Page images
PDF
EPUB

Il y a de ces chansons qui sont vraiment bien faites: il me les donne.

Samedi.

Je rêve souvent de Paul et de toi, et sans dormir je m'imagine souvent que je vous tiens dans mes bras l'un et l'autre. Le temps me paraît long, quoique je sois fort occupé. Ce n'est pas vivre pour moi que d'être sans vous deux.

A MADAME COURIER.

Sainte-Pélagie, octobre.

Ta description de Paul à table m'enchante. Que ne suis-je avec vous deux ! Cependant mon absence aura cela de bon, que tu t'accoutumeras à te passer de moi pour toutes les affaires.

Je reçois des visites qui me font perdre un temps bien précieux. C'est à présent surtout que mes journées sont chères. Ta tante m'a fait demander si je tenais beaucoup à la voir.

Les chansons de Béranger, tirées à dix mille exemplaires, ont été vendues en huit jours. On en fait une autre édition. On lui a ôté sa place; il s'en moque; il en trouvera d'autres chez des banquiers ou négocians, ou dans des administrations particulières. Il était là simple copiste

expéditionnaire. On ne sait s'il sera inquiété; je ne le crois pas. Il a pourtant chanté des choses qui ne se peuvent dire en prose.

Mes drogues se vendent aussi très-bien, et le marchand est venu m'annoncer ici que nous pourrions bientôt compter ensemble. Je crois que j'ai bien fait de m'en tenir au marché à moitié. On le dit honnête homme; et c'est pour commencer. Je le tiens par l'espérance.

A MADAME COURIER.

Le 3 ou 4 novembre 1821.

Violet-le-Duc m'est venu voir avec Bobée. Il veut avoir mes notes sur Boileau. Je serai obligé de leur donner quelque chose qui me fera perdre un temps infiniment précieux.

B, vient aussi me tourmenter : il m'a tenu trois heures aujourd'hui. La perte de ces heures est irréparable pour moi et pour mon Longus qui s'imprime. Il est probable que jamais je n'aurai le temps d'y rétoucher après cette édition, qui n'est cependant pas telle que je la voudrais. J'ai heureusement donné quelques touches imperceptibles à ma lettre à Renouard, qui, sans y rien changer, raniment quelques endroits, met

tent des liaisons qui manquaient. Je suis assez content de cela.

Je relis ton excellente lettre. Toute réflexion faite, je suis bien aise que tu sois jeune, pour moi et pour notre fils. Je lui parlais hier tout haut sans y penser. Tes détails me ravissent.

Il fait un bien beau temps. Que je serais heureux avec toi et notre cher Paul! Il faut lui garder toutes nos lettres, afin qu'il voie quelque jour combien il a été aimé. Je ne puis me consoler d'avoir perdu celles de mon père.

A MADAME COURIER.

mmm

Le 31 octobre 1821.

J'ai reçu tes divines lettres dont la dernière est du 26. J'en ai eu trois à la fois qui m'ont rendu bien heureux. Je t'avoue que l'endroit où tu me parles de tes talens enfouis, perdus, m'a fait pleurer. J'ai eu bien peur que quelqu'un n'entrât chez moi, car on n'aurait su ce que c'était. Pourquoi n'ai-je pas eu seulement ton portrait? Tu as bien fait de ne pas aller au déjeuner. Il est sûr que tu as bien fait, car ne voyant personne ordinairement, il eût été mal de voir du monde en mon absence. Cela aurait fait croire que je te te

nais malgré toi dans la solitude. Je comprends à merveille comment tu as accepté sans le vouloir. Cela m'est arrivé mille fois.

'La lettre que je t'envoie est du frère de Dupin le fameux avocat. Ce frère est lui-même fameux par de fort bons ouvrages sur l'Angleterre. Je t'envoie cela, parce que tu aimes à voir les succès de

ton mari.

A MADAME COURIER.

Sainte-Pélagie, jeudi 8 novembre 1821.

On a donné ma dernière brochure à éplucher à un substitut, pour voir s'il n'y aurait pas moyen de me faire un second procès. On prétend qu'elle ne sera point attaquée, et je l'espère. Je ne conçois même pas qu'on y puisse rien attaquer. Tout se réduit à dire que de Broë est un sot. Ainsi je suis fort tranquille, et tu ne dois point t'inquiéter.

J'ai vu d'autres personnes que tu ne connais pas. Cousin est très-malade de la poitrine. Quoique je sois fort occupé, mon temps passe bien lentement. Je suis moins patient que ceux qui ont cinq ans à demeurer ici. Une prolongation në me plairait nullement. Mais cela n'est pas

craindre.

à

A MADAME COURIER.

[ocr errors]

Le 16 novembre 1821.

Me voici levé à quatre heures, et l'homme qui tousse toujours m'empêche de travailler. Je l'écoute, et il me semble que j'ai mal à la poitrine.

Je quitte à l'instant Béranger, qui va être jugé, et sans doute condamné. J'ai vu le député qui se nomme comme ton charretier de Saint-Avertin. C'est un brave homme; il est de mon âge, et il a une jeune femme. Mais cette femme n'est pas une Minette; elle aime la dépense et le plaisir.

Madame Shoenée est venue ici voir un prisonnier son parent. Elle a fait un éloge de toi qui a charmé toutes ces bonnes gens. Ils sont venus me le redire, et je suis convenu avec eux qu'il en était quelque chose.

Samedi.

J'ai reçu tout à l'heure un colonel fameux' dont je te dirai le nom. Je le crois homme de mérite, et je ne m'étonne pas qu'il ait l'ambition de se distinguer.

1 Fabvier.

« PreviousContinue »