J'en vais, peut-être, en une Fable Que quelqu'un trouvera que j'aurai réuffi. Un Rieur étoit à la table D'un Financier; & n'avoit en fon coin D'écouter leur réponse. On demeura.furpris; Le Rieur alors, d'un ton fage, Dit, qu'il craignoit qu'un fien ami N'eût depuis un an fait naufrage. Il s'en informoit donc à ce menu fretin': Mais tous lui répondoient, qu'ils n'étoient point d'un âge A fçavoir au vrai fon deftin& Les gros en fçauroient davantage. i,j) N'en puis-je donc, Meffieurs, un gros interroger De dire fi la compagnie Prit goût à fa plaifanterie, J'en doute: mais enfin il les fçut engager Et que depuis centans, fous (3) l'abysme avoient vus croyant l'avoir agréable, vif, profond & délicat, nous nebitent hardiment des penfées vulgaires & très-infipides. comme quelque chofe d'exquis & de véritablement plai fant, dont ils rient tous les premiers. (2) Les Voyageurs. (3) Dans la Mer. Un n Rat, hôte d'un champ, Rat de peu de cervelle, Des (1) Lares paternels(un jour fe trouva fou. ! 11 laiffa-là le champ, le grain & la javelle, Va courir le pays, abandonne fon trou. I i. Si-tôt qu'ib fut hors de la cafe, Que le monde, dit-il, eft grand & fpacieux! Parmi tant d'Huîtres toutes clofes, Humoit l'air, refpiroit, étoit épanouie, (1) De fa maifon. (2) Hautes Montagnes qui regnent le long de l'Itale. (3) Grande Montagne en Afie. (4) Déelle de la Mer, pour la Mer même. 1 D'auffi loin que le Rat voit cette Huître qui bâille, d'un coup Se referine; & voilà ce que fait l'ignorance. Cette Fable contient plus d'un enfeignement,- Que ceux qui n'ont du monde aucune expérience, Que tel eft pris qui croyoit prendre. 1 (5) On m'a affuré qu'il eft affez ordinaire de yoir des Rats, qui ont actuellement donné dans ce piége. Mais la Fable n'eft pas moins ingénieufe, ni moins inftructive, pour être fondée fur: la Vérité. FA BL E X. L'Ours & l'Amateur des Jardins. Certain vertain Ours montagnard, Ours à demi lêché, Confiné par le fort dans un bois folitaire, Nouveau (1) Bellerophon, vivoit feul & caché: Il fut devenu fou: la raifon d'ordinaire (1) Prince valeureux, qui après avoir mis à fin les plus terribles avantures, accablé d'une noire mélancolie, fe retirà dans un défert, dit Homére, pour rompre tone commerce avec les hommes. Je n'ai garde de mettre ici les paroles du Poëte. Du Grec, Eh! qui s'attendroit à voir du Grec dans des Notes fur les Fables de La Fonraine? Cette bigarure choqueroit infailliblement la fleur des plus beaux efprits de ce fiècle. N'habite pas long-tems chez les gens (2) fequeftrés Dans les lieux que l'Ours habitoit; Il almoit les jardins, étoit Prêtre de (3) Flore; Ces deux emplois font beaux: mais je voudrois parmi, Quelque doux & difcret ami. Les jardins parlent peu, fi ce n'eft dans mon Livre: De façon que laffé de vivre Avec des gens muets, notre homme un beau matin Tous deux, par un cas furprenant, L'homme eut peur: mais comment esquiver, & que faire? Se tirer en gafcon d'une femblable affaire L'Ours, très mauvais complimenteur Arrivés, les voilà, fe trouvant bien enfemble, Comme l'Ours en un jour ne difoit pas deux mots, D'être bon (5) émoucheur, écartoit du vifage Que nous avons mouche appelé. Un jour que le vieillard dormoit d'un profond fomme, Rien n'eft f dangereux qu'un ignotant amitio Mieux vaudroit un fage ennemi. (5) De chaffer les mouches qui venoient piquer fon ami. པ་མའཞ Deux vrais amis vivoient au (1) Monomotapa; L'un ne poffédoit rien qui n'appartint à l'autre : Valent bien, dit-on, ceux du nôtre. (1) Païs au Sud-Eft de l'Afrique. |