran devient son esclave, quoiqu'il y soit entré libre, il passa dans la chaloupe. Quand ils se virent près du bord, ils le poignardèrent sous les yeux du roi, lui coupèrent la tête, et jetèrent le corps sur le rivage, où il n'eut d'autre sépulture que celle que lui donna un de ses affranchis, assisté d'un vieux Romain qui se trouva là par hasard. Ils lui firent un chétif bûcher, et se servirent pour cela des débris d'un vieux bâtiment qui avait échoué sur la côte.

Cornélie avait vu massacrer Pompée devant ses yeux. Il est plus facile de se représenter l'état d'une femme éplorée à la vue d'un si tragique spectacle que de le décrire. Ceux qui étaient avec elle dans sa galère et dans deux autres navires, voyant ce meurtre, jetèrent des cris qui firent retentir toute la côte; et levant

promptement les ancres, ils prirent la fuite, aidés par un vent frais qui leur souffla en poupe dès qu'ils eurent gagné la haute mer; ce qui fit que les Égyptiens, qui appareillaient pour les poursuivre, renoncèrent à ce dessein.

César ne tarda pas à arriver en Égypte, où il soupçonnait que Pompée s'était retiré, et où il espérait le trouver encore vivant. Pour faire plus de diligence, il n'avait amené que fort peu de troupes; savoir, huit cents chevaux, et trois mille deux cents fantassins; il avait laissé le reste de l'armée en Grèce, et dans l'Asie Mineure, sous ses lieutenants-généraux, qui avaient ordre de tirer de sa victoire tous les avantages qu'elle pouvait leur donner, et d'établir son autorité dans tous ces pays-là. Pour sa personne, se fiant sur sa réputation et sur le succès de ses armes à Pharsale, et comptant que tout lieu était sûr pour lui, il ne balança point à débarquer à Alexandrie avec le peu de monde qu'il avait. Cette confiance pensa lui coûter

cher.

A son arrivée, il apprit la mort de Pompée, et trouva la ville dans un grand trouble. Théodote, croyant lui faire un extrême plaisir, lui présenta la tête de cet illustre fugitif; il pleura en la voyant, et détourna les yeux d'un spectacle qui lui faisait horil la fit même enterrer avec toutes les solennités ordinaires. Pour mieux témoigner le cas qu'il faisait de Pompée, et le respect qu'il avait pour sa mémoire, reçut avec bonté et combla de bienfaits tous ceux

reur;

il

« Cæsar confisus famâ rerum gestarum, infirmis auxiliis proficisci non dubitaverat ; atque omnem si

bi locum tutum fore existimabat. » (Cæs.)

qui lui avaient été attachés, et qui se trouvèrent alors dans l'Égypte; et il écrivit à ses amis de Rome que le plus grand et le plus agréable fruit qu'il tirait de sa victoire, était de trouver chaque jour l'occasion de conserver la vie et de faire du bien à quelqu'un des citoyens qui avaient porté les armes contre lui.

le

Les mouvements augmentaient tous les jours à Alexandrie, et il s'y commettait beaucoup de meurtres, la ville étant sans règle et sans police, parce qu'elle était sans maître. César, voyant bien que petit nombre de troupes qu'il avait ne suffisait pas à beaucoup près pour tenir en respect une populace insolente et séditieuse, donna ordre qu'on fit venir d'Asie au plus tôt les légions qu'il y avait. Il ne lui était pas libre de sortir d'Égypte à cause des vents étésiens, qui, dans ce pays-là, durent pendant toute la canicule, et qui empêchaient qu'aucun vaisseau partît d'Alexandrie, parce qu'ils venaient alors directement du nord. Pour ne pas perdre son temps, il songea à demander le paiement de ce qui lui était dû par Aulète, et il s'appliqua à prendre connaissance du différend qui était entre Ptolémée et sa sœur Cléopatre.

Nous avons vu que, lorsque César était consul pour la première fois, Aulète l'avait gagné en lui promettant six mille talents ', et que par là il s'était fait confirmer sur le trône, et reconnaître pour ami et allié des Romains. Le roi ne lui avait payé qu'une partie de cette somme; et, pour le reste, il lui avait donné une obligation. César demanda donc ce reste, dont il avait besoin pour payer ses troupes, et l'exigeait avec

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