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V. Lucullus porta ses armes triomphantes bien plus loin que Cimon, il fut le premier des Romains qui franchit le mont Taurus à la tête d'une armée, qui traversa le Tigre, prit et brûla, sous les yeux mêmes de leurs rois, les villes royales de l'Asie, Tigranocerte, Cabires, Sinope et Nisibe, soumit avec le secours des rois arabes, dont il avait gagné l'affection, les provinces du nord jusqu'au Phase, celles du levant jusqu'à la Médie, et celles du midi jusqu'à la mer Rouge. Il brisa la puissance des rois à qui il faisait la guerre; il ne manqua à sa gloire que de s'être emparé de leurs personnes; ce qu'il aurait sûrement fait, si, comme des bêtes sauvages, ils ne se fussent sauvés dans des déserts inaccessibles et des forêts impénétrables. Une preuve sensible de la supériorité de Lucullus sous ce rapport, c'est que les Perses, comme s'ils n'avaient rien souffert de la part de Cimon, se trouvèrent aussitôt après sa mort en état de résister aux Grecs, et qu'en Égypte ils taillèrent en pièces la plus grande partie de leur armée; mais les exploits de Lucullus laissèrent Tigrane et Mithridate dans l'impuissance de rien entreprendre. Le dernier, affaibli déjà et presque détruit par ses défaites précédentes, n'osa pas même une seule fois montrer ses troupes à Pompée hors de leurs retranchements, et s'enfuit dans le Bosphore, où il mourut. Tigrane, nu et sans armes, se prosterne aux genoux de Pompée; et mettant à ses pieds son diadème, il cherche à le flatter par le don d'un ornement qui ne lui appartenait plus, et qui était dû au triomphe de Lucullus. La joie qu'il témoigna lorsque Pompée lui rendit cette marque de la royauté était une preuve qu'il l'avait déjà perdue. Celui-là donc doit passer pour meilleur général comme pour meilleur athlète, qui livre son rival plus affaibli au nouvel adversaire qui doit le combattre.

VI. D'ailleurs, quand Cimon fit la guerre au roi de Perse, il trouva sa puissance et la fierté de ses peuples sensiblement affaiblies par leurs premières défaites, par les déroutes que leur avaient fait éprouver Themistocle, Pausanias et Léothychidas. En les attaquant dans cet état de faiblesse, il lui était facile d'abattre des corps dont les âmes étaient déjà vaincues et défaites. Au contraire, Lucullus avait dans Tigrane un ennemi jusqu'alors invincible, et dont les nombreuses victoires avaient singulièrement enflé son courage. Si nous comptons le nombre des ennemis qu'ils ont eu à combattre, on ne saurait comparer ceux que défit Cimon avec ceux que Lucullus eut en tête (70). Il n'est donc pas facile de prononcer lequel de ces deux personnages mérite la préférence. Les dieux eux-mêmes les ont également favorisés; ils ont fait connaître à l'un ce qu'il devait faire, ils ont averti l'autre de ce qu'il devait éviter. Ainsi, la divinité même leur a donné

son suffrage, et les a déclarés tous deux des hommes que leur vertu faisait participer à la nature divine.

NOTES

SUR LA VIE DE LUCULLUS.

(1) Lucius Licinius Lucullus, aïeul de celui dont Plutarque écrit la vie, fut consul avec Aulus Posthumius Albinus, l'an de Rome six cent trois, cent cinquante et un ans avant l'ère chrétienne.

(2) Quoique Lucullus poursuivit l'accusateur de son père, et qu'on pût le soupçonner de n'écouter en cela que son ressentiment, cette démarche fut néanmoins approuvée, parce qu'à Rome, comme le dit Plutarque, on estimait les jeunes gens qui se portaient pour accusateurs. Aussi les Romains des familles les plus distinguées s'exerçaient-ils à plaider de bonne heure, soit pour accuser, soit pour dé fendre leurs concitoyens ; et c'était un des premiers et des plus puissants moyens qu'ils eussent pour s'insinuer dans les bonnes grâces du peuple, et s'ouvrir la route des hon

neurs.

(3) C'est-à-dire la langue latine et la langue grecque. Celle-ci, dans ces derniers temps, était devenue très-commune à Rome. Rien n'était si ordinaire que de voir des Romains aller passer quelques années à Athènes pour s'y instruire à fond de la littérature grecque, et y puiser ce goût exquis, cette élégance et cette finesse dont cette ville

était le centre.

(4) Les Romains, pendant longtemps, n'avaient guère cultivé l'éloquence que pour les affaires civiles et politiques; ils faisaient même peu de cas des autres objets auxquels on pouvait l'appliquer, tels que la philosophie et la littérature. Cependant, à cette époque, tous les genres de littérature, et en particulier celle des Grecs, étaient trèscultivés à Rome, comme on vient de le dire dans la note précédente.

(5) C'est la guerre sociale, qu'on appela aussi Marsique, parce que les Marses, peuple très-brave de l'Italie, entre les Sabins à l'orient et le lac Fucin à l'occident, furent les premiers qui prirent les armes. Elle commença après la mort de Drusus, l'an de Rome six cent soixante-quatre, quatre-vingt-dix ans avant J. C.

(6) Ces navires rhodiens, suivant la signification du terme, étaient des birèmes, ou vaisseaux à deux rangs de rames, qui étaient d'un grand usage sur mer. Les Rhodiens eurent longtemps une grande puissance sur mer; leurs lois commerciales furent adoptées par les Romains, et elles ont servi de base à l'ordonnance de Louis xiv sur la marine.

(7) Plutarque a déjà rapporté la députation que les habitants de Cyrène envoyèrent à Platon pour le prier de venir chez eux et de leur donner des lois. Platon leur ré

pondit qu'ils étaient trop attachés à leurs richesses, et qu'il

ne croyait pas qu'un peuple dans cet état pût être soumis aux lois.

(8) Quel est ce Ptolémée? Palmérius prétend que c'est celui qui eut le surnom d'Aulétès. Mais il ne commença à régner en Égypte que l'an de Rome six cent quatre-vingtneuf, avant J. C. soixante-cinq, longtemps après la mort de Sylla, arrivée l'an de Rome six cent soixante-seize. Ce ne peut être Ptolémée-Lathyre, qui avait régné pour la

première fois dès l'an de Rome six cent trente sept, puisque Plutarque nous dit que celui dont il parle était fort jeune. C'est donc ou Alexandre n, ou Alexandre in.

(9) Pitane, ville de la Troade, baignée par le fleuve Événus, avait deux ports: c'était la patrie d'Arcésilas, philosophe académicien, disciple de Polémon. Voyez Stra bon, liv. xm, p. 614.

(10) Valérius Flaccus, qui commandait en Asie en qualité de proconsul, s'étant rendu odieux aux soldats par son avarice, il s'excita dans son camp une sédition générale; Fimbria, qu'il envoya pour l'apaiser, embrassa le parti des troupes, et tua Flaccus, dont il était le lieutenant. Les soldats lui déférèrent l'autorité proconsulaire; et le sénat, quoique indigné d'un attentat si contraire aux lois, fut forcé par les circonstances à le souffrir. Suppléments de Tite-Live, liv LXXXII, chap. LXI.

(11) Il y a dans le grec, par une fortune divine; les philosophes, et surtout les pythagoriciens, entendaient par fortune divine l'union de la volonté de l'homme avec le jugement et la détermination de Dieu, qui préside à tout et règle tout.

(12) Le promontoire de Lectum sépare la Troade de l'Eolie; Ténédos est sur cette côte, en face de l'île de Lesbos. Strabon, liv. xш, p. 581 et 604.

(13) Élée était sur la côte d'Asie, vis-à-vis de Mitylène, ville de l'île de Lesbos, qui avait un port et une rade, et dont on attribuait la fondation à Mnesthée, roi d'Athènes, et à ceux qui l'accompagnèrent au siége de Troie. Strabon, liv. xi, p. 622.

(14) Plutarque regarde comme un bienfait de la Providence pour Lucullus, de l'avoir tenu loin de l'Italie, dans ces temps affreux qui furent souillés par tant de crimes, auxquels il lui eût été bien difficile de ne pas prendre quelque part; ou s'il eût voulu s'y opposer, il n'aurait fait vraisemblablement qu'accroître le nombre des victimes. C'est une chose qu'on ne peut trop faire observer, surtout dans notre siècle, que cette attention de notre historien à rapporter à la Providence les événements même les plus ordinaires; on peut donc le faire sans être superstitieux, car j'ai prouvé dans la vie de Plutarque qu'il ne l'était pas.

(15) Ce fut la troisième année de cette olympiade, un an avant le commencement de la guerre de Spartacus et la mort de Sertorius, l'an de Rome six cent quatre-vingts, soixante-quatorze ans avant notre ère.

une loi qui permettait d'offrir des victimes artificielles, quand on ne pouvait pas en avoir de naturelles. Voyez Hérodote, liv. II, chap. XLVI.

(22) On voit par l'événement que le joueur de flûte de Libye est le vent du midi, appellé en latin Africus, et que la trompette du Pont désigne les machines de Mithridate, roi de Pont, déjà toutes dressées pour l'assaut, et qui n'at tendaient plus que le signal des trompettes.

(23) Rivière de la Phrygie, qui prend sa source dans le canton appelé Azanite, et qui coulant du sud-est au nordouest, après avoir passé à Apollonie, se jette dans la Propontide, auprès de Cyzique. Strabon, liv. xIII, p. 576.

(24) Le passage de Salluste n'est point dans ceux de ses ouvrages qui nous sont parvenus. Les historiens sont remplis de preuves que, bien avant cette époque, les Romains avaient vu des éléphants. Voyez Tite-Live en plusieurs endroits, et en particulier liv. XXXVII, chap. XL.

(25) Les mystères de Samothrace, île de la mer Égée, près de la Thrace, étaient extrêmement célèbres, et attiraient le concours et les hommages de presque tous les peuples connus. Les prêtres qui en avaient l'intendance étaient appelés Cabires. - Héraclée, dont il est question ensuite, était dans la Bithynie; mais cette province ayant été subjuguée par les rois de Pont, fut comprise sous le nom général de Pont. Voyez dans Strabon la description du Pont, liv. XII, p. 541 et suiv.

(26) C'était une opinion généralement reçue chez les anciens, que les paroles hautaines et superbes déplaisaient aux dieux et attiraient leur colère. Voyez l'exemple de Niobé dans Horace, ode sixième, liv. iv.

(27) Priapus, ville maritime, avec un port, dans la Mysie, sur l'Hellespont, près de l'embouchure de l'Ésèpe et du Granique; les uns attribuaient sa fondation aux Milésiens; les autres, à ceux de Cyzique. Strabon, liv. xш, p. 587 et 588. Il ne faut pas la confondre avec une petite île du même nom, près des côtes de l'Ionie, à la hauteur d'Ephèse. Quoique cette ville fût consacrée à Priape, Diane y avait un temple; le culte de cette déesse était très-répandu, comme le prouvent les différents surnoms de Persique, de Taurique, etc. donnés à Diane.

(28) Thémiscyre est le nom d'un canton et d'une ville entre le fleuve Thermodon, si fameux par le voisinage des Amazones, et l'Iris qui vient se décharger dans le PontEuxin, à l'occident du Thermodon.

(29) Ce n'était pas du défaut de butin qu'ils se plai(16) La sophistique, dit Philostrate au premier livre des gnaient, puisqu'ils en regorgeaient, et qu'ils étaient obliVies des Sophistes, dans la préface, était la rhetorique ap-gés de le consumer ou de l'abandonner; mais ils regrettaient pliquée aux objets de la philosophie. Le mot de sophiste ne fut pris que plus tard dans la mauvaise acception où on le trouve ici.

(17) Appien, dans ses Guerres de Mithridate, p. 223, le nomme Varius. Cependant le nom de Marius est ici assez vraisemblable; car il y eut d'autres familles de ce nom que celle du fameux Marius; et comme Sertorius était du parti de ce dernier, il est probable qu'il avait dans son armée quelque officier de ce nom-là.

(18) Il y avait là, dit Strabon, liv. x11, p. 975, une ville qui portait ce nom, et d'où le pays voisin avait tiré sa dénomination. La déesse Némésis, dont Adrastie ou Adrastée est un surnom, y avait un temple, consacré, dit-on, par Adraste.

(19) Cyzique est située à la pointe de la péninsule, de manière qu'elle est regardée comme une île par les anciens. Voyez Strabon, liv. xII, p. 576; Pline, liv. v, chap. CCXXI, et Etienne de Byzance.

(20) Voyez Florus, liv. III, chap. v, où il raconte la manière dont Démonax parvint jusqu'aux assiégés, à travers les vaisseaux ennemis.

(21) Cette pratique, fort ancienne, était autorisée par

l'argent comptant qu'ils auraient trouvé dans ces villes, dont le pillage les aurait enrichis.

(30) Les Tibaréniens et les Chaldéens étaient à l'orient du fleuve Thermodon; mais il faut bien distinguer ces Chaldéens du peuple qui habitait la Chaldée; ceux-ci étaient au midi et au couchant de la Babylonie, vers l'Arabie et le golfe Persique. Amisus était situé sur le PontEuxin, entre les fleuves Iris et Alys, à l'occident du premier. Strabon, liv. xu, p. 547 et 548.

(31) La Syrie s'étend du nord au midi, depuis les monts Taurus et Amanus, qui enferment la Cilicie, le long de la mer Méditerranée. La Palestine est située à l'extrémité méridionale de la Syrie, et s'étend le long de la Méditer. ranée jusqu'à l'Arabie pétrée, à son orient et à son midi, et l'Égypte à son couchant. La Médie est au sud-est de l'Arménie, qui elle-même confine aux pays des Cabires, situés au sud-est des Tibaréniens, dont nous avons parlé dans la note précédente.

(32) Plutarque ne dit pas quels étaient ces Grecs; mais. il y a quelque apparence que c'était de ceux que Tigrane avait transportés en Arménie.

(33) Le iac appelé Palus-Méotides, au nord du Pont

Euxin, entre l'Europe et l'Asie, se réunit à cette dernière mer par un détroit nommé le Bosphore Cimmérien, resserré entre la Chersonèse Taurique à l'occident, et la pointe orientale de l'Asie. Il ne faut pas confondre ce Bosphore ni cette Chersonèse avec le Bosphore et la Chersonèse de Thrace, à l'extrémité sud-ouest du Pont-Euxin. Les Dardariens sont à l'orient du Bosphore Cimmérien.

(34) Sans ce meurtre, Lucullus aurait eu en sa possession tous les papiers de Mithridate, et aurait pu être informé de tous ses desseins.

(35) Pharmacie, ville maritime du Pont Polémonique ou Cappadocien, dans le pays des Chaldéens.

(36) Cet ingénieur faisait à Amisus, contre Lucullus, ce qu'Archimède, cent vingt ans auparavant, avait fait à Syracuse contre Marcellus.

(37) C'est le consul Mummius qui, l'an six cent huit de Rome, prit et brûla Corinthe, la même année que Carthage fut détruite.

(38) M. Dacier applique aux Amiséniens le traitement généreux de Lucullus; c'est peut-être une faute d'impression, car sûrement il s'agit ici des Athéniens qui se trouvaient dans la ville à l'époque où elle fut prise, puisque Plutarque vient de dire que ceux qui fuyaient la cruauté d'Aristion, tyran d'Athènes du temps de Sylla, se réfugiaient à Amisus. Pour le grammairien Tyrannion, dont il est question tout de suite, voyez ce que nous en avons dit dans les notes sur la vie de Sylla, note 47.

(39) Cette ville fut nommée ainsi à cause d'un bois consacré à Apollon et à Daphné, dont l'aventure, disait-on, était arrivée en cet endroit. Cette ville était située dans la partie de la Syrie qui porta son nom.

(40) La Gordyenne, ou le pays des Gordyens, était dans l'Assyrie, suivant Strabon, liv. XVI, p. 747.

(41) Ces Arabes scénites, c'est-à-dire, qui vivaient sous des tentes, habitaient, suivant Strabon, ibid. la partie méridionale de la Mésopotamie, dans des lieux arides et stériles. Ils étaient pasteurs, vivaient de rapines et de brigandages, et changeaient souvent de demeure.

(42) Ce Métrodore de Scepsis est postérieur de deux cent cinquante ans au disciple d'Épicure du même nom, lequel était de Lampsaque. Scepsis, ville de la Mysie, près du mont Ida; Strabon, liv. xi, p. 603, la nomme Pales. cepsis, ou l'ancienne Scepsis.

(43) Amphicratès veut faire entendre que la ville de Séleucie n'était pas assez considérable pour occuper un homme de son mérite. On reconnaît à cette réponse l'orgucil ordinaire des sophistes.

(44) Strabon parle aussi de cet Autolycus, liv xi, p. 546, et dit que Lucullus s'étant rendu maître de Sinope, conserva avec soin tous les ornements de la ville, et qu'il prit seulement la sphère de Billarus et la statue d'Autolycus, ouvrage du sculpteur Sthénis; il ajoute que les habitants de Sinope regardaient cet Autolycus comme le fondateur de leur ville, qu'ils lui rendrait les honneurs divins, et qu'il y avait un oracle. Il croit que ce fut un de ceux qui accompagnèrent Jason à la conquête de la Toison d'or, et qu'à son retour il s'établit dans ce lieu-là. Sinope était dans la Paphlagonie, près du fleuve Halys, sur le Pont-Euxin.

(45) Apollonius de Rhodes et Valérius Flaccus, dans leurs poëmes sur l'expédition des Argonautes, l'appellent Déiléon.

(46) Cette coutume était commune aux Grecs et aux Barbares; ils avaient des troupeaux consacrés à quelqu'une de leurs divinités, qui paissaient librement dans les campagnes, et auxquels on ne touchait que pour en offrir des victimes au dieu à qui ils appartenaient. Tels étaient les bœufs du Soleil, dont il est parlé dans l'Odyssée. La torche dont ces génisses portaient l'empreinte convenait à

Diane, qui avait le surnom de Lucifera, comme étant l'astre de la nuit. La coutume de marquer les animaux avec un fer est fort ancienne, car il en est parlé dans Anacréon.

(47) L'Adiabène, que Strabon, liv. XVI, p. 745, place à l'occident de la Mésopotamie, avait porté anciennement, suivant Ammien Marcellin, liv. xxш, chap. vi, le nom d'Assyrie. Les Gordyéniens y confinent, et la Cappadoce est un peu plus loin en tirant vers le Pont.

(48) C'est le golfe Persique, que Plutarque appelle la mer de Babylone. L'Albanie, dont il est parlé ensuite, est à l'occident de la mer Caspienne; l'Ibérie touche à l'Albanie, entre la mer Caspienne et le Pont-Euxin; l'Araxe est une rivière qui prend sa source dans le mont Taurus en Arménie, et se jette dans la mer Caspienne.

(49) M. Dacier soupçonne ici une altération dans le texte, qui, tel qu'il est, présente une contradiction dans la réponse de Lucullus; je partage cette opinion.

(50) Il y a dans le texte, Scipion; mais c'est une faute de copiste il s'agit de Cépion, qui fut battu par les Cimbres, l'an de Rome six cent quarante-neuf. Le mot de Lucullus est très-beau, et respire cette noble confiance si propre à en inspirer aux autres.

(51) C'est apparemment le philosophe stoïcien de ce nom, qui était un peu plus ancien que Strabon dont il est question tout de suite, et qui, outre son excellente Géographie, avait composé des Commentaires historiques, utiles pour les mœurs et pour la politique, que nous avons perdus. Cicéron avait été disciple d'Antiochus, comme il le dit lui-même dans ses Académiques, liv. 11, chap. LVIII.

(52) L'Arménie est un pays très-froid, à cause des longues chaînes de hautes montagnes dont il est environné, comme le Caucase et le Taurus. Le froid y est encore trèsvif au mois de juin; et la neige dont la terre est couverte, ne fond qu'à la fin du mois d'août.

(53) Il y a dans le texte, des Satrapéniens, qui n'est le nom d'aucun peuple connu, et qu'on ne trouve pas dans les anciens géographes. Amyot a mis en note, les Atropaténiens, peuples de la Médie; il y en a qui lisent les Adiabéniens, que Tigrane regardait comme la principale force de son armée. M. Mosès Dusoul propose de lire les satrapes.

(54) Les Mygdoniens, ainsi appelés par les Macédoniens, dit Strabon, liv. xv1, p. 747, ont pour capitale Nisibis, située au pied du mont Masius, dans la patrie septentrionale de la Mésopotamie, près du Tigre. Les Grecs lui donnaient le nom d'Antioche, à cause de la beauté de son terroir, qu'ils comparaient à celui de l'Antioche de Syrie.

(55) Le Phase, fleuve de la Colchide, sur lequel Stra. bon, liv. x1, p. 500, dit qu'on avait construit cent vingt ponts; son cours est rapide et violent, et après avoir reçu plusieurs autres rivières, il se décharge dans le PontEuxin.

(56) Le terme grec est le même que celui qu'on emploie ordinairement pour désigner les préteurs; mais il parait qu'ici ce mot est pris dans une acception plus générale, comme on en voit un exemple dans la vie de Cicéron, où Plutarque, en parlant d'Othon, celui qui assigna aux chevaliers un rang distingué dans les spectacles, se sert du même mot, quoiqu'il soit certain qu'Othon était alors tribun du peuple. D'ailleurs ce n'étaient pas les préteurs qui, dans ces occasions, excitaient la multitude contre les magistrats et les généraux qu'ils n'aimaient pas, mais les tribuns, toujours sûrs de gagner le peuple par ces accusations, et d'augmenter ainsi leur crédit.

(57) La même que la mer Caspienne; on lui donnait ce nom, parce que les Caspiens et les Hyrcaniens habitaient

à son midi; les premiers vers le couchant, et les autres vers l'orient.

(58) Il y avait à Rome plusieurs cirques destinés à des jeux, et principalement à des courses de chars; le plus considérable, appelé le Grand-Cirque, avait été bâti par Tarquin l'Ancien. Celui de Flaminius prit son nom du consul qui avait donné au peuple un grand terrain, dont le produit avait été consacré à le construire. C'était une grande place environnée, comme les autres, de plusieurs rangs de bancs en amphithéâtre, de galeries, de portiques et d'autres bâtiments. Le sénat s'y assemblait souvent en descendant du Cap tole; il était affecté à la célébration des jeux apollinaires et équestres, et aux assemblées du peuple par tribus. Il était célèbre par sa verrerie, où l'on avait le secret de durcir le cristal jusqu'à résister au feu; on comptait jusqu'à huit cirques dans Rome.

(59) Plutarque parle ici des pièces satiriques qui étaient un mélange de tragique et de comique, où l'on voyait d'un côté une aventure remarquable de quelque héros célèbre; et de l'autre, les railleries souvent grossières de Silène et des satyres, comme dans le Cyclope d'Euripide, la seule pièce de ce genre qui nous soit restée.

(60) Quintus Élius Tubéro, petit-fils de Paul Émile, fut un grand philosophe, un bon jurisconsulte, un historien exact. Cicéron parle avantageusement de ses vertus et de ses mœurs dans son Brutus, chap. xxx1; mais il dit qu'il avait peu de talent pour écrire, et que la dureté de son style répondait à l'austérité de sa vie. Il devait donc être plus blessé qu'un autre de la somptuosité et de la vie délicieuse de Lucullus. Le nom de Xerxès en toge, qu'il donne à ce général, fait surtout allusion aux montagnes que Lucullus avait fait percer, et qu'on traversait sous de grandes voûtes, comme Xerxès avait entrepris de percer le mont Athos, pour y recevoir les eaux de la mer et y faire passer ses vaisseaux. La toge était la robe des Romains.

(61) Horace, dans l'épître sixième du liv. vii, vers 43 et suiv. raconte qu'un jour Lucullus ayant été prié de prêter cent manteaux de pourpre pour la représentation d'une tragédie : « Le moyen, répondit-il, d'en avoir un si grand << nombre? Cependant je ferai chercher, et je vous enverrai << tous ceux qui se trouveront chez moi. » Le lendemain, il écrivit qu'il en avait cinq mille, et qu'on pouvait les faire prendre tous, ou en partie. L'exagération du nombre des manteaux rend le conte plus piquant, et donne plus de force à la réflexion que le poëte fait à ce sujet, et que Plutarque rapporte un peu autrement qu'elle n'est dans Horace, qui dit :

Exilis domus est ubi non et multa supersunt,
Et dominum fallunt, et prosunt furibus.

« Une maison est pauvre lorsqu'il n'y a pas une multitude << de choses superflues, que le maître ne connaît pas, et qui « sont le profit des voleurs. » On voit bien que dans cette réflexion Horace n'exprime pas ses propres sentiments, mais ceux de ces hommes opulents qui font consister leur bonheur dans des richesses dont ils font si peu d'usage, qu'elles ne leur sont pas même connues.

(62) L'expression dont Plutarque se sert a beaucoup d'énergie, et renferme un grand sens. Il dit à la lettre, ses repas étaient nouvellement riches; c'est-à-dire qu'il y étalait cette vanité, cette arrogance, qui est le partage des nouveaux riches, espèce d'hommes la plus insolente et la plus méprisable, dont tous les âges n'offrent que trop d'exemples.

(63) Plutarque veut dire, par cette expression hardie, que Lucullus étalait ses richesses comme dans un triomphe on étale les dépouilles des ennemis vaincus; elle renferme ce reproche secret contre Lucullus, que le seul fruit qu'il retirât de ses victoires sur Mithridate et sur Tigrane,

c'était de mener, au sein des délices et des superfluités,' une vie aussi honteuse qu'inutile.

(64) Antiochus, dont il a été déjà question dans la note 51, était attaché à l'ancienne Académie; mais Cicéron lui reproche de l'inconstance dans ses principes, et dit qu'à trèspeu de chose près, c'était un pur stoïcien. Voyez le second livre des Académiques, chap. xix et XLII. Il a été question de Carnéade dans la vie de Caton le Censeur, chap.

XXXIV.

(65) Cicéron, après avoir fait dans son Hortensius, ouvrage que nous avons perdu, le plus bel éloge de la philosophie, entreprit de faire connaître quelle était, entre les différentes écoles qui partageaient alors la Grèce, des platoniciens, des sectateurs du Lycée et du Portique, des disciples de l'Académie et d'Épicure, celle dont il préférait la doctrine; c'était la nouvelle Académie. Il composa d'abord sur cette matière un Traité en deux livres, dont il intitula le premier Catulus, et le second Lucullus ; dans la suite il conçut un autre plan, et traita ce même sujet en quatre livres, qu'il nomma Académiques, et qu'il dédia au savant Varron. De son premier ouvrage, il ne nous reste que le second livre, qui porte le nom de Lucullus, et il ne nous est parvenu du second que les douze premiers chapitres. L'opinion de l'ancienne Académie, qu'il y a des choses que l'homme peut savoir, est de toute vérité, et rien n'est plus contraire à la raison, à la conscience, à l'expérience générale, que la doctrine de la nouvelle Académie, qui réduisait l'homme à une entière ignorance, et soutenait qu'il ne peut que douter; mais la certitude de ce doute est elle-même une vérité, et dément leur principe. (66) Cicéron, qui parle plusieurs fois de ce fait dans ses Discours pour Sextius, chap. LXIII, contre Vatinius, chap. x, et dans ses Lettres à Atticus, liv. 11, ép. xxiv, le nomme toujours Lucius Vettius. M. Dacier et Amyot disent simplement que c'était un Bruttien; mais le dernier met en note que Cicéron le nomme Vectius; il a voulu dire Vettius. Peut-être était-il Bruttien de nation.

(67) Pline, liv. xxv, chap. u, rapporte aussi que Lucullus était mort d'un breuvage qu'on lui avait donné. Ces sortes de breuvages s'appelaient philtres.

(68) Dans le passage de Platon, qui se trouve liv. I de la République, p. 363, il n'est pas question d'Orphée. Voyez cet endroit.

(69) M. Dacier a confondu sur cet article le pancratium, qui était le combat de la lutte et du pugilat tout ensemble, avec le pentathle ou quinquertium, qui était composé de cinq exercices successifs, du saut, de la course, du disque, du javelot et de la lutte. Pour Amyot, il a traduit qu'ils étaient proclamés, non vainqueurs, mais victoires, pour leur faire plus d'honneur. Le grec dit seulement, victoires; mais c'est une faute reconnue depuis longtemps. Il ne faut pas traduire, comme il a fait par «< une étrange coutume. >> Plutarque n'a jamais pu dire qu'il fût étrange d'appeler les vainqueurs nikai, mot qu'Amyot a traduit par victoires. Il n'ignorait pas qu'on nommait les magistrats par le mot qui répond chez nous à magistratures. Mais la vérité est qu'il n'y a aucune trace de cette dénomination donnée aux pancratiastes, et que des deux mots qui dans le texte expriment étrange et victoires, il faut, suivant la conjecture de Henri Estienne, en faire un seul, qui signifie alors qu'on était dans l'usage d'appeler les pancratiastes vainqueurs extraordinaires. M. l'abbé Fraguier, cité par M. Dacier dans sa note, regardait aussi les mots du texte qu'Amyot a rendus par « une étrange coutume » comme une glose qui, de la marge, où elle avait été mise pour faire remarquer cette coutume, avait passé dans le texte.

(70) La manière dont Plutarque s'explique ici est un peu équivoque; on ne voit pas d'abord bien clairement auquel des deux il donne ce dernier avantage, et ce n'est que la

suite qui en détermine le sens. En effet, si après avoir donné à Lucullus les deux avantages dont il vient de par. ler, il lui attribuait encore celui d'avoir eu plus d'ennemis à combattre, il n'aurait pas raison de dire qu'il est difficile de décider lequel de ces deux personnages est le plus grand, puisqu'il assurerait par là la préférence à Lucullus. Il me paraît donc qu'il la donne sur ce point à Cimon, qui, en un seul jour, défit la flotte des Perses qui était de six cents voiles, battit leur armée de terre fort nombreuse aussi,

et, sans se reposer, alla ajouter un nouveau trophée à ces deux victoires, marcha contre les quatre-vingts vaisseaux phéniciens qui venaient au secours des Perses, les prit, et tailla leurs troupes en pièces. Il défit encore une grosse escadre des Perses, vainquit les Thasiens sur mer, et battit l'armée navale des Perses. On ne trouve, dans toutes les actions de Lucullus, rien de si brillant que cette suite rapide de victoires remportées par Cimon.

FIN DU PREMIER VOLUME.

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