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si l'on en vient corps à corps, on tire à soi son adversaire, et on le repousse tout d'un coup; cela est fort propre à désarçonner; mais celui qui se sent tiré, qu'il se serre sur l'autre, cheval contre cheval, ce sera lui qui l'abattra bien plutôt qu'il ne tombera '.

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1 ́ Les chroniques de Sicile rapportent que le roi Richard Cœur-deLion étant à Messine, se promenait un jour à cheval avec quelques seigneurs de sa cour. Vint à passer un paysan qui menait un âne chargé de cannes. Le roi et ses courtisans, Par manière de jeu, dit le chroni« queur, prenant de ces cannes, s'en portaient des bottes, comme si c'eus« sent été lances ou espadons, et les cannes rompues, ils en venaient aux mains, se colletant, et tirant l'un l'autre à se désarçonner, et quand il << en tombait quelqu'un, c'étaient de grandes risées. Or il arriva que le roi luttant avec Guillaume Desbarres, gentilhomme breton et vaillant capitaine, la selle dudit roi tourna, et il tomba sous son cheval, et ainsi porté par terre, il semblait vaincu, dont bien lui fåchait, et non << moins au brave capitaine, qui trop tard connut la folie que c'est de se

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« jouer à son maître; car le roi, plein de dépit, se remit en selle sans mot dire, et jamais depuis ne lui voulut de bien. »

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C'était là ce qu'on appelait le jeu des cannes, fort en usage au commencement du quinzième siècle, comme on le voit par le conte du Piovano Arlotto, où il en est fait mention.

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Au reste tous les exercices que recommande ici Xénophon se pratiquent en Orient. On peut voir ce que les voyageurs disent de la cavalerie des Seykes si redoutée dans le nord de l'Asie. Dallowai, parlant des Turcs: « Ils se livrent à une espèce d'exercice militaire appelé dijirit. Deux ou plusieurs combattans, sur des chevaux très-vifs, sont armés d'une baguette blanche d'environ quatre pieds de long, qu'ils se lancent l'un à « l'autre avec une grande violence. L'adresse consiste à éviter le coup et à poursuivre l'antagoniste dans sa retraite, à arrêter son cheval au galop, « ou à se baisser assez sans quitter la selle pour ramasser le dijirit à terre. » Cela se rapporte à ce que dit Pietro della Valle qui compare aussi cet exercice à celui des cannes. « Fanno il giuoco delle canne, nel quale e per << passatempo e per insegnamento d'atteggiare à cavallo, con certi bastoni corti, (in vece delle canne che noi usiamo,) che a chi colgono non de

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Lorsqu'on escarmouche devant un camp, poursuivant son adversaire jusqu'à la ligne ennemie, et fuyant jusqu'à la sienne, là il est bon de savoir que tant qu'on est près des siens, le meilleur et le plus sûr est, d'abord en se retournant, de lancer son cheval et de presser l'ennemi; arrivé près de la ligne ennemie, on ralentira son allure. C'est ainsi que l'on profitera de tous ses avantages, et qu'on pourra faire à l'ennemi tout le mal possible, avec le moins de risques pour soi.

En un mot, l'homme instruit l'homme, au moyen de la parole que les dieux lui ont donnée: mais on ne peut, avec la parole, rien apprendre à un cheval; c'est en le récompensant lorsqu'il a fait votre volonté, et le punissant lorsqu'il y manque, que vous lui ferez comprendre ce qu'on exige de lui. C'est là la règle générale et le résumé pour ainsi dire de tout l'art de l'équitation. Par exemple, il recevra le mors volontiers, si après qu'il l'a reçu, on lui fait quelque bien dont il se souvienne, et de même il sautera, ou fera telle autre chose qu'on lui demandera, s'il s'attend à obtenir, en obéissant, la cessation de quelque peine.

<< vono fare troppo buon servigio, sogliono tutto il giorno esercitarsi. » Lettre de Constantinople, 25 cctobre 1614.

La chicane, ou jeu de paume à cheval usité à Constantinople sous les empereurs grecs, n'a rien de commun avec ceci.

Voilà donc ce qu'il faut observer pour n'être point trompé lorsqu'on achète soit un cheval, soit un poulain, et pour ne point non plus le gâter en s'en servant, surtout si on veut le rendre tel que doit être un cheval de guerre. Peutêtre ne sera-t-il pas hors de propos maintenant de marquer comment on devra traiter un cheval ou fougueux ou paresseux, si par hasard on se trouve dans le cas d'en monter de pareils. Il faut savoir premièrement que la fougue est au cheval ce que la colère est à l'homme; et comme un homme ne se met point en colère si on ne l'offense en actions ou en paroles, de même un cheval, quelqu'impatient qu'il soit, ne se fâchera jamais si on ne lui fait quelque déplaisir. Le premier point sera dans l'action de monter à cheval, d'éviter avec soin tout ce qui peut le chagriner; puis, lorsqu'on sera en selle, on doit d'abord se tenir tranquille un peu plus qu'il n'est d'usage aux autres chevaux, ensuite le mettre en mouvement par des aides très douces; et ainsi partant de l'allure la plus lente, l'accélérer par degrés, de sorte qu'il se trouve au galop sans pour ainsi dire s'en être aperçu. Toute aide brusque trouble un cheval impatient, comme tout ↑ bruit, toute apparition, toute sensation soudaine trouble l'homme généralement le cheval appréhende et se brouille à tout ce qui est trop subit. Si sa fougue l'emporte, pour s'en rendre

le maître, il ne faut pas tirer la bride tout à coup, mais la ramener doucement à soi, et, par gradations, le réduire sans violence. Les courses droites le calmeront mieux que les voltes et contre-voltes, et si on les fait non rapides, mais longues, elles arrêteront, sans l'irriter, le cheval impatient. Que si quelqu'un, en le faisant courir à perte d'haleine, pense l'adoucir, il se trompe; car alors sa fougue naturelle se changeant en fureur, plus on le pousse, plus il s'emporte, et souvent ainsi qu'il arrive à l'homme dans la colère ) il se fait à lui-même et à qui le monte des maux sans remède. Il faut retenir le cheval fougueux et l'empêcher de trop se lancer, mais surtout éviter les courses de cheval contre cheval à l'envi l'un de l'autre; car presque toujours ceux qui montrent le plus d'ardeur et d'émulation deviennent les plus impatiens.

Le mors vaudra mieux doux que dur; mais si on emploie un mors dur, il faut le rendre doux par la légèreté de la main. Il est bou de s'accoutumer à garder en selle l'immobilité, surtout si on monte un cheval impatient, et à ne le toucher que par les points qui doivent être en contact pour que l'homme soit bien assis.

Le cheval apprendra encore, et c'est une leçon nécessaire, à se calmer lorsqu'on le pipe, et à s'animer au temps de langue : mais si dans les commencemens, on joint les caresses au temps

de langue, et la rigueur au piper, il prendra l'habitude contraire, se calmera au temps de langue, et s'animera aussitôt qu'il s'entendra piper.

Il faut éviter soi-même d'éprouver, au son de trompette, ou au cri de la charge, aucun tressaillement dont le cheval s'aperçoive, et encore plus de rien faire alors qui puisse le troubler; mais, autant qu'on pourra en pareille rencontre, on tâchera de le rendre tranquille, et même, s'il est possible, on le fera manger au bruit. Après tout, le meilleur conseil qu'on puisse suivre, c'est de n'avoir point pour la guerre de chevaux trop ardens. Quant au cheval lâche et paresseux, c'est assez de dire qu'il faut avec lui employer les traitemens contraires à ceux qu'on a prescrits pour les chevaux fougueux.

Si quelqu'un inontant un bon cheval de guerre, veut le faire paraître avantageusement, et prendre les plus belles allures, qu'il se garde bien de le tourmenter, soit en lui tirant la bride, soit en le pinçant de l'éperon ou le frappant avec un fouet, par où plusieurs pensent briller; mais de tels moyens produisent justement le contraire de ce qu'on en attend: car, obligeant le cheval à porter au vent, on l'empêche de voir devant lui, et on le fait marcher en aveugle; en le piquant et le battant on le désespère, non sans danger pour soi-même : d'ailleurs, ainsi maltraité, il se déplaît

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