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tout physique; on continua longtemps à immoler des animaux; mais quand la société commença à vieillir, quand on vint à réfléchir sur l'ordre des choses divines, on s'aperçut de l'insuffisance du sacrifice matériel; on comprit que le sang des boucs et des génisses ne pouvait racheter un être intelligent et capable de vertu. On chercha donc une hostie plus digne de la nature humaine. Déjà les philosophes enseignaient que les dieux ne se laissent point toucher par des hécatombes, et qu'ils n'acceptent que l'offrande d'un cœur humilié : Jésus-Christ confirma ces notions vagues de la raison. L'Agneau mystique, dévoué pour le salut universel, remplaça le premier-né des brebis, et à l'immolation de l'homme physique fut à jamais substituée l'immolation des passions, ou le sacrifice de l'homme moral.

Plus on approfondira le christianisme, plus on verra qu'il n'est que le développement des lumières naturelles, et le résultat nécessaire de la vieillesse de la société. Qui pourrait aujourd'hui souffrir le sang infect des animaux autour d'un autel, et croire que la dépouille d'un bœuf rend le ciel favorable à nos prières? Mais l'on conçoit fort bien qu'une victime spirituelle, offerte chaque jour pour les péchés des hommes, peut être agréable au Seigneur.

Toutefois, pour la conservation du culte extérieur, il fallait un signe, symbole de la victime morale. Jésus-Christ, avant de quitter la terre, pourvut à la grossièreté de nos sens, qui ne peuvent se passer de l'objet matériel: il institua l'Eucharistie, où, sous les espèces visibles du pain et du vin, il cacha l'offrande invisible de son sang et de nos cœurs. Telle est l'explication du sacrifice chrétien; explication qui ne blesse ni le bon sens ni la philosophie; et, si le lecteur veut la méditer un moment, peut-être lui ouvrira-t-elle quelques nouvelles vues sur les saints abîmes de nos mystères.

CHAP. VI. CEREMONIES ET PRIERES DE LA MESSE.

Il ne reste donc plus qu'à justifier les rites du sacrifice. Or, supposons que la messe soit une cérémonie antique dont on

trouve les prières et la description dans les jeux séculaires d'Horace ou dans quelques tragédies grecques : comme nous ferions admirer ce dialogue qui ouvre le sacrifice chrétien ! 7. Je m'approcherai de l'autel de Dieu.

R. Du Dieu qui réjouit ma jeunesse.

7. Faites luire votre lumière et votre vérité; elles m'ont conduit dans vos tabernacles et sur votre montagne sainte.

R. Je m'approcherai de l'autel de Dieu, du Dieu qui réjouit ma jeunesse.

7. Je chanterai vos louanges sur la harpe, 6 Seigneur ! Mais. mon âme, d'où vient ta tristesse, et pourquoi me troubles-tu? R. Espérez en Dieu, etc.

Ce dialogue est un véritable poëme lyrique entre le prêtre et le catéchumène le premier, plein de jours et d'expérience, gémit sur la misère de l'homme pour lequel il va offrir le sacrifice; le second, rempli d'espoir et de jeunesse, chante la victime par qui il sera racheté.

Vient ensuite le Confiteor, prière admirable par sa moralité. Le prêtre implore la miséricorde du Tout-Puissant pour le peuple et pour lui-même.

Le dialogue recommence.

7. Seigneur, écoutez ma prière!

R. Et que mes cris s'élèvent jusqu'à vous.

Alors le sacrificateur monte à l'autel, s'incline, et baise avec respect la pierre qui, dans les anciens jours, cachait les os des martyrs.

Souvenir des catacombes.

En ce moment le prêtre est saisi d'un feu divin : comme les prophètes d'Israël, il entonne le cantique chanté par les anges sur le berceau du Sauveur, et dont Ézéchiel entendit une partie dans la nue.

« Gloire à Dieu dans les hauteurs du ciel, et paix aux hommes de bonne volonté sur la terre ! Nous vous louons, nous vous bénissons, nous vous adorons, Roi du ciel, dans votre gloire immense! etc. »

L'épitre succède au cantique. L'ami du Rédempteur du monde, Jean, fait entendre des paroles pleines de douceur, ou le sublime Paul, insultant à la mort, découvre les mystères de Dieu. Prêt à lire une leçon de l'Évangile, le prêtre s'arrête et supplie l'Éternel de purifier ses lèvres avec le charbon de feu dont il toucha les lèvres d'Isaïe. Alors les paroles de JésusChrist retentissent dans l'assemblée : c'est le jugement sur la femme adultère; c'est le Samaritain versant le baume dans les plaies du voyageur; ce sont les petits enfants bénis dans leur innocence.

Que peuvent faire le prêtre et l'assemblée, après avoir entendu de telles paroles? Déclarer sans doute qu'ils croient fermement à l'existence d'un Dieu qui laissa de tels exemples à la terre. Le symbole de la foi est donc chanté en triomphe. La philosophie, qui se pique d'applaudir aux grandes choses, aurait dû remarquer que c'est la première fois que tout un peuple a professé publiquement le dogme de l'unité d'un Dieu : Credo in unum Deum.

Cependant le sacrificateur prépare l'hostie pour lui, pour les vivants, pour les morts. Il présente le calice: Seigneur, nous vous offrons la coupe de notre salut. Il bénit le pain et le vin. Venez, Dieu éternel, bénissez ce sacrifice. Il lave ses mains.

Je laverai mes mains entre les innocents.... Oh! ne me faites point finir mes jours parmi ceux qui aiment le sang.

Souvenir des persécutions.

Tout étant préparé, le célébrant se tourne vers le peuple, et dit:

Priez, mes frères.

Le peuple répond:

Que le Seigneur reçoive de vos mains ce sacrifice.

Le prêtre reste un moment en silence, puis tout à coup annonçant l'éternité : Per omnia sæcula sæculorum, il s'écrie : Elevez vos cœurs!

Et mille voix répondent :

Habemus ad Dominum: Nous les élevons vers le Seigneur.

La préface est chantée sur l'antique mélopée ou récitatif de la tragédie grecqve; les Dominations, les Puissances, les Vertus, les Anges et les Séraphins sont invités à descendre avec la grande victime, et à répéter, avec le cœur des fidèles, le triple Sanctus et l'Hosannah éternel.

Enfin l'on touche au moment redoutable. Le canon, où la loi éternelle est gravée, vient de s'ouvrir; la consécration s'achève par les paroles mêmes de Jésus-Christ: Seigneur, dit le prêtre en s'inclinant profondément, que l'hostie sainte vous soit agréable comme les dons d'Abel le juste, comme le sacrifice d'Abraham notre patriarche, comme celui de votre grand prêtre Melchisedech. Nous vous supplions d'ordonner que ces dons soient portés à votre autel sublime par les mains de votre ange, en présence de votre divine majesté.

A ces mots le mystère s'accomplit, l'Agneau descend pour être immolé :

O moment solennel! ce peuple prosterné,

Ce temple dont la mousse a couvert les portiques,

Ses vieux murs, son jour sombre et ses vitraux gothiques;
Cette lampe d'airain qui, dans l'antiquité,

Symbole du soleil et de l'éternité,

Luit devant le Très-Haut, jour et nuit suspendue;

La majesté d'un Dieu parmi nous descendue,

Les pleurs, les vœux, l'encens qui monte vers l'autel,

Et de jeunes beautés qui sous l'œil maternel
Adoucissent encor par leur voix innocente
De la religion la pompe attendrissante;
Cet orgue qui se tait, ce silence pieux,
L'invisible union de la terre et des cieux,
Tout enflamme, agrandit, émeut l'homme sensible :
Il croit avoir franchi ce monde inaccessible,
Où sur des harpes d'or l'immortel séraphin
Aux pieds de Jéhovah chante l'hymne sans fin.
Alors de toutes parts un Dieu se fait entendre;
Il se cache au savant, se révèle au cœur tendre.
Il doit moins se prouver qu'il ne doit se sentir'.

4. Le jour des Morts, par M. DE FONTANES. La Harpe a dit que ce sont

CHAP. VII. LA FETE-DIEU.

Il n'en est pas des fêtes chrétiennes comme des cérémonies du paganisme; on n'y traîne pas en triomphe un bœuf-dieu, un bouc sacré; on n'est pas obligé, sous peine d'être mis en prison, d'adorer un chat ou un crocodile, ou de se rouler ivre dans les rues, en commettant toutes sortes d'abominations pour Vénus, Flore ou Bacchus : dans nos solennités, tout est essentiellement moral. Si l'Église en a seulement banni les danses', c'est qu'elle sait combien de passions se cachent sous ce plaisir en apparence innocent. Le Dieu des chrétiens ne demande que les élans du cœur et les mouvements égaux d'une âme qui règle le paisible concert des vertus. Et quelle est, par exemple, la solennité païenne qu'on peut opposer à la fête où nous célébrons le nom du Seigneur?

Aussitôt que l'aurore a annoncé la fête du Roi du monde, les maisons se couvrent de tapisseries de laine et de soie, les rues se jonchent de fleurs, et les cloches appellent au temple la troupe des fidèles. Le signal est donné : tout s'ébranle, et la pompe commence à défiler.

On voit paraître d'abord les corps qui composent la société des peuples. Leurs épaules sont chargées de l'image des protecteurs de leurs tribus, et quelquefois des reliques de ces hommes qui, nés dans une classe inférieure, ont mérité d'être adorés des rois par leurs vertus : sublime leçon que la religion chrétienne a seule donnée à la terre.

Après ces groupes populaires, on voit s'élever l'étendard de Jésus-Christ, qui n'est plus un signe de douleur, mais une marque de joie. A pas lents s'avance sur deux files une longue suite de ces époux de la solitude, de ces enfants du torrent et

lå vingt des plus beaux vers de la langue française ; nous ajouterons qu'ils peignent avec la dernière exactitude le sacrifice chrétien.

4. Elles sont cependant en usage dans quelques pays, comme dans l'Amérique méridionale, parce que parmi les sauvages chrétiens il règne encore une grande innocence.

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