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A MADAME LA COMTESSE D'ALBANY,

A FLORENCE.

Paris, le 12 novembre 1822.

Madame, puis-je espérer avoir de vos nouvelles par madame Clavier, ma belle-mère, qui vous remettra la présente? vous n'avez point oublié, je pense, un helléniste qui eut l'honneur de vous accompagner avec M. Fabre dans votre voyage de Naples, et se rappelle toujours avec un grand plaisir cette époque de sa vie. Vous ne savez pas, madame, que j'écrivis alors une relation de ce voyage et de toutes nos conversations, dans lesquelles nous n'avions point du tout l'air de nou's ennuyer. J'ai tout cela en manuscrit, et 'quelque jour j'aurai l'honneur de vous le faire voir, si Dieu permet que je retourne dans ce beau pays. où votre séjour est fixé. Un des motifs les plus puissants pour me ramener en Italie, ce serait, madame, l'espérance de vous y revoir et de jouir encore de votre conversation, aussi instructive qu'agréable. En attendant, permettez, je vous prie, que madame Clavier ait l'honneur de vous voir, et me puisse apprendre à son retour com

ment vous vous portez. Cette occasion de me rappeler à votre souvenir m'est trop précieuse pour que je la laisse échapper, et j'en profite en vous priant, madame, de me croire toute la vie, etc.

A MADAME COURIER.

Lundi, novembre 1823.

Un libraire sort d'ici, qui a entendu parler de toi chez madame Dumenis.

Ce libraire veut avoir mon portrait pour le faire lithographier. Je l'ai envoyé promener. Il dit qu'il l'aura malgré moi.

Langlois s'est fait agent de change. C'était bien la peine d'épouser une marquise.

J'ai vu hier M. de La Fayette. Tu as pu voir

dans les journaux que le gouvernement des ÉtatsUnis envoie un vaisseau pour le prendre et le conduire là-bas. Il me propose de l'accompagner, et j'en serais presque tenté. Il ne sera que huit ou dix mois à aller et revenir.

[ Au mois de mars 1824, Courier retourna à Paris, emportant son Pamphlet des Pamphlets achevé. Occupé d'un grand projet pour lequel il jugeait le secret nécessaire, il lui parut favorable à son dessein de publier quelque chose où la politique n'entrât pour rien, et qui put sembler inoffensif à Messieurs les procureurs du roi. La troisième des lettres suivantes contient son propre jugement sur le Pamphlet.]

A MADAME COURIER.

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Mercredi des cendres 1824.

Si tulisais les journaux, tu y verrais l'annonce de ma brochure, qui n'est pas encore imprimée, et déjà excite vivement la curiosité.

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L***, ancien aide-de-camp de Bonaparte, vient de marier sa fille avec 500,000 fr. à M. de B***, qui n'a rien que son nom. A l'église le curé a fait un beau discours, où il n'a parlé que du marié, de sa noblesse et de son nom, et de son illustre famille, sans dire un mot de la mariée ni de ses parents. Il a deux ans de moins que sa femme. L'autre jour j'ai dîné chez madame C***, et je lui ai dit : Ne donnez point votre fille à un homme de cour. J'ai vu que cela ne lui plaisait pas. Ils feront comme L***. J'oubliais de te dire que toute la famille de M. de B*** est indignée de ce mariage.

mm.

A MADAME COURIER.

Jeudi matin, mars 1824.

On m'envoie ici le Feuilleton. Je ne sais pourquoi ni comment ils m'ont pu découvrir et savoir mon adresse. J'en suis fâché. Cette lecture aurait pu t'amuser là-bas.

J'ai dîné lundi chez Hersent, et de là on m'a mené chez madame Gay, auteur, où j'ai entendu la lecture d'une comédie. Il y avait là beaucoup de monde. Madame Regnault de Saint-Jean-d'Angely m'a fait de grandes amitiés; elle est encore belle. Lémontey y était; Elleviou, tellement vieilli que je ne l'ai pas reconnu; madame Dugazon, qui m'a parlé aussi, et d'autres; mademoiselle Delphine Gay, qui fait des vers assez beaux à dix-sept ans; mais je crois qu'elle en a bien vingt. Tout cela ne m'amuse point.

On imprime ma drogue, qui, je crois, ne sera point saisie. J'en ai débité quelques morceaux de mémoire. Ils font plaisir à tout le monde. On est furieusement prévenu en ma faveur.

Je dîne aujourd'hui chez Gasnault, demain chez madame ***. Tout cela m'ennuie. J'aime mieux Hersent et sa femme. Ils ont une maison

agréable. Ils gagnent beaucoup tous deux, et ils maudissent le métier. Leur santé est mauvaise.

A MADAME COURIER.

Mercredi.

J'ai reçu ta lettre dimanche. Mais voici du nouveau qui ne te déplaira pas. C'est madame Shoenée. qui achète notre Filonnière. Mon homme barguignait un peu; elle ne savait point ce marché. Je craignais des difficultés. Sur quelques mots que je lui dis, elle me fit des offres. J'acceptai. Nous conclûmes, et nous avons signé hier une promesse de contrat. Ainsi l'affaire est faite. J'ai broché un sous-seing comme j'ai pu; il fallait bien signer quelque chose. Voici notre marché avec madame Shoenée : je lui vends le fonds 50,000 fr., les bois sur pied 21,875; en tout 71,875. Tu me demandes pourquoi ce compte biscornu : elle ne veut me payer que 70,000.

On imprime ma drogue ', qui n'en vaut guère la peine, ce me semble.

[ Paul-Louis revint à la campagne en mai. Il ébaucha les deux

Le Pamphlet des Pamphlets.

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