La lune au fond d'un puits: (3) l'orbiculaire image Notre Renard, preffé par une faim (4) canine, Voilà l'animal descendu, Tiré d'èrreur, mais fort en peíne, Car comment remonter, fi quelque autre affamé, Et fuccédant à fa mifere Par le même chemin ne le tiroit d'affaire? Deux jours s'étoient paffés fans qu'aucun vint au puits: Le temps qui toujours marche, avoit, pendant deux nuits, Echancré, felon l'ordinaire, (5) De l'aftre au fond d'argent la face circulaire. Je vous veux régaler; voyez-vous cet objet? Reprendroit l'appétit en tâtant d'un tel mets, J'en ai mangé cette échancrure, Le refte vous fera fuffifante pâture. Descendez dans un feau que j'ai là mis exprès. (3) La forme ronde de la Lune dans l'eau. (4) Très grande faim, à laquelle font fujets les thiens, & bien d'autres animaux. (5) Vers très- figuré, qui fignifie que la Lune com mençant à décroitre, ne paroilloit plus ronde. (6′) Dieu des Troupeaux. It defcend, & fon poids emportant l'autre part, Ne nous en moquons point: nous nous laiffons féduire I Sur auffi peu de fondement : FABLE VII. Le Payfan du Danube. ne faut point juger des gens fur l'apparence." Le confeil en eft bon; mais il n'eft pas nouveau. Jadis, l'erreur du (1) fouriceau Me fervit à prouver le discours que j'avance. Le bon (2) Socrate, Efope, & certain Payfan Nous fait un portrait fort fidele. On connoît les premiers: quant à l'autre, voici Son menton nourriffoit une barbe touffue; Repréfentoit un ours, mais un ours mal léché. (3) Grand fleuve d'Allemagne. (4) Sage Empereur Romain da fecond fiècle, (1) Sorte d'habit groffier. Et ceinture de joncs marins. Cet homme, ainfi bâti, fut député des villes Ne pénétrât alors, & ne portât les mains. Faute d'y recourir on viole leurs loix. Témoin nous que punit la romaine avarice, Rome eft, par nos (6) forfaits, plus que par fes exploits, L'inftrument de notre fupplice. Craignez, Romains, craignez que le Ciel quelque jour Ne tranfporte chez vous les pleurs & la mifere, Et mettant en nos mains, par un jufte retour, Les armes dont fe fert fa vengeance févere, Il ne vous faffe, en fa colere, Nos efclaves à votre tour. Et pourquoi fommes-nous les vôtres ? qu'on me die S'ils avoient eu l'avidité, Comme vous, & la violence, Peut-être, en votre place, ils auroient la puiffance, Et fçauroient en ufer fans inhumanité. (6) Le mal que nous avons fait aux autres par celui qu'ils nous font. (7) Les Allemands.` eft puni Celle que vos (8) Préteurs ont für nous exercée, Car fçachez que les immortels Ont les regards fur nous. Graces à vos exemples, Ils n'ont devant les yeux que des objets d'horreur, De mépris d'eux, & de leurs temples, D'avarice qui va jufques à la fureur. Rien ne fuffit aux gens qui nous viennent de Rome: Font, pour les affouvir, des efforts fuperflus. Cultiver pour eux les campagnes. Nous quittons les cités, nous fuyons aux mon▾ tagnes ; Nous laiffons nos cheres compagnes : Nous ne converfons plus qu'avec des ours affreux, Nous fouhaitons de voir leurs jours bientôt bornés: Les Germains comme eux deviendront C'eft tout ce que j'ai vu dans Rome à mon abord. Point de pourpre à donner? c'eft envain qu'on efpere Je finis. Punifsez de mort Une plainte un peu trop fincere. A ces mots, il fe couche, & chacun étonné, Admire le grand cœur, le bon fens, l'éloquence (8) Gouverneurs Romains en Allemagne. Du Sauvage ainfi profterné. On le créa (9) Patrice; & ce fut la vengence Le fénat demanda ce qu'avoit dit cet homme, ; (9) Sénateur. FABLE VIII. Le Vieillard & les trois jeunes Hommes. Un n (1) Octogénaire plantoit. Paffe encor de bâtir; mais planter à cet âge! Difoient trois (2) Jouvenceaux enfans du voifinage, Affurément il radotoit. Car, au nom des dieux, je vous prie, Quel fruit de ce labeur pouvez-vous recueillir? Autant qu'un (3) patriarche il vous faudroit vieillir. A quoi bon charger votre vie Des foins d'un avenir qui n'eft pas fait pour vous (1) Un homme de quatre-vingts ans. (2) Par le titre de cette Fable, La Fontaine fait extendre à tous fes Lecteurs ce que c'est que Jouvenceau, terme, qui bien qu'exclu du ftile fublime, est d'ailleurs affez connu & fort bon François. (3) Tels que ceux dont il eft parlé dans l'Hiftoire Sainte. |