Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

ceux dont il a violé la propriété. C'est une grande | n'être pas content de moi dans son pays. Pour un erreur que cela, et vous le sentirez, j'espère. Ou- | même délit, on distingue les étrangers des natre que ceux mêmes qui reçoivent de lui quelque | tionaux; on ne punit point l'un comme l'autre. argent ne sont point par là satisfaits, plusieurs Et quoi de plus juste en effet? Puis-je, avec mon ne reçoivent rien, et souffrent par son fait; car hôte, en user comme je ferais avec mes enfants? nos terres, comme vous savez, étant, grâce à | Si mon hôte casse mes vitres, je les lui fais payer, Dieu, divisées en une infinité de petites portions, je le bats, je le chasse; mon fils, je le gronde et les héritages mêlés, avec ses chiens et ses pi- seulement. Vous comprenez la différence, grande queurs il ravage les champs de cent cultivateurs, sans doute, et cette loi admirable de l'alien-bill ou de mille peut-être, et n'en dédommage qu'un que je voudrais voir appliquer à M. Fisher, non seul qui a le temps et les moyens de lui faire un pas les nôtres, faites pour nous. De notre part, ce procès, c'est-à-dire le riche. Celui qui ne possède serait justice, réciprocité, représailles; non pas le qu'un arpent, un quartier, raccommode sa haie faire jouir avec nous des bénéfices d'une société comme il peut, refait son fossé; le blé foulé ce- dont il ne supporte aucune charge. Soyons, si pendant ne se relève pas, ni la vigne froissée ne vous voulez, plus polis que les Anglais, afin de reprend son bourgeon. Le bonhomme disait, du conserver le caractère national; ne chassons pas temps de la Fontaine : Ce sont là jeux de prin- | M. Fisher. Sans l'embarquer ni le conduire où ces, et on le laissait dire; mais aujourd'hui les peut-être il n'aurait que faire, prions-le de s'en princes mêmes ne se permettent plus de pareils aller et ne point revenir; enfin, délivrons-nous jeux; et l'on m'assure qu'en Angleterre, dans son de lui, qui trouble l'ordre de céans. Si vos poupays, M. Fisher ne ferait pas ce qu'il fait ici. Je voirs, Messieurs, ne s'étendent pas jusque-là, ne sais et ne veux point trop examiner ce qui en c'est un grand mal, et c'est le cas de demander est; mais vous y pourrez réfléchir, et m'enten- une loi exprès. J'en veux bien faire la pétition au dez à demi-mot. Votre pensée, sans doute, nom de toutes nos communes, et m'offre pour n'est pas qu'on doive tout endurer de messieurs cela volontiers, quelque danger qu'il puisse y les Anglais, et qu'ils puissent ici, chez nous, ce avoir, comme je le sais par expérience, à user qu'ils n'osent chez eux ni ailleurs. de ee droit aujourdhui. »

[ocr errors]

J'avais ce discours dans ma poche, et l'aurais lu au tribunal, sans y changer une syllabe; car lorsqu'il faut improviser, j'appelle mon ami Bermais comme je montais l'escalier, plus animé, plus échauffé que je ne le fus jamais, l'Anglais vint à moi, me parla, me fit parler par des personnes auxquelles on ne peut rien refuser. Que voulez-vous? Ma foi, Monsieur, l'affaire en est demeurée là. J'en suis fâché, lorsque j'y pense, car enfin l'intérêt de toute la commune a cédé, en cette rencontre, aux recommandations, sollicitations de femmes, d'amis, que sais-je ? C'est, je crois, la première fois que cela soit arrivé en France, et sans doute ce sera la dernière.

Vous jugerez celui-ci d'après nos lois françaises; vous ne sauriez guère faire autrement; et la chose même semble juste au premier coup d'œil. Cependant il y a beaucoup à dire. Si j'al-ville; lais, moi Français, en Angleterre chasser sur les terres de M. Fisher, ne croyez pas, Messieurs, que je fusse jugé d'après la loi commune, ainsi qu'un Anglais natif. Les étrangers, en ce pays- | là, sont tolérés, non protégés; une loi est établie pour eux, contre eux serait plutôt le mot. Eu vertu de cette loi, qu'on appelle alien-bill, si on faisait là quelque sottise, comme de courir avec une meute à travers vignes et guérets (il n'y a point de vignes, je le sais bien, faute de soleil, en Angleterre; mais je parle par supposition), si je commettais là de semblables dégâts, d'abord on me punirait d'une peine arbitraire, selon le bon plaisir du juge, puis je serais banni du royaume, ou, pour mieux dire, déporté; cela s'exécute militairement. L'étranger qui se conduit mal ou déplaît, on le prend, on le mène au port le plus proche, on l'embarque sur le premier bâtiment prêt à faire voile, qui le jette sur la première côte où il aborde. Voilà comme on me traiterait si j'allais chasser sur les terres de M. Fisher, ou même, -ɛans que j'eusse chassé, si M. Fisher témoignait

Je suis, Monsieur, etc.

COURRIER FRANÇAIS.

4 octobre 1823. A monsieur le Rédacteur du Courrier Français.

MONSIEUR,

Dans une brochure publiée sous mon nom en pays étranger, on attaque des gens que je ne connais point, et d'autres que j'honore. L'imposture

Qui vous empêcherait de dire un mot en passant de ma traduction de Longus, corrigée, términée enfin selon mon petit pouvoir ? Elle se vend chez Merlin; et celle-là, Monsieur, on ne l'a point critiquée; mais on a fait bien pis, on l'a persécutée. La première édition fut saisie à Florence; je fis la seconde en prison à Sainte-Pélagie; la troisième va paraitre.

est visible; peu de personnes, je crois, y ont été | matière délicate, sujet intéressant, où il est mal trompées. Cependant je vous prie, à telle fin que aisé de contenter tout le monde. de raison, de vouloir bien déclarer que cet écrit n'est pas de moi. On y parle de grands, ce que je ne fais point sans quelque nécessité; on y blâme le gouvernement d'actes, selon moi, pernicieux. En ce sens je pourrais être auteur de la brochure; mais on blâme en ennemi, ce n'est pas ma manière ; je suis aussi loin de haïr que d'ap- | prouver le gouvernement dans la marche qu'il suit; je n'en espère pas de sitôt un meilleur, et le crois moins mauvais que ceux qui l'ont précédé.

Annoncez, je vous prie, ma traduction de Longus, qui s'imprime à présent, corrigée, terminée : c'est un joli ouvrage, un petit poëme en prose, où il s'agit de moutons, de bergers, de gazons; la première édition fut saisie à Florence par ordre de l'empereur Napoléon le Grand j'imprimai le grec à Rome; il fut saisi de même. Revenu à Paris, quand il n'y eut plus d'empereur, et toujours occupé de Chloé, de ses brebis, je retouchais ma version, lorsqu'on me mit en prison à Sainte-Pélagie : ce fut là que je fis ma seconde édition; la troisième va bientôt paraître chez Merlin, quai des Augustins, beau papier, impression de Didot.

J'ai l'honneur, etc.

CONSTITUTIONNEL. - 8 octobre 1823. A Monsieur le Rédacteur du Constitutionnel. MONSIEUR,

Parlez un peu, je vous prie, dans vos feuilles, de ma belle traduction d'Hérodote, fort belle suivant mon opinion. Des personnes habiles, sur un premier essai qui parut l'an passé, en ont dit leur avis, qui n'est pas tout à fait d'accord avec le mien. Je leur réponds aujourd'hui par un autre fragment traduit du même auteur, avec une préface où je défends ma méthode, expose mes principes, montrant d'une façon claire et incontestable que j'ai raison contre la critique dont pourtant je tâche de profiter : croire conseil est ma devise.

Annoncez l'édition des Cent nouvelles nouvelles, à laquelle je travaille avec M. Merlin, jeune libraire instruit, qui m'est d'un grand secours, soit pour la collation des premiers imprimés et des vieux manuscrits, soit dans les recherches qu'exigent ma préface et mes notes: mes notes font un volume. J'essaye sur ce texte de comparer nos mœurs à celles de nos pères;

A propos de prison et de Sainte-Pélagie, vous pourriez dire encore que je n'ai aucune part à certaines brochures qui mènent là tout droit, imprimées sous mon nom en pays étranger. On y parle d'un prince, dont certes je n'oserais faire un éloge public, bien que sa vie, ses mœurs, ses sentiments connus, méritent à mon gré toute sorte de louanges; mais c'est le grand chemin de Sainte-Pélagie, et j'en sais des nouvelles. Dans ces écrits, on blâme des choses sur lesquelles je dis peu ma pensée, parce qu'il y a du danger; et quand je veux la dire, j'emploie d'autres termes. Je puis blâmer quelquefois, mais non pas en ennemi, ce que fait le gouvernement, dont, en un certain sens, je suis toujours content; car c'est Dieu qui gouverne, ce ne sont pas les hommes. Ainsi le monde est bien, et tout va pour le mieux, quand je ne suis pas en prison. Agréez, etc.

CONSTITUTIONNEL.

mn

Paris, 14 octobre 1823.

A Monsieur le Rédacteur du Constitutionnel.
MONSIEUR,

Conseillez-moi, je vous prie, dans un cas extraordinaire. Je serai bref, la vie est courte.

J'étais ici; on me cite là-bas, à Tours, lieu de mon domicile, devant un juge d'instruction. Je vais là-bas; on me dit que le dossier, les pièces (vous entendez cela, j'imagine), sont retournés à Paris. Je reviens, et fais demander au parquet, par mon avocat, à qui des juges d'instruction mon affaire se trouve renvoyée; on refuse de lui répondre. Ainsi me voilà sans savoir par qui je dois être jugé, ou interrogé seulement; car je ne pense pas que la chose puisse aller plus loin. Il s'agit, m'a-t-on dit, de mauvaises brochures auxquelles je n'ai, Monsieur, non plus de part que vous, quoiqu'on y ait mis mon nom. Quel avis me donnerez-vous, dedans cette occurrence, comme dit le grand Corneille? d'attendre; car que faire? Mais il est bon que ceux qui me doivent juger

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors]

M. Courier, avant-hier, allant diner chez ses amis, fut arrêté en pleine rue par plusieurs agents de police, et conduit en fiacre à l'hôtel de la Préfecture. Là, d'abord on l'interrogea sur ses nom, prénoms, qualités, sa demeure, les mois de son séjour à Paris. Il satisfit à tout, et fut mis en dépôt, c'est le mot, à la salle Saint-Martin. M. Courier, l'homme du monde le moins propre à être en prison, goûte peu la salle Saint-Martin, qu'il n'a pas trouvée cependant un lieu si terrible qu'on le dit. Seul dans une chambre passable, il a dormi dans un bon lit: même le porte-clefs semblait assez bonhomme, causeur et communicatif. Le lendemain, qui était hier, M. Courier fut entendu sur des écrits qu'on lui impute, par un des juges d'instruction. Visite faite de ses papiers, dans l'appartement qu'il occupe, rien nes'y est trouvé suspect. Il se loue fort, en général, du procédé de ces messieurs. On ne saurait être écroué avec plus de civilité, interrogé plus sagement, ni élargi plus promptement qu'il n'a été.

[blocks in formation]

tant de choses, de tant de gens, vous vous mépreniez, et trompiez quelquefois le public. Sur votre parole, il va croire que j'ai fait des tours de Scapin, dont on m'a justement puni. C'est ce que vous pensez ou donnez à penser par de telles expressions. La vérité m'oblige de vous apprendre, Monsieur, que le cas était bien plus grave pour lequel je fus condamné, l'affaire autrement scandaleuse. Il ne s'agissait pas de quelques peccadilles, mais d'un outrage fait à la morale publique. Oui, Monsieur, je l'avoue et le déclare ici, afin que mon exemple instruise. Je fus en prison deux mois à Sainte-Pélagie, par l'indulgence des magistrats, pour avoir outragé la morale publique, crime de Socrate, comme vous savez. Sur la morale particulière, un peu différente de l'autre, je n'ai eu de démélés avec qui que ce soit, et même n'entends point dire qu'on me reproche rien.

A ce propos, Monsieur, un doute m'est venu souvent à l'esprit, question purement littéraire, que vous me pourrez éclaircir. M. de Lamartine, dont vous louez les ouvrages, me semble avoir pris dans nos lois une bonne partie de son style, ou bien nos lois ont été faites en style de M. de Lamartine, celles au moins qui ne sont pas vieilles. Outrager la morale publique, est une phrase tout à fait dans le goût des Méditations, et hors de ce commun langage que le monde parle et entend; elle s'applique à bien des choses Si le ministre des finances fait quelque faute dans ses calculs, un de nos députés lui dira qu'il outrage l'arithmétique publique. Nos codes sont des odes. Enfin, sur une loi si sagement écrite, le tribunal, requis du procureur du roi, mes réponses ouïes, sur ce délibéré, m'envoya en prison deux mois. Ce fut bien fait, et je n'ai garde de m'en plaindre.

A quelque temps de là, pour un acte pareil, qui semblait récidive, on me remit en jugement. Le procureur du roi, défenseur vigilant de la morale publique, demandait contre moi treize mois de prison et mille écus d'amende. Le cas parut aux juges seulement répréhensible, et ils me renvoyèrent blåmé, mais moins coupable que la première fois. On ne peut devenir tout à coup homme de bien. Voilà, Monsieur, la vérité que vous devez à vos lecteurs, au sujet de mes démêlés avec la justice.

Mais, sur un autre point, vous me chagrinez fort, en me prêtant des termes et des façons de dire dont je n'usai jamais. Selon vous, je me plains de certaines brochures imprimées sous mon nom,

6

dans l'étranger, dites-vous; et vous notez ces mots : Monsieur, excusez-moi, je n'ai pas dit ainsi; vous êtes de la cour, et parlez comme vous voulez, avec pleine licence et liberté entière. Nous, gens de village, sommes tenus de parler français, pour n'être point repris, et nous disons qu'une brochure s'imprime en pays étranger. Du moins, c'est ainsi qu'on s'exprime généralement à Larçay, Cormery, Ambillon, Montbazon et autres lieux que je fréquente.

Vous changez encore mes paroles, quand vous me faites dire, Monsieur, qu'il y a un prince dont les sentiments me sont connus, à moi vigneron! y pensez-vous? Corrigez cela, s'il vous plaît, et de vos quatre mots n'en effacez pas trois, comme le veut Boileau, mais un ; et vous direz, en toute vérité, que les sentiments de ce prince sont connus, c'est-à-dire publics, et que personne ne les ignore. Il croit, par exemple, que les princes sont faits pour les peuples, et non les peuples pour les princes; sentiment moins bizarre que vous ne l'imaginez, vous autres courtisans. Il n'est ni le premier, ni le seul de sa maison à penser de la sorte, si les bruits en sont vrais.

Êtes-vous plus exact et mieux instruit, Monsieur, quand vous nous assurez que monsieur le duc d'Orléans part pour l'Angleterre? J'ai foi à | vos discours où le mensonge n'entre point; le ciel n'est pas plus pur... Mais à ceci je vois bien peu de vraisemblance. On sait, et c'est encore une chose connue, qu'il aime son pays, et n'en sort pas volontiers, ayant pour cela moins de raisons qu'en aucun temps, comme vous dites, lorsqu'il voit une guerre d'abord mal entreprise...... être

heureusement terminée.

Rare bonheur si, en effet, elle est terminée sans qu'il nous en coûte autre chose que des millions et quelques hommes! L'état-major est sain et sauf...... Remarquez-vous, Monsieur, comme il y a peu de guerres à présent, et dans ces guerres peu de combats? Jamais on n'a moins massacré. Cependant, vous me l'avouerez, jamais on n'a tant raisonné, tant lu, tant imprimé; ce qui me ferait quasi croire que le raisonnement et la lecture ne sont pas cause de tous maux, comme des gens ont l'air de se l'imaginer. Nous en voilà au point que les révolutions se font sans tuer personne, et les guerres presque sans batailles. Si les contre-révolutions se pouvaient adoucir de même, ce serait un grand changement et amendement; qu'en dites-vous? Le faut-il espérer, à moins que ceux qui les font ne se mettent à lire? mais ils haïssent les livres. Ils ne voulurent point

de l'Évangile, lorsqu'il parut, et le combattent dans la Grèce. Malgré eux, l'Evangile, mis en langue vulgaire, est entendu de tous. Par lui, peut-être, eux-mêmes enfin s'humaniseront quelque jour, et consentiront les derniers à vivre et laisser vivre; mais cependant voilà passées une dizaine d'années sans beaucoup de carnage dans le monde; ce qu'on n'avait guère vu encore, si ce n'est sous les Antonins, quand la philosophie réguait.

P. S. Pourrez-vous m'apprendre, Monsieur, si monsieur l'abbé de la Mennais continue son Indifférence en matière de religion; ouvrage auquel je m'intéresse? Le temps ne saurait lui manquer, car je le crois quitte à présent de ses fonctions de journaliste. Ses actions sont vendues, tous ses comptes réglés avec ses associés. Un petit mot là-dessus dans votre prochain numéro me satisferait extrêmement.

Note du rédacteur. L'auteur de cet écrit est homme de bon sens, et sur bien des choses nous paraît penser assez juste. Mais il vit loin du monde, et ignore la mesure de ce qui se peut dire. En publiant sa lettre, nous en avons retranché quelques phrases, et des mots que ceux qui connaissent son style n'auront nulle peine à suppléer.

CONSTITUTIONNEL.-4 mars 1824.

ANNONCE.

Pamphlet des pamphlets, par Paul-Louis Courier, vigneron; brochure où il n'est point question des élections. On a fort engagé l'auteur à publier son opinion sur ce qui se passe actuellement, et ce qu'il a vu de curieux aux assemblées électorales du département d'Indre-et-Loire. Il s'y est refusé, vu la difficulté de parler de ces choses avec modération et en termes décents. Dix ans de Sainte-Pélagie ne lui pouvaient manquer, dit-il, s'il eût touché cette matière, et c'est même pour s'en distraire qu'il a composé la brochure que nous annonçons sur une thèse générale, sans aucune allusion aux affaires présentes, de peur d'inconvénient.

Idem. 7 mars 1824.

Plusieurs libraires auraient envie d'imprimer le Pamphlet des pamphlets, par Paul-Louis Courier, vigneron, mais aucun n'ose s'en charger. Les uns refusent, d'autres promettent ou même

commencent et n'achèvent pas, tant l'entreprise | de la cour, tout le chapitre intitulé: Obligations

et

leur paraît hardie, périlleuse, scabreuse. Ce n'est pas pourtant qu'ils voient rien, dans cet écrit, qui dût fâcher monsieur le procureur du roi, leur attirer des affaires, si l'on agit légalement; mais le nom de l'auteur les effraye. Ils s'imaginent, on ne sait pourquoi, que Paul-Louis ne sera pas traité comme un autre, et que, quelque bien qu'il puisse dire, on le poursuivra au nom de la morale publique, lui, ses libraires et imprimeurs. Pour les rassurer, il a fait de grandes coupures, et retranché de cet opuscule tout ce qui regardait les jésuites, dix pages des mœurs

d'un député ministériel, avec cette épigraphe de saint Paul La viande est pour le ventre, le ventre est pour la viande; une magnifique apostrophe aux abbés universitaires, deux paragraphes sur la Sorbonne (grand dommage, car ce morceau était travaillé avec soin), et sa péroraison entière sur l'état actuel de l'Espagne. Au moyen de ces sacrifices, qui coûtent tant à un auteur, il espère que son ouvrage, réduit à moitié environ, cessera d'être la terreur des libraires et des imprimeurs, et qu'il pourra paraître enfin, Dieu aidant, la semaine prochaine.

PÉTITION

A LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS

POUR LES VILLAGEOIS QUE L'ON EMPÊCHE DE DANSER.

(1820.)

MESSIEURS,

L'objet de ma demande est plus important qu'il ne semble; car bien qu'il ne s'agisse, au vrai, que de danse et d'amusements, comme d'une part ces amusements sont ceux du peuple, et que rien de ce qui le touche ne vous peut être indifférent; que d'autre part, la religion s'y trouve intéressée, ou compromise, pour mieux dire, par un zèle mal entendu, je pense, quelque peu d'accord qu'il puisse y avoir entre vous, que tous vous jugerez ma requête digne de votre attention.

Je demande qu'il soit permis, comme par le passé, aux habitants d'Azai de danser le dimanche sur la place de leur commune, et que toutes défenses faites, à cet égard, par le préfet, soient annulées.

Nous y sommes intéressés, nous gens de Véretz, qui allons aux fêtes d'Azai, comme ceux d'Azai viennent aux nôtres. La distance des deux clochers n'est que d'une demi-lieue environ : nous

n'avons point de plus proches ni de meilleurs voisins. Eux ici, nous chez eux, on se traite tour à tour, on se divertit le dimanche, on danse sur la place, après midi, les jours d'été. Apres midi viennent les violons et les gendarmes en même temps, sur quoi j'ai deux remarques à faire.

Nous dansons au son du violon; mais ce n'est que depuis une certaine époque. Le violon était réservé jadis aux bals des honnêtes gens; car d'abord il fut rare en France. Le grand roi fit venir des violons d'Italie, et en eut une compagnie pour faire danser sa cour gravement, noblement, les cavaliers en perruque noire, les dames en vertugadin. Le peuple payait ces violons, mais ne s'en servait pas; dansait peu, quelquefois au son de la musette ou cornemuse, témoin ce refrain: Voici le pèlerin jouant de sa musette: danse, Guillot; saute, Perrette. Nous, les neveux de ces Guillots et de ces Perrettes, quittant les façons de nos pères, nous dansons au

« PreviousContinue »