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avait étendue contre le temple en menaçant de le renverser, et on les mit sur une des tours de Jérusalem.

Judas, après cette victoire complète, ayant quelque relâche, envoya une ambassade à Rome. Il se voyait continuellement attaqué par toutes les forces de Syrie, sans pouvoir raisonnablement compter sur aucun traité de paix. Il ne pouvait attendre aucun secours des peuples voisins, qui, loin de s'intéresser à la conservation de la nation juive, ne songeaient, de concert avec les Syriens, qu'à l'exterminer. Il avait appris que les Romains, également estimés pour leur justice et leur valeur, étaient toujours prêts à soutenir les nations faibles contre l'oppression des rois dont la puissance leur causait de l'ombrage. Il songea donc à faire alliance avec ce peuple, pour se soutenir, par sa protection, contre les entreprises injustes des Syriens. Ces ambassadeurs furent très-bien reçus du sénat, et on y fit un décret par lequel on reconnaissait les Juifs pour amis et alliés des Romains, et on entrait avec eux dans une ligue défensive. Ils obtinrent même une lettre du sénat à Démétrius, par laquelle on lui enjoignait de ne plus tourmenter les Juifs, et on le menaçait de la guerre s'il continuait de le faire. Mais, avant que les ambassadeurs fussent de retour, Judas était mort.

Dès que Démétrius sut la défaite et la mort de Nicanor, il donna à Bacchide et à Alcime, pour la seconde fois, le commandement d'une puissante armée, qui était l'élite de toutes ses troupes, et les envoya en Judée. Judas n'avait que trois mille hommes avec lui quand elle y arriva. La terreur se mit si fort parmi eux, que tous l'abandonnèrent, à la réserve de huit cents hommes. Judas, avec ce petit nombre, par un excès de

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valeur et de confiance, eut la hardiesse de harsarder le combat contre cette nombreuse armée. Il y périt, accablé par le nombre. Sa perte fut pleurée dans tout Juda et à Jérusalem avec toutes les marques de la plus vive douleur. Le gouvernement fut remis entre les mains de Jonathas, frère de Judas.

Alcime étant mort après avoir commis de grandes violences contre les vrais Israélites, et Bacchide ayant repris le chemin d'Antioche, le pays demeura tranquille, et ne fut point tourmenté par les Syriens pendant deux ans. Apparemment que Démétrius avait reçu la lettre du sénat en faveur des Juifs, ce qui l'obligea de rappeler Bacchide.

En effet, Démétrius ménageait extrêmement les RoPolyb. Leg. mains dans ce temps-là, et se donnait de grands mouvements pour les engager à le reconnaître pour roi, et à renouveler le traité fait avec les rois ses prédécesseurs. Ayant appris que les Romains avaient trois ambassa deurs à la cour d'Ariarathe, roi de Cappadoce, il y envoya Ménochare, un de ses principaux ministres, pour entamer cette négociation. Trouvant à son retour, par le rapport qu'il lui fit de ce qui s'était passé, que les bons offices de ces ambassadeurs lui étaient absolument nécessaires pour y réussir, il renvoya encore en Pamphylie, et ensuite à Rhodes, les assurer qu'il se conformerait en tout à leur volonté; et à force de sollicitations pressantes, enfin, par leur moyen, il obtint ce qu'il voulait. Les Romains le reconnurent pour roi de Syrie, et renouvelèrent les traités faits avec cette

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couronne.

Pour cultiver leur amitié, il envoya l'année suivante Av. J. C. 159. le même Ménochare en ambassade à Rome, conjointe

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Diod. Leg.

25.

ment avec quelques autres. Ils furent chargés d'une Polyb. Leg. couronne pesant dix mille pièces d'or, dont il faisait Appian in présent au sénat, pour lui témoigner sa reconnaissance Syr. p. 118. des bons traitements qu'il en avait reçus pendant qu'il était en ôtage à Rome. Ils amenaient aussi avec eux Leptine et Isocrate, pour les leur livrer, à cause de l'assassinat d'Octavius. C'était ce Leptine qui l'avait tué à Laodicée. Isocrate était un Grec, grammairien de profession, qui, s'étant trouvé en Syrie dans ce temps-là, avait en toute occasion pris à tâche de justifier cette action également lâche et injuste. Le sénat reçut les ambassadeurs avec tous les honneurs ordinaires, et accepta le présent qu'ils apportaient : mais il ne voulut point entendre ni voir deux hommes vils, objets indignes de sa colère, se réservant sans doute le droit d'exiger, quand il lui plairait, une satisfaction plus éclatante pour le meurtre de son ambassadeur.

C'est à peu près dans ce temps-ci que Démétrius, comme je l'ai marqué auparavant, établit Holopherne sur le trône de Cappadoce. Il en fut bientôt chassé, et se réfugia à Antioche. Nous allons voir jusqu'où il porta l'ingratitude à l'égard de son bienfaiteur.

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Joseph.

Antiq. Jud.

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Démétrius, qui se trouvait sans guerre et sans occu- AN. M. 3850. pation, commençait à donner dans les plaisirs, et menait une vie oisive et d'une bizarrerie assez singu- lib. 13, c. 3. lière. Il fit bâtir un château près d'Antioche, flanqué Athen. 1. 10, de quatre bonnes tours. Il s'y renferma, pour s'aban- Justiu. 1. 35, donner tout entier, d'un côté à l'indolence, ne voulant plus entendre parler d'affaires, et de l'autre au plaisir de la bonne chère et aux excès du vin. Il était ivre

Elles valaient plus de dix mille pistoles. On ne sait ce qu'il faut entendre par ces pièces d'or. — L.

cap. 1.

Polyb. Leg.

Athen. 1. 5, pag. 211.

I Machab.

Joseph.

plus de la moitié du jour. Les requêtes qu'on voulait lui présenter n'étaient point reçues, la justice n'était point administrée, les affaires d'état languissaient; en un mot, c'était une suspension générale du gouvernement, qui souleva bientôt tous les esprits contre lui. Il se forma une conspiration pour le déposer. Holopherne, qui demeurait à Antioche, entra dans cette conjuration contre son bienfaiteur, se flattant de parvenir à la couronne, si l'entreprise réussissait. Elle fut découverte, et Holopherne mis en prison. Démétrius ne voulut pas lui ôter la vie. Il aima mieux le garder pour s'en servir dans l'occasion contre Ariarathe, roi de Cappadoce, sur la couronne de qui il avait des prétentions.

par

Malgré la découverte, la conjuration ne fut pas 138 et 140. éteinte. Les mécontents étaient soutenus sous main Appian. in Syr. P. 131. Ptolémée Philométor, qui avait sur le cœur les mouvements que s'était donnés Séleucus pour lui ôter l'île 10, 1-50. de Cypre, et par Attale et Ariarathe, qui cherchaient Antiq. 1. 13. à se venger de la guerre que Démétrius avait entreprise contre eux en faveur d'Holopherne. Ces trois princes, de concert, employèrent Héraclide pour dresser quelqu'un à jouer le personnage de fils d'Antiochus Épiphane, et pour le charger des prétentions héréditaires à la couronne de Syrie. Cet Héraclide avait été, comme je l'ai déja dit, un des grands favoris d'Antiochus Épiphane, et trésorier de la province de Babylone pendant que Timarque, son frère, autre favori, en était gouverneur. A l'avénement de Démétrius à la couronne, les deux frères ayant été convaincus de malversation et d'autres crimes, Timarque avait été exécuté, et l'autre, s'étant sauvé, était allé demeurer à

Rhodes. Ce fut là qu'il travailla à former l'homme qu'on voulait pour le dessein que j'ai marqué. Il choisit pour cela un jeune homme nommé Bala, de basse extraction, mais fort propre à jouer le rôle qu'on lui donnait. Il le façonna, l'instruisit bien de tout ce qu'il fallait dire et faire.

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Quand il fut bien dressé, il commença par le faire AN. M. 3851. reconnaître par les trois rois qui étaient du secret. Ensuite il le mène à Rome, et y mène aussi Laodice, fille véritable d'Antiochus Epiphane, afin de mieux couvrir l'imposture. A force de sollicitations et d'adresse, il l'y fait aussi reconnaître, et obtient un décret du sénat en sa faveur, qui non-seulement lui permet de retourner en Syrie pour recouvrer ses états, mais qui lui accorde même son assistance pour cet effet. Quoique le sénat vit fort bien l'imposture et que tout ce qu'on lui disait de ce prétendant n'était qu'une pure fiction, il entra dans tout ce qu'on voulut contre Démétrius, dont il était mécontent, et fit ce décret en faveur de l'imposteur. Avec cette déclaration des Romains pour lui, il n'eut pas de peine à trouver des troupes. Il se saisit de Ptolémaïde, dans la Palestine, et là, sous le nom d'Alexandre, fils d'Antiochus Epiphane, il prit le titre de roi de Syrie, et plusieurs des mécontents vinrent l'y trouver et se ranger autour de lui.

Cette nouvelle fit sortir Démétrius de son château et de son indolence pour songer à se défendre. Il assembla tout ce qu'il put de troupes. Alexandre, de son côté, armait aussi. L'assistance de Jonathas étant de grande conséquence dans cette conjoncture, les deux partis lui faisaient leur cour. Démétrius lui écrivit le premier, et lui envoya la commission de général des

Tome IX. Hist. anc.

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