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Sont fi célébres dans le monde.

Hercule, lui dit-il, aide-moi: fi ton dos
A porté la machine ronde,

Ton bras peut me tirer d'ici.

Sa prière étant faite, il entend dans la nue
Une voix qui lui parle ainsi :
Hercule veut qu'on fe remue,

Plus il aide les gens. Regarde d'où provient
L'achopement qui te retient:

Ote d'autour de chaque roue

Ce malheureux mortier, cette maudite boue,
Qui jusqu'à l'effieu les enduit.

Prends ton pic & me romps ce caillou qui te nuit. Comble - moi cette orniére. As-tu fait? Oui, dit l'homme.

Or bien je vais t'aider, dit la voix : prends ton fouet. Je l'ai pris. Qu'est - ceci ? mon char marche à fouhait! Hercule en foit loué. Lors la voix: tu vois comme Tes chevaux aifément fe font tirés delà.

Aide-toi, le Ciel t'aidera.

Le

FABLE XIX.

Le Charlatan.

'e monde. n'a jamais manqué de Charlatans.
Cette fcience de tout temps,

Fut en Profeffeurs très - fertile.

Tantôt l'un en théâtre affronte (1) l'Acheron,
Et l'autre affiche par la ville

Qu'il eft (2) une Paffe - Ciceron.

(1) Affronte la mort, failant fur lui-même des épreu ves très - périlleuses en aparence, pour justifier aux yeux des Spectateurs la bonté de fon Antidote, &c.

(2) Plus éloquent que Ciceron.

Un des derniers fe vantoit d'être
En éloquence fi grand maître,
Qu'il rendroit difert un (3) badaut,
Un manant, un ruftre, un lourdaud.

Oui, Mefficurs, un lourdaud, un animal, un ane:
Que l'on m'amene un ane, un ane renforcé,
Je le rendrai maître paffé;

Et veux qu'il porte la (4) foutane.

Le Prince fçut la chofe: il manda le Rhéteur.
J'ai, dit-il, en mon écurie,

Un fort beau rouflin d'Arcadie,
J'en voudrois faire un Orateur.

Sire, vous pouvez tout, reprit d'abord notre homme.
On lui donna certaine femme.

Il devoit, au bout de dix ans,

Mettre fon ane fur les (5) bancs :

Sinon, il confentoit d'être, en place publique,
Guindé la hart au col, étranglé court & net,
Ayant au dos fa Réthorique,

Et les oreilles d'un baudet.

Quelqu'un des Courtifans lui dit qu'à la potence
Il vouloit l'aller voir; & que, pour un pendu,
Il auroit bonne grace & beaucoup de preftance:
Sur-tout qu'il fe fouvint de faire à l'affistance
Un difcours où fon art fût au long étendu
Un difcours pathétique, & dont le formulaire
Servit à certains Cicerons
Vulgairement nommés larrons.

L'autre reprit avant l'affaire,

Le Roi, l'ane, ou inoi nous mourrons.

Il avoit raifon. C'eft folie

De compter fur dix ans de vic.

Soyons bien buváns, bien mangeans,

Nous devons à la mort de trois l'un en dix ans.

(3) Niais, imbécile.

(4) Robe longue que portent les Bacheliers en Licence (5) Des Ecoles publiques.

FA B LE X X.

La Difcorde.

La Déeffe Difcorde ayant brouillé les Dieux,

Et fait un grand procès là-haut pour une (1) pomme; -
On la fit déloger des Cieux.
Chez l'animal qu'on apelle Homme,
On la reçut à bras ouverts,

Elle, (2) & Que-fi-que-non, fon frere,
Avecque Tien-&-mien, fon pere.

Elle nous fit l'honneur, en ce bas Univers,
De préférer notre Hémisphere,

A celui des (3) mortels, qui nous font oppofés,
Gens groffiers, peu civilifés,
Et qui, fe mariant fans Prêtre & fans Notaire,
De la Difcorde n'ont que faire.
Pour la faire trouver aux lieux où le befoin
Demandoit qu'elle fût préfente,
La Renommée avoit le foin

De l'avertir; & l'autre diligente,
Couroit vite aux débats, & prévenoit la paix;
Faifoit, d'une étincelle, un feu long à s'éteindre.
La Renommée enfin commença de fe plaindre,
Que l'on ne lui trouvoit jamais

De demeure fixe & certaine.

Bien fouvent l'on perdoit, à la chercher, fa peine.

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(1) La Pomme d'or prétendue par Junon, Pallas, & Vénus; & qui fut donnée à la derniére par Pâris.

(2) Que fi, que non: termes que répétent inceffam ment ceux qui font en difpute, l'un pour affirmer ce que l'autre nie. Les uns difent que fi, & les autres que non. Scarron, Poef.

(3) Nous les nommons nos Antipodes; & nous fommes leurs Antipodes à leur égard, étant oppofés à eux, comme ils le font à nous.

(1) EPILOGUE.

B

ornons ici cette carrière:
Les longs ouvrages me font peur.
Loin d'épuifer une matiére,
On n'en doit prendre que la fleur.
Il s'en va temps que je reprenne
Un peu de forces & d'haleine,
Pour fournir à d'autres projets.
Amour, ce tyran de ma vie,
Veut que je change de fujets :
Il faut contenter fon envie :

(2) Retournons à Pfyché. Damon, vous m'exhortez A peindre fes malheurs & fes félicités.

J'y confens: peut-être ma veine

En fa faveur s'échauffera.

Heureux! fi ce travail eft la derniére peine,
Que fon Epoux me caufera!

(1) Conclufion.

(2) Ici La Fontaine veut parler d'un petir Ouvrage en Profe & en Vers, où il a raconté très agréablement les Avantures de Pfyché, mais qu'il n'avoit pas encore ache vé quand il dit, Rétournons à Pfyché, Quoique le fond de cet ouvrage foit tire d'Apulée, Auteur Latin, La Fontaine a trouvé le fecret de l'enrichir de plufieurs beaux Tableaux de son invention, qui dans l'opinion de bien des gens, le mettent au- deffus de l'ancien original.

Fin du fixième Livre.

金9

DES FABLES

CONTENUE S

DANS LA PREMIERE PARTIE.

LIVRE PREMI E R.

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Fable II. Le Corbeau & le Renard,

Fable III. La Grenouille qui fe veut faire auffi groffe

que le Bœuf,

Fable VI. La Geniffe, la Chévre & la Brebis, en fo-

ciété avec le Lion,

Fable VII. La Beface,

Fable XII. Le Dragon à plufieurs têtes, & le Dragon

à plusieurs queues,

17

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