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desperatione quo velint evadendi, protinus circa ima substi

terint.

Je finis cette espèce d'instruction par deux avis, qui ne lui seront peut-être pas moins utiles que tous les autres.

Le premier est de s'accoutumer à ne point parler, même dans le commerce ordinaire du monde, sans avoir une idée claire de ce qu'il dit, et sans être attentif à l'exprimer exactement. Rien n'est plus ordinaire que de voir des hommes de tout âge parler avant que d'avoir pensé, et manquer du talent le plus nécessaire de tous, qui est de savoir dire en effet ce qu'ils veulent dire. Le seul moyen d'éviter un si grand défaut est de prendre dans la jeunesse l'habitude de ne dire que ce que l'on conçoit, et de le dire de la manière la plus propre à le faire concevoir aux autres. On apprendra par là à parler toujours juste, et à prévenir une certaine précipitation qui confond les idées, et qui est la source de tous les paradoxes et de toutes les disputes que la conversation fait naître entre des gens qui ne se battent que parce qu'ils ne s'entendent pas les uns les autres.

Le second est de ne pas croire qu'il ne faille s'expliquer correctement que quand on parle en public. La facilité de le faire dans un grand auditoire, sans le secours de la mémoire, ne s'acquiert parfaitement qu'en s'accoutumant, dans les conversations les plus communes, à suivre exactement les règles de la langue, à ne se permettre aucune faute, aucune expression mauvaise ou impropre, et à se réformer même sur-le-champ lorsqu'il en échappe. Parler correctement, parler proprement, c'est l'ouvrage de l'habitude; et l'habitude ne se forme que par des actes réitérés et presque continuels.

Je désire donc à notre jeune orateur, sur ce point comme sur tous les autres, le don de la persévérance; et il méritera de l'obtenir, s'il s'applique à s'instruire par principe de devoir, et surtout dans cet esprit de religion qui doit animer tous nos travaux, qui en adoucit la peine, et qui peut seul les rendre véritablement utiles.

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D'UNE INSTITUTION AU DROIT PUBLIC.

Il y a dans ce titre deux termes qui paraissent avoir besoin d'être détinis ou expliqués chacun séparément, pour donner d'abord une juste idée de ce qui doit être l'objet de cet essai.

Le droit considéré en général est le premier de ces termes.

Le droit public est le second, et son objet est moins étendu que celui du premier.

PREMIÈRE PARTIE.

DROIT CONSIDÉRÉ EN GÉNÉRAL.

Définitions.

1. Ce que l'on appelle le droit considéré en général n'est autre chose, par rapport à l'objet présent, que l'assemblage ou la suite des règles par lesquelles nous devons faire le discernement de ce qui est juste et de ce qui ne l'est pas, pour nous conformer à l'un et nous abstenir de l'autre.

11. Le caractère général de toutes ces règles, ou ce qu'elles ont de commun, est qu'elles tendent également à diriger la conduite d'un être intelligent qui ne doit pas vivre au hasard, et à qui la raison a été donnée pour être comme sa première loi. Il est donc évident que toutes ses actions doivent avoir un motif raisonnable; et il ne l'est pas moins que ces règles ne lui sont données que pour le conduire à sa perfection et à son bonheur.

1. Tel est en effet le véritable objet de tout ce qui porte le nom de droit, soit qu'on applique ce terme à tous les hommes considérés en général comme formant la société universelle du genre humain, soit qu'on le renferme dans ces sociétés moins nombreuses qu'on appelle nation, royaume ou république; soit enfin qu'on restreigne

encore plus le terme de droit, en le bornant à ce qui regarde les intérêts des particuliers.

IV. Lorsqu'on s'arrête à la première espèce de droit, c'est-à-dire, à ces règles qui sont communes à tous les hommes, parce qu'elles ont pour fin la perfection et le bonheur de l'humanité considérée en elle-même, on les appelle droit naturel, comme si l'on disait, droit que la nature, ou plutôt la raison, ou, pour parler encore plus correctement, que l'auteur de la nature et de la raison dicte également à tous les hommes.

v. Si l'on passe au second objet, c'est-à-dire, à ces sociétés moins étendues qui forment les nations, les royaumes, les républiques, on y découvre sans peine l'origine du second terme qu'on a cru devoir définir c'est celui de droit public, et l'on aperçoit aussi aisément la raison qui lui a fait donner ce nom.

:

Comme le droit naturel se rapporte essentiellement à la perfection et au bonheur de la grande société du genre humain, de même le droit public a pour objet direct et immédiat la perfection et le bonheur de chacune de ces sociétés moins nombreuses, dont les différentes nations ou les divers États sont composés, et c'est ce qui caractérise véritablement le droit qu'on appelle public.

vi. Mais ces sociétés doivent être envisagées dans deux différents points de vue.

On peut les regarder d'abord comme les membres principaux de ce grand corps qui renferme tous les hommes; et, en les considérant de cette manière, on conçoit aisément qu'elles ont des règles à observer entre elles, ou des devoirs réciproques à remplir, si elles veulent assurer leur perfection et leur bonheur.

Mais on peut aussi n'envisager ces grandes sociétés qu'au dedans d'elles-mêmes, en tant qu'elles forment un corps distinct et séparé de tous les autres, dans lequel ceux qui vivent sous la même domination sont assujettis aux mêmes lois ; et si on les regarde dans cette vue comme ne formant qu'un seul tout, cette partie du droit public a encore pour objet la perfection et le bonheur du corps entier. vii. On doit donc distinguer deux sortes de droit public :

La première est le droit public extérieur, ou le droit que les différents États doivent suivre entre eux pour leur perfection et leur félicité commune ; et c'est ce que l'on doit nommer proprement le droit des gens (jus gentium), le droit des nations, qu'il serait peut-être encore mieux d'appeler le droit entre les nations (jus inter gentes).

La seconde espèce de droit public est le droit public intérieur, qui

est propre à chaque État, et qui tend à la perfection et à la félicité dont il est capable.

VIII. Enfin, si l'on prend le terme de droit dans le sens le plus limité, c'est-à-dire, comme ne contenant que les règles qui doivent avoir lieu entre les membres de chaque État, dans les différentes relations qu'ils ont entre eux, ou dans les divers engagements qu'ils contractent les uns avec les autres, on donne à ce droit le nom de droit privé, parce qu'il a pour objet direct l'intérêt particulier de ceux qui vivent sous la même domination, plutôt que le bien de tout le corps, quoiqu'il doive toujours s'y rapporter.

Ix. Il ne reste plus, après toutes ces définitions, que d'appliquer à la France la notion générale que l'on vient de donner du droit public. Ainsi le droit public extérieur de ce royaume est le droit qu'il doit observer avec les nations voisines ou avec celles qui ont avec lui des relations de commerce ou d'autres semblables; et le droit public intérieur de la France est le droit qui est établi dans cet État pour le bien commun, ou, ce qui revient au même, pour la perfection et la félicité de la nation et de la monarchie.

x. Il est fort important de remarquer ici, en achevant ces définitions, que toutes les espèces de droit dont on vient de parler renferment toujours un mélange de ce droit naturel et primitif, qui est la source et le fondement de toutes les lois. On peut dire même que, comme les principes du droit public ont un rapport plus direct et plus immédiat avec le bonheur des hommes que les règles qui ne regardent que le droit privé, il y a encore plus de droit naturel dans l'un que dans l'autre ; et c'est par cette raison que les souverains qui ne suivent pas, les uns à l'égard des autres, les règles que l'auteur de notre être impose à tous les hommes, pèchent encore plus contre le droit naturel que les particuliers qui s'en éloignent dans leur conduite.

Ainsi le droit public, étant principalement fondé sur le droit naturel, il est nécessaire de se former d'abord une notion générale de ce droit primitif, avant que de traiter du droit public, qui n'en est qu'une émanation.

Notions générales du droit naturel.

1. S'il y a un droit qui mérite véritablement ce nom (comme on ne saurait en douter, et comme l'on en sera encore plus convaincu par l'exposition même de ce droit), il doit consister uniquement dans des règles que la raison enseigne à tout homme exempt de passion,

et attentif à envisager de sang-froid ce qui tend à sa perfection et à son bonheur; ou, si l'on veut exprimer la même pensée d'une autre manière, on peut dire que le droit naturel consiste dans ces lois primitives qui, étant également reconnues par tous les hommes, même par ceux qui les violent, sont regardées avec raison comme gravées dans le fond de notre être par la main de son auteur.

De là vient que ce droit a été encore appelé un droit commun à toutes les nations. Il n'en est aucune qui n'ait une idée du juste et de l'injuste, qui n'approuve et ne loue les actions conformes à cette idée, qui ne blâme et qui ne punisse même les actions contraires. Il n'est aussi aucun homme qui ne soit content de lui-même, lorsqu'il a suivi les règles de l'équité naturelle; qui n'en soit mécontent, au contraire, lorsqu'il a blessé ces règles, et qui n'en soit bientôt puni par le trouble de son âme et par un remords vengeur qui suit promptement le crime, et qui est comme le premier tourment du coupable. C'est ainsi que tous rendent témoignage à ce droit su périeur à tout autre, qui est né, pour ainsi dire, avec nous, et qui a précédé tous les préceptes et toutes les lois.

II. Mais en quoi consistent les règles de ce droit naturel? C'est ce qu'on ne saurait bien expliquer qu'après avoir ébauché un léger tableau de l'état de l'homme dans ce monde.

III. Placé par une main invisible et toute-puissante entre Dieu qui l'a créé, et d'autres êtres qui lui sont égaux, il s'aperçoit aisément qu'il y a trois objets principaux auxquels se rapportent toutes ses pensées, tous ses désirs, toutes ses actions.

Le premier est Dieu, auteur et dernière fin de son être.

Le second est lui-même, dont il se fait souvent une espèce de divinité, en rapportant tout à lui par un amour-propre qui devrait le conduire à son véritable bonheur, s'il était bien réglé, et qui fait ordinairement son malheur parce qu'il ne l'est pas.

Il trouve son troisième objet dans ses semblables, c'est-à-dire, dans les autres hommes avec qui il est lié, comme ils le sont avec lui par une espèce d'inclination naturelle, et même par des besoins réciproques.

IV. Lorsque l'homme se considère dans ces trois points de vue, il n'a pas besoin de maître pour sentir que sa félicité dépend de la manière dont il se conduit à leur égard, et qu'il ne peut être heureux qu'autant qu'il est bien avec Dieu, avec lui-même, avec ses semblables.

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