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Dominus : « Si l'Éternel ne bâtit la maison, c'est en vain que travaillent ceux qui la bâtissent. >>

Au commencement du carême, à la cérémonie de la commination, ou de la dénonciation de la colère céleste, on prononçait ces malédictions du Deutéronome :

<< Maudit celui qui a méprisé son père et sa mère.

<< Maudit celui qui égare l'aveugle en chemin, etc. > Dans la visite aux malades, le prêtre disait en entrant : « Paix à cette maison et à ceux qui l'habitent. » Puis au chevet du lit de l'infirme:

< Père de miséricorde, conserve et retiens ce malade dans le corps de ton Église, comme un de ses membres. Aie égard à sa contrition, reçois ses larmes, soulage ses douleurs. >>

Ensuite il lisait le psaume In te, Domine .

« Seigneur, je me suis retiré vers toi, délivre-moi par ta justice. >>

Quand on se rappelle que c'étaient presque toujours des misérables que le prêtre allait visiter ainsi, sur la paille où ils étaient couchés, combien ces oraisons chrétiennes paraissent encore plus divines!

Tout le monde connaît les belles prières des Agonisants. On lit d'abord l'oraison PROFICISCERE: Sortez de ce monde, âme chrétienne; ensuite cet endroit de la Passion: En ce temps-là, Jésus étant sorti, s'en alla à la montagne des Oliviers, etc.; puis le psaume Miserere meî; puis cette lecture de l'Apocalypse : En ces jours-là j'ai vu des morts, grands et petits, qui comparurent devant le trône, etc.; enfin la vision d'Ézéchiel : La main du Seigneur fut sur moi, et m'ayant mené dehors par l'esprit du Seigneur, elle me laissa au milieu d'une campagne qui était couverte d'ossements. Alors le Seigneur me dit : « Prophétise à l'esprit; fils de l'homme, dis à l'esprit : « Venez des quatre vents, « et soufflez sur ces morts afin qu'ils revivent, » etc.

il y

Pour les incendies, pour les pestes, pour les guerres, avait des prières marquées. Nous nous souviendrons toute notre vie d'avoir entendu lire, pendant un naufrage où nous nous

trouvions nous-même engagé, le psaume Confitemini Domino. < Confessez le Seigneur parce qu'il est bon....

<< Il commande, et le souffle de la tempête s'est élevé, et les vagues se sont amoncelées.... Alors les mariniers crient vers le Seigneur dans leur détresse, et il les tire de danger.

« Il arrête la tourmente et la change en calme, et les flots de la mer s'apaisent. »

Vers le temps de Pâques, Jérémie se réveillait dans la poudre de Sion pour pleurer le Fils de l'Homme; l'Église empruntait ce qu'il y a de plus beau et de plus triste dans les Pères et dans la Bible, afin d'en composer les chants de cette semaine consacrée au plus grand des martyrs, qui est aussi la plus grande des douleurs. Il n'y avait pas jusqu'aux litanies qui n'eussent des cris ou des élans admirables, témoin ces versets des litanies de la Providence:

Providence de Dieu, consolation de l'âme pèlerine;
Providence de Dieu, espérance du pécheur délaissé;
Providence de Dieu, calme dans les tempêtes;
Providence de Dieu, repos du cœur, etc.;

Ayez pitié de nous.

Enfin nos cantiques gaulois, les noëls même de nos aïeux, avaient aussi leur mérite; on y sentait la naïveté, et comme la fraîcheur de la foi. Pourquoi dans nos missions de campagne, se sentait-on attendri, lorsque des laboureurs venaient à chanter au salut:

Adorons tous, ô mystère ineffable!

Un Dieu caché, etc.

C'est qu'il y avait dans ces voix champêtres un accent irré. sistible de vérité et de conviction. Les noëls, qui peignaient les scènes rustiques, avaient un tour plein de grâce dans la bouche de la paysanne. Lorsque le bruit du fuseau accompagnait ses chants, que ses enfants, appuyés sur ses genoux, écoutaient avec une grande attention l'histoire de l'Enfant-Jésus et de sa crèche, on aurait en vain cherché des airs plus doux et une religion plus convenable à une mère.

CHAP. IV. — DES SOLENNITÉS DE L'EGLISE DU DIMANCHE.

Nous avons déjà fait remarquer1 la beauté de ce septième jour, qui correspond à celui du repos du Créateur; cette division du temps fut connue de la plus haute antiquité. Il importe peu de savoir à présent si c'est une obscure tradition de la création transmise au genre humain par les enfants de Noé, ou si les pasteurs retrouvèrent cette division par l'observation des planètes; mais il est du moins certain qu'elle est la plus parfaite qu'aucun législateur ait employée. Indépendamment de ses justes relations avec la force des hommes et des animaux, elle a ces harmonies géométriques que les anciens cherchaient toujours à établir entre les lois particulières et les lois générales de l'univers elle donne le six pour le travail; et le six, par deux multiplications, engendre les trois cent soixante jours de l'année antique et les trois cent soixante degrés de la circonférence. On pouvait donc trouver magnificence et philosophie dans cette loi religieuse, qui divisait le cercle de nos labeurs ainsi que le cercle décrit par les astres dans leur révolution; comme si l'homme n'avait d'autre terme de ses fatigues que la consommation des siècles, ni de moindres espaces à remplir de ses douleurs, que tous les temps.

:

Le calcul décimal peut convenir à un peuple mercantile; mais il n'est ni beau ni commode dans les autres rapports de la vie et dans les équations célestes. La nature l'emploie rarement il gêne l'année et le cours du soleil; et la loi de la pesanteur ou de la gravitation, peut-être l'unique loi de l'univers, s'accomplit par le carré, et non par le quintuple des distances. Il ne s'accorde pas davantage avec la naissance, la croissance et le développement des espèces : presque toutes les femelles portent par le trois, le neuf, le douze, qui appartient au calcul seximal.

On sait maintenant, par expérience, que le cinq est un jour 4. Première partie, livre II, chap. L

trop près, et le dix un jour trop loin pour le repos. La Terreur, qui pouvait tout en France, n'a jamais pu forcer le paysan à remplir la décade, parce qu'il y a impuissance dans les forces humaines, et même, comme on l'a remarqué, dans les forces des animaux. Le bœuf ne peut labourer neuf jours de suite; au bout du sixième, ses mugissements semblent demander les heures marquées par le Créateur pour le repos général de la créature'.

Le dimanche réunissait deux grands avantages: c'était à la fois un jour de plaisir et de religion. Il faut sans doute que l'homme se délasse de ses travaux; mais, comme il ne peut être atteint dans ses loisirs par la loi civile, le soustraire en ce mo-ment à la loi religieuse, c'est le délivrer de tout frein, c'est le replonger dans l'état de nature, et lâcher une espèce de sauvage au milieu de la société. Pour prévenir ce danger, les anciens même avaient fait aussi du jour de repos un jour religieux; et le christianisme avait consacré cet exemple.

Cependant cette journée de la bénédiction de la terre, cette journée du repos de Jéhovah, choqua les esprits d'une Convention qui avait fait alliance avec la mort, parce qu'elle était digne d'une telle société. Après six mille ans d'un consentement universel, après soixante siècles d'Hosannah, la sagesse des Danton, levant la tête, osa juger mauvais l'ouvrage que l'Éternel avait trouvé bon. Elle crut qu'en nous replongeant dans le chaos, elle pourrait substituer la tradition de ses ruines et de ses ténèbres à celle de la naissance de la lumière et de l'ordre des mondes; elle voulut séparer le peuple français des autres peuples, et en faire, comme les Juifs, une caste ennemie du genre humain : un dixième jour, auquel s'attachait pour tout honneur la mémoire de Robespierre, vint remplacer cet antique sabbat, lié au souvenir du berceau des temps, ce jour sanctifié par la religion de nos pères, chômé par cent millions de chré-,

4. Les paysans disaient : « Nos boeufs connaissent le dimanche, et ne veulent pas travailler ce jour-là.» — 2. Sap., chap. 1, V. 16.

tiens sur la surface du globe, fêté par les saints et les milices célestes, et, pour ainsi dire dire, gardé par Dieu même dans les siècles de l'éternité.

CHAP V. EXPLICATION DE LA MESSE.

Il y a un argument si simple et si naturel en faveur des cérémonies de la messe, que l'on ne conçoit pas comment il est échappé aux catholiques dans leurs disputes avec les protes tants. Qu'est-ce qui constitue le culte dans une religion quelconque? C'est le sacrifice. Une religion qui n'a pas de sacrifice n'a pas de culte proprement dit. Cette vérité est incontestable, puisque, chez les divers peuples de la terre, les cérémonies religieuses sont nées du sacrifice, et que ce n'est pas le sacrifice qui est sorti des cérémonies religieuses. D'où il faut conclure que le seul peuple chrétien qui ait un culte est celui qui conserve une immolation.

Le principe étant reconnu, on s'attachera peut-être à combattre la forme. Si l'objection se réduit à ces termes, il n'est pas difficile de prouver que la messe est le plus beau, le plus mystérieux et le plus divin des sacrifices.

Une tradition universelle nous apprend que la créature s'est jadis rendue coupable envers le Créateur. Toutes les nations ont cherché à apaiser le ciel; toutes ont cru qu'il fallait une victime; toutes en ont été si persuadées, qu'elles ont commencé par offrir l'homme lui-même en holocauste : c'est le sauvage qui eut d'abord recours à ce terrible sacrifice, comme étant plus près, par sa nature, de la sentence originelle qui demandait la mort de l'homme.

Aux victimes humaines, on substitua dans la suite le sang des animaux; mais dans les grandes calamités on revenait à la première coutume; des oracles revendiquaient les enfants mêmes des rois : la fille de Jephthé, Isaac, Iphigénie, furent réclamés par le ciel; Curtius et Codrus se dévouèrent pour Rome et Athènes. Cependant le sacrifice humain dut s'abolir le premier, parce qu'il appartenait à l'état de nature, où l'homme est presque

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