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a plus (et c'est ici la merveille), il sera récompensé d'avoir espéré, autrement d'avoir fait son propre bonheur. Le fidèle, toujours militant dans la vie, toujours aux prises avec l'ennemi, est traité par la religion dans sa défaite, comme ces généraux vaincus que le sénat romain recevait en triomphe, par la seule raison qu'ils n'avaient pas désespéré du salut final. Mais si les anciens attribuaient quelque chose de merveilleux à l'homme que l'espoir n'abandonne jamais, qu'auraient-ils pensé du chrétien qui, dans son étonnant langage, ne dit plus entretenir, mais pratiquer l'espérance?

Quant à la Charité, fille de Jésus-Christ, elle signifie, au sens propre, grâce et joie. La religion, voulant réformer le cœur humain et tourner au profit des vertus nos affections et nos tendresses, a inventé une nouvelle passion. elle ne s'est servie, pour l'exprimer, ni du mot d'amour, qui n'est pas assez sévère, ni du mot d'amitié, qui se perd au tombeau, ni du mot de pitié, trop voisin de l'orgueil; mais elle a trouvé l'expression de charitas, charité, qui renferme les trois premières, et qui tient en même temps à quelque chose de céleste. Par là, elle dirige nos penchants vers le ciel, en les épurant et les reportant au Créateur; par là, elle nous enseigne cette vérité merveilleuse, que les hommes doivent, pour ainsi dire, s'aimer à travers Dieu, qui spiritualise leur amour, et ne laisse que l'immortelle essence, en lui servant de passage.

Mais, si la charité est une vertu chrétienne, directement émanée de l'Éternel et de son Verbe, elle est aussi en étroite alliance avec la nature. C'est à cette harmonie continuelle du ciel et de la terre, de Dieu et de l'humanité, qu'on reconnaît le caractère de la vraie religion. Souvent les institutions morales et politiques de l'antiquité sont en contradiction avec les sentiments de l'âme. Le christianisme, au contraire, toujours d'accord avec les cœurs, ne commande point des vertus abstraites et solitaires, mais des vertus tirées de nos besoins et utiles à tous. Il a placé la charité comme un puits d'abondance dans les déserts de la vie. « La charité est patiente, dit l'Apôtre, elle

est douce, elle ne cherche à surpasser personne, point avec témérité, elle ne s'enfle point.

elle n'agit

« Elle n'est point ambitieuse, elle ne suit point ses intérêts, elle ne s'irrite point, elle ne pense point le mal.`

« Elle ne se réjouit point dans l'injustice, mais elle se plaît dans la vérité.

« Elle tolère tout, elle croit tout, elle espère tout, elle souffre tout'. >

CHAP. IV. DES LOIS MORALES OU DU DÉCALOGUE.

Il est humiliant pour notre orgueil de trouver que les maximes de la sagesse humaine peuvent se renfermer dans quelques pages. Et dans ces pages encore, combien d'erreurs! Les lois de Minos et de Lycurgue ne sont restées debout, après la chute des peuples pour lesquels elles furent érigées, que comme les pyramides des déserts, immortels palais de la mort.

Lois du second Zoroastre.

Le temps sans bornes et incréé est le créateur de tout. La parole fut sa fille; et de sa fille naquit Orsmus, dieu du bien, et Arihman, dieu du mal.

Invoque le taureau céleste, père de l'herbe et de l'homme.
L'œuvre la plus méritoire est de bien labourer son champ.
Prie avec pureté de pensée, de parole et d'action.
Enseigne le bien et le mal à ton fils âgé de cinq ans.
Que la loi frappe l'ingrat.

Qu'il meure, le fils qui a désobéi trois fois à son père.

La loi déclare impure la femme qui passe à un second

hymen

Frappe le faussaire de verges.

Méprise le menteur.

A la fin et au renouvellement de l'année, observe dix jours de fêtes.

4. S. PAUL, ad Corinth., cap. XIII, v. 4 et seq.

Lois indiennes.

L'univers est Wichnou.

Tout ce qui a été, c'est lui; tout ce qui est, c'est lui; tout ce qui sera, c'est lui.

Hommes, soyez égaux.

Aime la vertu pour elle; renonce au fruit de tes œuvres. Mortel, sois sage, tu seras fort comme dix mille éléphants. L'âme est Dieu.

Confesse les fautes de tes enfants au soleil et aux hommes, et purifie-toi dans l'eau du Gange.

Lois égyptiennes.

Chef, dieu universel, ténèbres inconnues, obscurité impénétrable.

Osiris est le dieu bon; Typhon le dieu méchant.

Honore tes parents.

Suis la profession de ton père.

Sois vertueux; les juges du lac prononceront après ta mort

sur tes œuvres.

Lave ton corps deux fois le jour et deux fois la nuit.

Vis de peu.

Ne révèle point les mystères.

Lois de Minos.

Ne jure point par les dieux.

Jeune homme, n'examine point la loi.

La loi déclare infâme quiconque n'a point d'ami.

Que la femme adultère soit couronnée de laine et vendue.

Que vos repas soient publics, votre vie frugale, et vos danses guerrières.

(Nous ne donnerons point ici les lois de Lycurgue, parce qu'elles ne font en partie que répéter celles de Minos.)

Lois de Solon.

Que l'enfant qui néglige d'ensevelir son père, que celui qui ne le défend point, meure.

Que le temple soit interdit à l'adultère.
Que le magistrat ivre boive la ciguë.
La mort au soldat lâche.

La loi permet de tuer le citoyen qui demeure neutre au milieu des dissensions civiles.

Que celui qui veut mourir le déclare à l'archonte et meure. Que le sacrilége meure.

Épouse, guide ton époux aveugle.

L'homme sans mœurs ne pourra gouverner.

Lois primitives de Rome.

Honore la petite fortune.

Que l'homme soit laboureur et guerrier.

Réserve le vin aux vieillards.

Condamne à mort le laboureur qui mange le bœuf.

Lois des Gaules ou des Druides.

L'univers est éternel, l'âme immortelle.

Honore la nature.

Défendez votre mère, votre patrie, la terre.

Admets la femme dans tes conseils.

Honore l'étranger, et mets à part sa portion dans ta récolte. Que l'infâme soit enseveli dans la boue.

N'élève point de temple, et ne confie l'histoire du passé qu'à ta mémoire.

Homme, tu es libre: sois sans propriété.

Honore le vieillard, et que le jeune homme ne puisse déposer contre lui.

Le brave sera récompensé après la mort, et le lâche puni.

Lois de Pythagore.

Honore les dieux immortels tels qu'ils sont établis par la loi. Honore tes parents.

Fais ce qui n'affligera pas ta mémoire.

N'admets point le sommeil dans tes yeux avant d'avoir examiné trois fois dans ton âme les œuvres de ta journée.

Demande-toi : «< Où ai-je été? Qu'ai-je fait ? Qu'aurais-je dù faire?>

Ainsi, après une vie sainte, lorsque ton corps retournera aux éléments, tu deviendras immortel et incorruptible: tu ne pourras plus mourir1.

Tel est à peu près tout ce qu'on peut recueillir de cette an tique sagesse des temps, si fameuse. Là, Dieu est représenté comme quelque chose d'obscur; sans doute, mais à force de lumière des ténèbres couvrent la vue lorsqu'on cherche à contempler le soleil. Ici, l'homme sans ami est déclaré infâme; ce législateur a donc déclaré infâmes presque tous les infortunés? Plus loin, le suicide devient loi : enfin, quelques-uns de ces sages semblent oublier entièrement un Être suprême. Et que de choses vagues, incohérentes, communes, dans la plupart de ces sentences! Les sages du Portique et de l'Académie énoncent tour à tour des maximes si contraidctoires, qu'on peut souvent prouver par le même livre que son auteur croyait et ne croyait point en Dieu, qu'il reconnaissait et ne reconnaissait point une vertu positive, que la liberté est le premier des biens, et le despotisme le meilleur des gouvernements.

Si, au milieu de tant de perplexités, on voyait paraître un ccde de lois morales, sans contradictions, sans erreurs, qui fit cesser nos incertitudes, qui nous apprît ce que nous devons croire de Dieu et quels sont nos véritables rapports avec les hommes; si ce code s'annonçait avec une assurance de ton et une simplicité de langage inconnus jusqu'alors, ne faudrait-il pas en conclure que ces lois ne peuvent émaner que du ciel?

1. On pourrait ajouter à cette table un extrait de la République de Platon, ou plutôt des douze livres de ses lois, qui sont, à notre avis, son meilleur ouvrage, tant par le beau tableau des trois vieillards qui discourent en allant à la fontaine, que par la raison qui règne dans ce dialogue. Mais ces préceptes n'ont point été mis en pratique; ainsi nous nous abstiendrons d'en parler.

Quant au Coran, ce qui s'y trouve de saint et de juste est emprunté presque mot pour mot de nos livres sacrés; le reste est une compilation rabbinique,

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