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chissent ensuite qu'on n'aperçoit pas le besoin de remuer l'encre dans un encrier tout nouvellement préparé, dans un temps où, par la disposition naturelle de l'atmosphère, l'encre se conserve pendant plusieurs jours coulante et fluide. Bien plus, elles songent que puisqu'il s'agissait simplement de collationner, l'occasion d'écrire était rare. Mais qu'on admette toutes ces explications, on dit alors: Il faut convenir ou que la plume ainsi souillée d'encre tomba sur la feuille qui, se trouvant par hasard sur la table, fut ensuite placée dans le manuscrit pour servir de marque, ou bien qu'étant d'abord tombée sur la table elle fut ensuite jetée par mégarde sur la feuille. Supposons le cas où la feuille serait venue à tomber sur la plume, tout le monde comprendra que le contact a dû être si léger que la feuille n'a pu s'imbiber d'une assez grande quantité d'encre pour produire une tache si épaisse, si étendue et si pénétrante ; on le conçoit d'autant moins que la plume étant d'abord tombée sur la table, a dû se décharger d'une partie de l'encre. Admettons maintenant que la plume ait été posée, ainsi remplie d'encre, sur la feuille; mais alors M. Courier l'aurait certainement vue cette feuille,. et il n'aurait pas été assez cruel pour la placer comme marque dans un manuscrit si précieux; d'autant plus que cette marque était fort inutile, puisque le supplément avait été plusieurs fois collationné par nous sur le manuscrit, et qu'il était depuis longtemps copié! et quand il n'y eût pas fait attention, ce qui paraît impossible, cette feuille n'eût pu manquer d'être

aperçue, soit par mon sous-bibliothécaire, soit par moimême; quoique l'un de nous deux fat toujours présent tout le temps que dura le travail de M. Courier, il faut déclarer que nous ne le vîmes jamais faire de marques dans le manuscrit. Il faut que M. Courier ait profité, ce jour-là, pour placer cette feuille, de la courte absence que le sous-bibliothécaire fut forcé de faire pour la satisfaction de quelques besoins urgens et inévitables.

En outre, on ne sait pas expliquer d'une manière plausible, qui, dans diverses parties de la page, a distrait l'ancienne écriture, qui certes était intacte auparavant, à l'exception de quelques parties que le temps avait presque effacées, et dont la lecture lui eût été impossible si nous ne lui eussions prêté les secours nécessaires.

Mais ce qui révolte non seulement les savans, mais toutes les personnes de sens, c'est d'avoir refusé avec ingratitude, après l'avoir solennellement promis, une copie de ce passage à une Bibliothèque où il avait été si bien reçu.

Tous ceux qui ont entendu parler de cet évènement se livrent à ces réflexions et à d'autres encore. Quant à moi, je ne vous ai raconté ces faits que dans l'intérêt de l'histoire, et nullement dans une autre vue; je ne dois pas scruter les pensées et les sentimens des autres, averti que je suis à cet égard par ce conseil d'Euripide :

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C'est à M. Courier, qui seul connaît très-bien les véritables circonstances qui ont malheureusement concouru à faire périr une partie précieuse de l'un des plus fameux manuscrits de l'Europe, c'est à lui qui a fait disparaître un passage si intéressant d'un auteur classique dans le lieu même où cet auteur avait été conservé, et où il avait été admis à le consulter; c'est à lui, dis-je, à se justifier en face du monde savant de son inadvertance et du dommage irréparable qu'il a causé.

Mais je pense que je vous ai causé assez d'ennui et de chagrin; je finis en vous souhaitant de la santé et du bonheur. Adieu.

De la Bibliothèque Médico-Laurentine.-Florence, le 5 février 1810.

FRANCESCO DEL FURIA.

FIN DU QUATRIÈME VOLUME.

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Sur le mérite des orateurs, comparé à celui des athlètes. 405

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421

423

Traduction en vers du psaume Super flumina Babylonis.....

Mémoires de Furia, sur la tache d'encre du manuscrit

de Longus...

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