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LIVRE VINGT-TROISIÈME.

FIN DE L'HISTOIRE

DES SUCCESSEURS D'ALEXANDRE

Ce livre renferme deux articles, dont le premier contient l'histoire de Mithridate, roi de Pont; le second, les règnes de Ptolémée Aulète, et de la fameuse Cléopatre en Égypte, où se termine l'histoire grecque.

ARTICLE PREMIER.

Cet article comprend l'espace de soixante ans, qui est le temps qu'a duré le règne de Mithridate; et trois ans par-delà, depuis l'an du monde 3880 jusqu'à l'an 3943.

des

§ I. Mithridate, agé de douze ans, monte sur le trône de Pont. Il s'empare de la Cappadoce et de la Bithynie, en ayant chassé les rois. Les Romains les rétablissent. Il fait égorger en un méme jour tout ce qu'il y avait de Romains et d'Italiens dans l'Asie Mineure. Première guerre Romains contre Mithridate, qui s'était rendu maitre de l'Asie Mineure et de la Grèce, et avait pris Athènes. Sylla est chargé de cette guerre. Il assiége et reprend Athènes. Il gagne trois grandes batailles contre les généraux de Mithridate. Il accorde la paix à ce prince, la quatrième année de la guerre. Bibliothèque d'Athènes, où se trouvaient les ouvrages d'Aris tote. Sylla la fait porter à Rome.

Mithridate, roi de Pont, dont je commence à rapporter l'histoire, et qui s'est rendu si célèbre par la guerre qu'il soutint contre les Romains pendant près de trente ans, avait pour surnom Eupator. Il était d'une maison qui avait donné une longue suite de rois au royaume de Pont. Le premier fut, selon quelques historiens, Artabaze, un des sept princes qui tuèrent les mages, et mirent la couronne de Perse

sur la tête de Darius fils d'Hystaspe, qui lui donna pour récompense la souveraineté de Pont; mais, outre qu'entre les sept Perses on ne trouve point d'Artabaze, plusieurs raisons font croire que le prince dont nous parlons était fils de Darius, le même qui est nommé Artabazane, qui fut le concurrent de Xerxès pour le trône de Perse, et qui fut fait roi de Pont, ou par son père, ou par son frère, pour le consoler de la préférence donnée à Xerxès sur lui. Sa postérité a joui de ce royaume pendant dix-sept générations. Mithridate Eupator, dont il s'agit ici, était le seizième.

Memnon. in
Photii, c. 32.
Appian in

Excerpt.

Il n'avait que douze ans quand il commença à ré- AN. M. 3880. gner. Son père, avant que de mourir, l'avait nommé Av. J. C. 124. pour son successeur, et lui avait donné sa mère pour tutrice, qui devait gouverner conjointement avec lui. Il commença son règne par faire mourir sa mère et son frère; et la suite ne répondit que trop à ce commencement. On ne sait rien des premières années de son règne, si ce n'est qu'un des généraux romains, P. qu'il avait corrompu à force d'argent, lui ayant cédé en propre la Phrygie, et lui en ayant fait prendre possession, elle lui fut bientôt après ôtée par les Romains; ce qui commença à l'indisposer contre eux.

Mithrid.

177 et 178.

cap. 1 et 2.

Strab. 1. 12, p. 540. Plut. in Syl

la, p. 453.

Ariarathe, roi de Cappadoce, étant mort, Mithri- AN. M. 3913. date, qui l'avait fait assassiner, tua son fils aîné; Av. J. C. gr. chassa le second, qui mourut de chagrin; s'empara de la Cappadoce, et y mit un de ses enfants, encore jeune, à qui il donna le nom d'Ariarathe, sous la tutelle et la régence d'un nommé Gordius. Nicomède, roi de Bithynie, qui appréhenda que cet agrandissement de Mithridate ne le mît en état d'engloutir aussi avec le temps son domaine, s'avisa de faire d'un jeune

*

Appian.

in Mithrid.

p. 176.

homme, qui lui parut propre à jouer ce personnage, un troisième fils d'Ariarathe. Il engagea Laodice, qu'il avait épousée depuis la mort de son premier mari, à le reconnaître, et il l'envoya à Rome pour aider et soutenir par sa présence la demande de ce prétendu fils, qu'elle y avait mené avec elle. La cause ayant été exposée, les deux parties furent condamnées, et l'on fit un décret qui accordait aux Cappadociens la liberté; mais ils dirent qu'ils ne pouvaient pas se passer d'un roi : le sénat leur permit d'en choisir un tel qu'il leur plairait; ils choisirent Ariobarzane, homme de qualité de leur nation. Sylla, qui sortait de préture, fut charge de la commission de l'établir sur le trône. Ce fut là le prétexte qu'on prit pour cette expédition; mais le véritable sujet était de réprimer les entreprises de Mithridate, dont la puissance, qui prenait tous les jours de nouveaux accroissements, faisait ombrage aux RoAN. M. 3914. mains. Sylla exécuta sa commission l'année suivante; et, après avoir défait bon nombre de Cappadociens. et un plus grand nombre encore d'Arméniens qui étaient venus à leur secours, il chassa Gordius avec le prétendu Ariarathe, et mit à sa place Ariobarzane.

Av. J. C. go.

Pendant que Sylla était campé sur le bord de l'Euphrate, un Parthe, nommé Orobaze, député du roi Arsace, arriva dans son camp pour demander de faire alliance et amitié avec les Romains. Sylla, pour le recevoir à son audience, fit mettre dans sa tente trois siéges, un pour Ariobarzane qui était présent, l'autre pour Orobaze, et celui du milieu pour lui. Dans la suite, le roi des Parthes 1, irrité contre son député de

I C'était Mithridate II.

f

ce qu'il avait souffert cet orgueil romain, le fit mourir. C'est ici la première fois que les Parthes ont quelque commerce avec les Romains.

Mithridate n'osa pas s'opposer alors à l'établissement d'Ariobarzane; mais, dissimulant le chagrin que lui donna cette conduite des Romains, il résolut de prendre ત son temps pour en tirer vengeance. En attendant, il Songea à se fortifier par de bonnes alliances, et com

p. 531, 53.

mença par Tigrane, roi d'Arménie, qui était un prince Strab. 1. 11, très-puissant. L'Arménie avait d'abord appartenu aux Perses, puis était passée sous la domination des Macédoniens; et enfin, après la mort d'Alexandre, avait fait partie du royaume de Syrie. Sous Antiochus-leGrand, deux de ses généraux, Artaxius et Zadriadrès, s'établirent, avec la permission du prince, dans cette province, dont apparemment ils étaient gouverneurs. Après la défaite d'Antiochus, ils s'attachèrent aux Romains, qui les reconnurent pour rois. Ils avaient partagé l'Arménie en deux parties. Tigrane, dont il est ici parlé, descendait d'Artaxius; il s'empara de l'Arménie entière, soumit par les armes plusieurs des pays voisins, et forma ainsi un royaume très-puissant. Mithridate lui donna en mariage sa fille Cléopatre, et l'engagea à entrer dans son projet contre les Romains; jusque-là qu'ils réglèrent que Mithridate aurait pour sa part les villes et le pays dont on ferait la conquête, et Tigrane les personnes avec tous les effets qui se peuvent transporter.

fut

Av. J. C. 89.

La première entreprise et le premier acte d'hostilité AN. M. 3915. que Tigrane dépouilla Ariobarzane de la Cappadoce, dont les Romains l'avaient mis en possession, et y rétablit Ariarathe, fils de Mithridate. Nicomède, roi

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