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ARTICLE II.

Ce second article contient l'histoire de trente - cinq ans, depuis le commencement du règne de Ptolémée Aulète jusqu'à la mort de Cléopatre, où finit le royaume d'Egypte; c'est-à-dire depuis l'an du monde 3939 jusqu'à l'an 3974.

§1. Ptolémée Aulète avait été mis sur le trône d'Égypte à la place d'Alexandre. Il se fait nommer ami et allié du peuple romain par le crédit de César et de Pompée, qu'il avait acheté bien cher. En conséquence il accable ses sujets d'impôts. Il est chassé du tróne. Les Alexandrins lui substi tuent Bérénice, sa fille. Il va à Rome, et gagne, à force d'argent, les suffrages des premiers de la république pour être rétabli. On lui oppose un oracle de la Sibylle, malgré lequel Gabinius le rétablit à main armée sur le trône, où il demeure jusqu'à sa mort. La fameuse Cléopatre sa fille lui succède, avec son frère encore tout jeune.

Nous avons

vu comment Ptolémée Aulète était AN. M. 3939. monté sur le trône d'Égypte. Alexandre, son prédé- Av. J.C. 65. cesseur, en ayant été chassé par ses sujets, s'était retiré à Tyr, où il mourut quelque temps après. Comme il ne laissait point d'enfants, ni aucun autre prince

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Sueton. in
Jul. Cæs.

cap. 54.

Dio Cass.

1. 39, p. 97.

Strab. 1. 17,

pag. 796.

légitime du sang royal, il avait fait le peuple romain son héritier. Le sénat, pour les raisons que j'ai rapportées, ne jugea pas alors à propos de prendre possession des états qui lui avaient été légués par le testament d'Alexandre; mais aussi, pour montrer qu'il ne renonçait pas à son droit, il résolut de recueillir une partie de la succession, et envoya des députés à Tyr pour demander quelques sommes que ce roi y avait laissées en mourant.

Les prétentions du peuple romain ne se prescrivaient point; et c'était un établissement mal assuré que de posséder un état où il croyait en avoir de si bien fondées, à moins qu'on ne trouvât quelque moyen de l'y faire renoncer : tous les autres rois d'Égypte avaient été amis et alliés de Rome. C'était un moyen sûr pour Ptolémée de se faire reconnaître authentiquement roi d'Égypte par les Romains, que de se faire déclarer leur allié; mais autant qu'il lui était important d'avoir cette qualité, autant lui était-il difficile de l'obtenir. La mémoire du testament de son prédécesseur était encore toute récente; et comme on ne pardonne point aux princes les défauts qui ne conviennent pas à leur condition, quoiqu'on leur en pardonne souvent de plus nuisibles, le surnom de joueur de flute celui-ci s'était attiré l'avait mis en aussi mauvaise

que

estime à Rome qu'en Égypte.

Il ne désespéra pourtant pas de venir à bout de son entreprise. Toutes les voies qu'il prit pour arriver à son but furent long-temps inutiles; et il y a apparence qu'elles l'auraient toujours été, si César n'eût jamais été consul. Cet esprit ambitieux, qui croyait bons tous les moyens et tous les expédients qui le conduisaient

à ses fins, accablé de dettes immenses, et trouvant ce
roi disposé à mériter, à force d'argent, ce qu'il ne pou-
vait obtenir de droit, lui vendit l'alliance de Rome
aussi chèrement qu'il la voulut acheter, et en reçut,
tant pour
lui que pour Pompée, dont le crédit lui fut
nécessaire pour y faire consentir le peuple, près de
six mille talents, c'est-à-dire près de dix-huit mil-
lions. A ce prix, il fut déclaré ami et allié du peuple

romain.

Av. J. C. 58.

Quoique ce prince tirât tous les ans de son royaume AN. M. 3946. plus de deux fois autant, il ne put trouver tout-àcoup cette somme sans surcharger extrêmement ses sujets. Ils étaient déja fort mécontents de ce qu'il n'avait pas voulu revendiquer l'île de Cypre comme un ancien apanage de l'Egypte, et, en cas de refus, déclarer la guerre aux Romains. Dans cette disposition, les levées extraordinaires de deniers qu'il était obligé de faire ayant achevé de les aigrir, ils se soulevèrent avec tant de violence, qu'il prit le parti de s'enfuir pour mettre sa vie en sûreté. Il cacha si bien sa route, qu'on crut en Égypte qu'il était péri, ou l'on feignit de le croire. On déclara reine à sa place l'aînée de trois filles qu'il avait, nommée Bérénice, quoiqu'il eût deux fils, parce qu'ils étaient beaucoup plus jeunes.

tone Utic.

P. 776.

Cependant Ptolémée ayant abordé à l'île de Rhodes, Plut. in Caqui était sur son chemin pour aller à Rome, apprit que Caton, qui, depuis sa mort, a été appelé dans T'histoire Caton d'Utique, y était arrivé aussi il y avait quelque temps. Ce prince, étant bien aise de conférer

1 Bérénice régna un an avec sa Suur Cléopatre Tryphène; celle-ci

mourut, et Bérénice resta seule à la
tête des affaires. - L.

avec lui sur ses affaires, le fit avertir aussitôt de sa venue, comptant qu'il ne tarderait point à le venir trouver. On va connaître ici la grandeur, ou plutôt la fierté romaine. Caton lui fit dire qu'il vînt lui-même le chercher, s'il voulait lui parler. Il y alla. Caton ne daigna pas se lever quand Ptolémée entra dans sa chambre; et le saluant comme un homme du commun, lui dit seulement de s'asseoir. Le roi, quoiqu'un peu troublé de cette réception, ne laissait pas d'admirer en lui-même comment tant de hauteur et de fierté pouvait s'accorder dans un même homme avec la simplicité et la modestie qui paraissaient dans son habillement et dans tout son équipage. Mais il fut bien plus surpris lorsque étant entré en matière, Caton le blåma ouvertement de ce qu'il quittait le plus beau royaume du monde pour aller s'exposer au faste et à l'avarice insatiable des grands de Rome, et souffrir mille indignités. Il ne feignit point de lui dire que, quand il vendrait toute l'Égypte, il n'aurait pas encore de quoi contenter toute leur avidité. Il lui conseilla donc de

retourner en Égypte Égypte et de s'y raccommoder avec ses sujets, ajoutant qu'il était prêt à y accompagner le roi, s'il le voulait, et lui offrant pour cela son entremise et ses bons offices.

Ro

. Ptolémée, à ce discours, revenu comme d'un songe, et ayant pensé mûrement à tout ce que le sage main lui avait dit, reconnut la faute qu'il avait faite de quitter son royaume, et songeait à y retourner. Mais les amis qu'il avait avec lui, gagnés par Pompée pour le faire aller à Rome (on devine bien dans quelles vues), le détournèrent de suivre le conseil de Caton. Il eut tout le temps de s'en repentir quand il se trouva

de

dans cette superbe ville, réduit à solliciter son affaire porte en porte chez chaque magistrat, comme un simple particulier..

César, sur qui il fondait sa principale espérance, ne s'y trouva pas il faisait la guerre dans les Gaules; mais Pompée, qui y était, le logea chez lui, et n'oublia rien pour le servir. Outre l'argent qu'il avait reçu de ce prince, conjointement avec César, Ptolémée avait depuis cultivé son amitié par divers services qu'il lui avait rendus dans la guerre de Mithridate, et lui avait entretenu huit mille chevaux à ses dépens dans celle de Judée. S'étant donc plaint au sénat de la rébellion de ses sujets, il demanda qu'on les remît sous son obéissance, ainsi que l'alliance qu'on lui avait accordée y obligeait les Romains. La faction de Pompée lui fit obtenir ce qu'il demandait. Le consul Lentulus, à qui la Cilicie, séparée de l'Égypte seulement par la côte de Syrie, était échue par le sort, fut chargé de rétablir Ptolémée sur le trône.

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Av. J. C. 57.

Mais, avant que son consulat fût achevé, les Égyp- AN. M. 3947. tiens, ayant appris que leur roi n'était pas mort comme ils le croyaient, et qu'il était allé à Rome, y envoyèrent une ambassade solennelle pour justifier leur révolte devant le sénat. Cette ambassade était composée de plus de cent personnes, dont le chef était un célèbre philosophe nommé Dion, qui avait à Rome des amis considérables. Ptolémée, en ayant eu avis, trouva le moyen de faire périr par le fer ou par le poison la plupart des ambassadeurs; et il intimida si fort ceux qu'il ne put corrompre ni faire tuer, qu'ils n'osèrent ni s'acquitter de leur commission, ni demander justice de tant de meurtres. Mais comme cette cruauté fut connue de tout

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