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pres sujets, à qui il s'était rendu odieux, ou par bition de son frère Orode, s'adresse à Gabinius, qui commandait en Syrie, pour le rétablir sur le trône, mais inutilement. Il prend les armes pour se défendre. Assiégé dans Babylone, et vivement pressé, il se rend AN. M. 3940. à Orode, qui, ne considérant en lui qu'un ennemi et non un frère, le fait égorger. Par sa mort, Orode se vit possesseur paisible du trône.

Av. J. C. 55.

Av. J. C. 54.

Plut. in Crass.

Mais il eut bien de l'exercice au-dehors, à quoi il Ax. M. 3950 n'avait pas lieu de s'attendre. Crassus venait d'être créé consul à Rome pour la seconde fois avec Pompée. p. 552-554. Dans le département des provinces, la Syrie avait été donnée à Crassus, qui en témoigna une joie excessive par rapport au dessein qu'il avait d'aller porter la guerre contre les Parthes. Quand il était en compagnie, même de gens qu'il connaissait peu, il ne pouvait modérer ses transports. Parmi ses amis, avec lesquels il se contraignait moins, il allait jusqu'à des rodomontades tout-à-fait indignes de son âge, et même de son caractère, de sorte qu'on ne le reconnaissait plus. Il ne bornait pas ses vues au gouvernement de la Syrie, ni à la conquête de quelques provinces voisines, ni même à celle des Parthes, il se promettait de faire en sorte que les grandes actions de Luculle contre Tigrane, et celles de Pompée contre Mithridate, ne paraîtraient que des jeux d'enfants en comparaison des siennes; il dévorait déja en espérance la Bactriane et les Indes, et pénétrait jusqu'à l'océan le plus reculé et jusqu'à l'extrémité de l'Orient. Cependant, dans les pouvoirs qui lui furent donnés, la guerre contre les Parthes n'était nullement comprise; mais tout le monde

savait que c'était là sa grande passion. Un tel début n'annonce rien d'heureux.

Son départ eut encore quelque chose d'un plus funeste augure. Un des tribuns, nommé Atéius, menaça de s'opposer à sa sortie; et beaucoup de gens se joignirent à lui, ne pouvant souffrir qu'on allât de gaîté de cœur faire la guerre à des peuples qui n'avaient fait aucun tort aux Romains, et qui étaient leurs amis et leurs alliés. En effet, ce tribun, s'étant inutilement opposé au départ de Crassus, prit le devant, courut à la porte de la ville par où il devait sortir, mit à terre un brasier plein de feu; et dès que Crassus fut arrivé vis-à-vis, il jeta dans ce brasier des parfums, y versa des libations, et prononça dessus des imprécations terribles, qu'on ne peut entendre sans frémir d'horreur, et dont les malheurs de Crassus ont été regardés par bien des écrivains comme l'accomplissement.

Rien ne put l'arrêter. Il continua sa route, arriva à Brunduse; et quoique la mer fût encore dangereuse, il s'embarqua, et perdit beaucoup de vaisseaux dans son passage. Ayant rassemblé ses troupes, il continua sa marche; lorsqu'il fut arrivé en Galatie, il trouva le roi Déjotarus, qui était fort avancé en âge, et qui ne laissait pas de bâtir une nouvelle ville, sur quoi Crassus, raillant, lui dit : Roi des Galates, vous vous prenez bien tard à bâtir une ville vers la douzième heure du jour1. Et vous-même, seigneur, lui répondit Déjotarus, vous ne vous êtes pas pris trop matin à aller faire la guerre aux Parthes : car alors Crassus avait soixante ans passés, et son visage le faisait paraître encore plus vieux qu'il n'était.

La douzième heure était la fin du jour.

Il avait ouï dire qu'il y avait dans le temple de Jéru- Jos. Antiq. salem des trésors considérables auxquels Pompée n'a- 1. 14, e. 12. vait point osé toucher. Il crut que la chose valait bien la peine qu'il se détournât un peu de son chemin pour aller s'en rendre maître; il y passa donc avec son armée. Outre les autres richesses, qui allaient à des sommes très-considérables, il y avait une poutre d'or enfermée et cachée dans une poutre de bois creusée à dessein: ce qui n'était connu que du seul prêtre Éléazar, qui avait la garde des trésors du lieu saint. Cette poutre dor pesait trois cents mines, dont chacune pesait deux livres et demie. Éléazar, qui avait appris le sujet du voyage de Crassus à Jérusalem, pour sauver les autres richesses, qui étaient presque toutes des dépôts des particuliers, découvrit à Crassus la poutre d'or, et lui permit de l'emporter, après avoir tiré de lui serment qu'il ne toucherait point au reste. Ignorait-il qu'il n'y avait rien de sacré pour l'avarice? Crassus prit la poutre d'or, et n'en pilla pas moins les autres trésors, qui montaient à trente millions. Puis il continua son Voyage.

Tout lui réussit d'abord aussi heureusement qu'il l'avait pu espérer. Il construisit un pont sur l'Euphrate sans aucun obstacle, y fit passer son armée, et entra sur les terres des Parthes; il allait les attaquer sans autre sujet réel de guerre que l'envie insatiable de s'enrichir du pillage d'un pays qui passait pour être extrêmement opulent. Les Romains sous Sylla, et ensuite Sous Pompée, avaient fait la paix et plusieurs traités avec eux. On ne s'était jamais plaint d'aucune infraction ni d'aucune autre entreprise qui pût donner un juste sujet de guerre: ainsi les Parthes ne s'attendaient

Tome IX. Hist. anc.

II

à rien moins qu'à une pareille invasion, et, n'étant point sur leurs gardes, ils n'avaient rien de prêt à y op poser. Crassus fut donc maître de la campagne, et parcourut sans obstacle la plus grande partie de la Mésopotamie. Il prit aussi sans opposition plusieurs villes; et s'il eût su profiter de l'occasion, il lui eût été facile de percer jusqu'à Séleucie et à Ctésiphon, de s'en emparer et de se rendre maître encore de toute la Babylonie, aussi-bien que de la Mésopotamie. Mais au lieu de pousser sa pointe, dès que l'automne fut venu, après avoir laissé en garnison sept mille hommes de pied et mille chevaux pour s'assurer des villes qui s'étaient rendues, il repassa l'Euphrate, et mit ses troupes en quartier d'hiver dans les villes de la Syrie, où il ne s'occupa qu'à amasser des richesses et à piller des temples.

Il y fut joint par son fils, que César lui envoyait des Gaules; jeune homme qui avait déja été honoré de plusieurs prix d'honneur que les généraux donnent à ceux qui se sont distingués par leur courage, et qui lui amenait mille cavaliers choisis.

De toutes les fautes que Crassus fit dans cette expédition, qui furent toutes considérables, la plus grande, sans contredit, après celle d'avoir entrepris cette guerre, fut ce prompt retour en Syrie: car il devait passer outre sans s'arrêter, et s'emparer de Babylone et de Séleucie, villes toujours ennemies des Parthes; au lieu que, par ce retour, il donna aux ennemis le temps de se préparer, ce qui fut la cause de sa

ruine.

Dans le temps qu'il rassemblait toutes ses troupes de leurs quartiers d'hiver, il lui arriva des ambassadeurs du roi des Parthes, qui lui exposèrent en peu de

mots leur commission. Ils lui dirent que, si cette armée était envoyée par les Romains contre les Parthes, ce serait une guerre qu'aucun traité de paix ne pourrait terminer, et qui ne finirait que par la ruine totale des uns ou des autres : que si, comme ils l'avaient ouï dire, c'était Crassus seul qui, contre le sentiment de sa patrie, et pour assouvir son avarice particulière, avait pris les armes contre eux, et était entré dans une de leurs provinces, le roi leur maître voulait bien user de sa modération en cette rencontre, avoir pitié de la vieillesse de Crassus, et laisser aller vies et bagages sauves les Romains qui étaient dans ses états, plutôt enfermés que gardant des villes. Il parlait sans doute des garnisons que Crassus avait laissées dans les places conquises. Crassus ne répondit à ce discours que par une rodomontade. Il leur dit qu'il leur ferait entendre sa réponse dans la ville de Séleucie. Sur quoi le plus âgé des ambassadeurs, nommé Vahisès, se prenant à rire, et lui montrant la paume de sa main, lui dit: Crassus, tu verras plus tôt naître du poil dans le creux de ma main que tu ne verras Séleucie. Ces ambassadeurs se retirèrent et allèrent annoncer à leur roi qu'il fallait se préparer à la guerre.

lui faire

Aussitôt que la saison le permit, Crassus se mit en campagne. Les Parthes avaient eu le temps, pendant l'hiver, d'assembler une fort grosse armée pour tête. Orode, leur roi, partagea ses troupes, et marcha en personne avec une partie vers les frontières de l'Arménie : il envoya l'autre dans la Mésopotamie, sous le commandement de Suréna. Ce général reprit, en y entrant, plusieurs des places dont Crassus s'était rendu maître l'année d'auparavant.

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