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et sa vengeance. Il lui pardonna tout; et, non content d'oublier ses fautes, il lui rendit même la Libye et la Cyrénaïque, et y ajouta encore quelque dédommagement pour tenir place de l'île de Cypre qu'il retenait '. Cet acte de générosité mit fin à la guerre entre les deux frères. Elle ne recommença plus, et les Romains eurent honte de traverser plus long-temps un prince d'une clémence si extraordinaire. Il n'est point de lecteur qui ne rende secrètement un hommage d'estime et d'admiration à une action si généreuse. Ce sentiment, qui sort du fond de la nature, et qui prévient toutes les réflexions, marque quelle grandeur, quelle noblesse il y a dans l'oubli et le pardon des injures, et quelle bassesse d'ame dans le ressentiment d'un vindicatif.

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§ III. Octavius, ambassadeur des Romains en Syrie, y est tué. Démétrius se sauve de Rome, fait périr Eupator, monte sur le trône de Syrie, et prend le surnom de Soter. Il fait la guerre aux Juifs. Victoires réitérées de Judas Machabée : Mort de ce grand homme. Démétrius est reconnu roi par les Romains. Il s'abandonne aux plaisirs et à l'ivrognerie. Alexandre Bala forme contre lui une conspiration. Démétrius est tué dans un combat. Alexandre épouse la fille de Ptolémée Philométor. Temple báti par les Juifs en Égypte. Démétrius, fils du premier de ce nom, revendique le trône de Syrie. Alexandre périt. Ptolémée Philométor meurt en même temps.

Nous avons vu que le principal objet de la commission des trois ambassadeurs romains, Cn. Octavius, Sp. Lucrétius et L. Aurélius, qui passèrent d'abord en Égypte, avait été d'aller régler les affaires de la Syrie. Quand ils y furent arrivés, ils trouvèrent que le roi avait plus de vaisseaux et d'éléphants que le traité fait avec Antiochus-le-Grand après la bataille du mont Sipyle ne portait. Ils firent brûler les vaisseaux et tuer les éléphants qui se trouvèrent passer le nombre stipulé dans le traité, et réglèrent toutes les autres choses de la manière qui leur parut la plus avantageuse aux Romains. Ce traitement parut insupportable, et souleva l'esprit du peuple contre eux. Un nommé Leptine en fut si indigné, que de rage il se jeta sur Octavius1

Cet Octavius avait été consul quelques années auparavant, et il

était le premier de sa famille qui fût
parvenu à cet honneur (Cic. Phil. 9,

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Cic. Philip. 9,

n. 4.

pendant qu'il était au bain, et le tua. On soupçonna Lysias, régent du royaume, d'avoir trempé sous main dans cet assassinat. On envoya aussitôt des ambassadeurs à Rome pour justifier le roi, et protester qu'il n'avait eu aucune part à cet attentat. Le sénat les renvoya sans leur donner aucune réponse, pour marquer par ce silence combien il était indigné du meurtre commis dans la personne d'Octavius, dont il se réservait l'examen et la vengeance. Cependant, pour honorer sa mémoire, il lui érigea une statue parmi celles des grands hommes qui avaient versé leur sang pour la défense de la patrie.

Démétrius crut que le mécontentement des Romains contre Eupator était pour lui une conjoncture favorable dont il fallait profiter, et il s'adressa une seconde fois au sénat pour en obtenir la permission de retourner en Syrie. Il fit cette démarche contre l'avis de la plupart de ses amis, qui lui conseillaient de se sauver sans rien dire. L'événement lui fit bientôt connaître qu'ils avaient raison. Comme les mêmes raisons d'intérêt qu'avait eues d'abord le sénat de le retenir à Rome subsistaient toujours, il en reçut la même réponse, et eut la douleur d'essuyer un second refus. Alors il revint au premier conseil de ses amis; et Polybe l'historien, qui était alors à Rome, fut un de ceux qui le pressèrent le plus vivement de l'exécuter secrètement, mais promptement. Il le crut. Après avoir pris toutes ses mesures, il sortit de Rome sous prétexte d'une partie de chasse, se rendit à Ostie, et s'embarqua avec

n. 4). Octavius César, qui devint
empereur de Rome, si connu sous le
nom d'Auguste, était de la même

maison que cet Octavius, mais d'une autre branche, dans laquelle jamais le consulat n'était entré. ( SUÉTON.)

une petite suite dans un vaisseau carthaginois qui allait à Tyr et qui l'attendait '. Il se passa trois jours avant qu'on sût à Rome qu'il s'était dérobé par la fuite. Tout ce que put faire le sénat fut de députer, quelques jours après, Tib. Gracchus, L. Lentulus et Servilius Glaucia en Syrie, pour observer quel effet y produirait le retour de Démétrius.

Démétrius ayant débarqué à Tripoli en Syrie, le bruit se répandit que c'était le sénat qui l'avait envoyé prendre possession de ses états, et qu'il était bien résolu de l'y soutenir. Aussitôt on regarda Eupator comme un homme perdu, et tout le monde l'abandonna pour prendre le parti de Démétrius. Eupator et Lysias, arrêtés par leurs propres soldats, furent livrés au nouveau venu, qui les fit mourir. Ainsi Démétrius se trouva établi sur le trône sans opposition, et avec une rapidité prodigieuse.

Une des premières actions de son règne fut de délivrer les Babyloniens de la tyrannie de Timarque et d'Héraclide, qui avaient été les deux grands favoris d'Antiochus Épiphane. Il avait fait le premier gouverneur, et le second trésorier de cette province. Timarque ayant ajouté la rébellion à ses autres crimes, Démétrius le fit mourir. Il se contenta de bannir l'autre. Les Babyloniens eurent tant de joie de se voir délivrés de l'oppression de ces deux frères, qu'à cette occasion ils donnèrent à leur libérateur le titre de Soter, ou sauveur, qu'il porta toujours depuis.

Alcime, qu'Antiochus Eupator avait fait souverainsacrificateur des Juifs après la mort de Ménélas,

1 Ce vaisseau allait porter à Tyr, selon la coutume, les prémices des fruits et des revenus de Carthage.

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n'ayant pu être reçu parmi eux en cette qualité, parce qu'il avait souillé la sainteté du sacerdoce en suivant les usages profanes des Grecs sous Antiochus Épiphane, ramassa tous les Juifs apostats qui s'étaient réfugiés à Antioche après avoir été chassés de la Judée, et, se mettant à leur tête, il vint supplier le nouveau roi de les défendre contre la violence de Judas et de ses frères, avançant mille calomnies contre eux. Il les accusait d'avoir tué tous ceux du parti de Démétrius qui étaient tombés entre leurs mains, et de l'avoir contraint, avec tous ceux qui l'accompagnaient, d'abandonner leur pays pour chercher ailleurs leur sûreté. Démétrius ordonna sur-le-champ à Bacchide, gouverneur de la Mésopotamie, de marcher à la tête d'une armée dans la Judée; et, confirmant Alcime dans sa charge, il le joignit à Bacchide dans sa commission, par laquelle il les chargeait tous deux du soin de cette guerre. Judas dissipa tous les efforts de cette première armée, et d'une seconde commandée par Nicanor. Celui-ci, irrité de la dernière défaite des troupes de Syrie, et indigné de ce qu'une poignée de soldats osait tenir tête à des armées si nombreuses et si aguerries, et sachant qu'ils ne mettaient toute leur confiance pour la victoire que dans la protection du Dieu d'Israël et dans les promesses faites au temple où il était honoré, avait vomi mille blasphêmes contre le Dieu d'Israël et contre son temple. Il en fut bientôt puni. Judas lui livra une sanglante bataille; et de son armée, qui était de trente-cinq mille hommes, il ne s'en échappa pas un seul pour porter les nouvelles de la défaite à Antioche. Le corps de Nicanor fut trouvé parmi les morts. On lui coupa la tête et la main droite, qu'il

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