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Nous les avons, ces préceptes divins: et quels préceptes pour le sage! et que! tableau pour le poëte!

Voyez cet homme qui descend de ces hauteurs brûlantes. Ses mains soutiennent une table de pierre sur sa poitrine, son front est orné de deux rayons de feu, son visage resplend? des gloires du Seigneur, la terreur de Jéhovah le précède à l'horizon se déploie la chaîne du Liban avec ses éternelles neiges et ses cèdres fuyant dans le ciel. Prosternée au pied de la montagne, la postérité de Jacob se voile la tête dans la crainte de voir Dieu et de mourir. Cependant les tonnerres se taisent, et voici venir une voix :

Écoute, ô toi, Israël, moi Jéhovah, tes Dieux', qui t'ai tiré de la terre de Mitzraïm, de la maison de servitude.

4. Il ne sera point à toi d'autres Dieux devant ma face. 2. Tu ne feras point d'idole par tes mains, ni aucune image de ce qui est dans les étonnantes eaux supérieures, ni sur la terre au-dessous, ni dans les eaux sous la terre. Tu ne t'inclineras point devant les images, et tu ne les serviras point; car moi, je suis Jéhovah, tes Dieux, le Dieu fort, le Dieu jaloux, poursuivant l'iniquité des pères, l'iniquité de ceux qui me haïssent, sur les fils de la troisième et de la quatrième génération, et je fais mille fois grâce à ceux qui m'aiment et qui gardent mes commandements. 3. Tu ne prendras point le nom de Jéhovah, tes Dieux, en vain; car il ne déclarera point innocent celui qui prendra son nom en vain.

4. Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier. Six jours tu travailleras, et tu feras ton ouvrage, et le jour septième de Jéhovah, tes Dieux, tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton chameau, ni ton hôte, devant tes portes; car en six

4. On donne le Décalogue mot à mot de l'hébreu, à cause de cette expression, tes Dieux, qu'aucune version n'a rendue.

jours Jéhovah fit les merveilleuses eaux supérieures', et la terre et la mer, et tout ce qui est en elles, et se reposa le septième or Jéhovah le bénit et le sanctifia.

5. Honore ton père et ta mère, afin que tes jours soient longs sur la terre, et par delà la terre que Jéhova, tes Dieux, t'a donnée.

6. Tu ne tueras point.

7. Tu ne seras point adultère.

8. Tu ne voleras point.

9. Tu ne porteras point contre ton voisin un faux témoignage.

10. Tu ne désireras point la maison de ton voisin, ni la femme de ton voisin, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni rien de ce qui est à ton voisin.

Voilà les lois que l'Éternel a gravées, non-seulement sur la pierre de Sinaï, mais encore dans le cœur de l'homme. On est frappé d'abord du caractère d'universalité qui distingue cette table divine des tables humaines qui la précèdent. C'est ici la loi de tous les peuples, de tous les climats, de tous les temps. Pythagore et Zoroastre s'adressent à des Grecs et à des Mèdes; Jéhovah parle à tous les hommes on reconnaît ce père toutpuissant qui veille sur la création et qui laisse également tomber de sa main le grain de blé qui nourrit l'insecte et le soleil qui l'éclaire.

Rien n'est ensuite plus admirable, dans leur simplicité pleine de justice, que ces lois morales des Hébreux. Les païens ont recommandé d'honorer les auteurs de nos jours: Solon décerne la mort aux mauvais fils. Que fait Dieu ? il promet, la vie à la

4. Cette traduction est loin de donner une idée de la magnificence du texte. Shumajim est une sorte de cri d'admiration, comme la voix d'un peuple qui, en regardant le firmament, s'écrierait: Voyez ces eaux miraculeuses suspendues en voûte sur nos tétes! ces dômes de cristal et de dia. mant! On ne peut rendre en français, dans la traduction d'une loi, cette poésie qu'exprime un seul mot.

piété filiale. Ce commandement est pris à la source même de la nature. Dieu fait un précepte de l'amour filial, il n'en fait pas un de l'amour paternel; il savait que le fils, en qui viennent se réunir les souvenirs et les espérances du père, ne serait souvent que trop aimé de ce dernier mais au fils il commande d'aimer, car il connaissait l'orgueil et l'inconstance de la jeu

nesse.

A la force du sens interne se joignent, dans le Décalogue, comme dans les autres œuvres du Tout-Puissant, la majesté et la grâce des formes. Le Brahmane exprime lentement les trois présences de Dieu; le nom de Jéhovah les énonce en un seul mot; ce sont les trois temps du verbe étre, unis par une combinaison sublime : havah, il fut; hovah, étant, ou il est; et je, qui, lorsqu'il se trouve placé devant les trois lettres radicales d'un verbe, indique le futur, en hébreu, il sera.

Enfin, les législateurs antiques ont marqué dans leurs codes les époques des fêtes des nations; mais le jour du repos d'Israël est le jour même du repos de Dieu. L'Hébreu, et son héritier le Gentil, dans les heures de son obscur travail, n'a en moins devant les yeux que la création successive de l'univers. La Grèce, pourtant si poétique, n'a jamais songé à rapporter les soins du laboureur ou de l'artisan à ces fameux instants où Dieu créa la lumière, traça la route au soleil, et anima le cœur de l'homme.

Lois de Dieu, que vous ressemblez peu à celles des hommes! Éternelles comme le principe dont vous êtes émanées, c'est en vain que les siècles s'écoulent; vous résistez aux siècles, à la persécution et à la corruption même des peuples. Cette législation religieuse, organisée au sein des législations politiques (et néanmoins indépendante de leurs destinées), est un grand prodige. Tandis que les formes des royaumes passent et se modifient, que le pouvoir roule de main en main au gré du sort, quelques chrétiens, restés fidèles au milieu des inconstances de la fortune, continuent d'adorer le mème Dieu, de se soumettre aux mêmes lois, sans se croire dégagés de leurs

liens par les révolutions, le malheur et l'exemple. Quelle religion dans l'antiquité n'a pas perdu son influence morale en perdant ses prêtres et ses sacrifices? Où sont les mystères de l'antre de Trophonius et les secrets de Cérès-Éléusine? Apollon n'est-il pas tombé avec Delphes, Baal avec Babylone, Sérapis avec Thèbes, Jupiter avec le Capitole? Le christianisme seul a souvent vu s'écrouler les édifices où se célébraient ses pompes sans être ébranlé de la chute. Jésus-Christ n'a pas toujours eu des temples, mais tout est temple au Dieu vivant, et la maison des morts, et la caverne de la montagne, et surtout le cœur du juste; Jésus-Christ n'a pas toujours eu des autels de porphyre, des chaires de cèdre et d'ivoire, et des heureux pour serviteurs; mais une pierre au désert suffit pour y célébrer ses mystères, un arbre pour y prêcher ses lois, et un lit d'épines pour y pratiquer ses vertus.

LIVRE TROISIÈME.

VÉRITÉS DES ÉCRITURES; CHUTE DE L'HOMME.

CHAPITRE PREMIER. - SUPERIORITE DE LA TRADITION DE MOISE SUR TOUTES LES AUTRES COSMOGONIES.

Il y a des vérités que personne ne conteste, quoiqu'on n'en puisse fournir des preuves immédiates : la rébellion et la chute de l'esprit d'orgueil, la création du monde, le bonheur primitif et le péché de l'homme, sont au nombre de ces vérités. Il est impossible de croire qu'un mensonge absurde devienne une tradition universelle. Ouvrez les livres du second Zoroastre, les dialogues de Platon et ceux de Lucien, les traités moraux de Plutarque, les fastes des Chinois, la Bible des Hébreux, ies Edda des Scandinaves; transportez-vous chez les nègres de l'Afrique ou chez les savants prêtres de l'Inde tous vous feront le récit des crimes du dieu du mal; tous vous peindront

les temps trop courts du bonheur de l'homme et les longues calamités qui suivirent la perte de son innocence.

Voltaire avance quelque part que nous avons la plus mauvaise copie de toutes les TRADITIONS sur l'origine du monde et sur les éléments physiques et moraux qui le composent. Préfère-t-il donc la cosmogonie des Égyptiens, le grand œuf ailé des prétres de Thèbes ? Voici ce que débite gravement le plus ancien des historiens après Moïse :

« Le principe de l'univers était un air sombre et tempêtueux, un vent fait d'un air sombre et d'un turbulent chaos. Ce principe était sans bornes, et n'avait eu pendant longtemps ni limite ni figure. Mais quand ce vent devint amoureux de ses propres principes, il en résulta une mixtion, et cette mixtion fut appelée désir ou amour. Cette mixtion, étant complète, devint le commencement de toutes choses; mais le vent ne connaissait point son propre ouvrage, la mixtion. Celle-ci engendra à son tour, avec le vent son père, mót ou le limon, et de celui-ci sortirent toutes les générations de l'univers1. »

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Si nous passons aux philosophes grecs, Thalès, fondateur de la secte Ionique, reconnaissait l'eau comme principe universel. Platon prétendait que la Divinité avait arrangé le monde mais qu'elle n'avait pu le créer. Dieu, dit-il, a formé l'univers d'après le modèle existant de toute éternité en lui-même. Les objets visibles ne sont que les ombres des idées de Dieu, seules véritables substances. Dieu fit en outre couler un souffle de sa vie dans les êtres. Il en composa un troisième principe à la fois esprit et matière, et ce principe est appelé l'âme du monde.

Aristote raisonnait comme Platon sur l'origine de l'univers ; mais il imagina le beau système de la chaîne des êtres ; et remontant d'action en action, il prouva qu'il existe quelque part un premier mobile.

Zénon soutenait que le monde s'arrangea par sa propre éner

4 SANCH. ap. EUSEB. Præpar. Evang., lib. I, cap. x.

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