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Votre académie de Saint-Luc a donc enfin fait son devoir. Je l'en félicite. Elle ne fera pas souvent de pareilles acquisitions. Mademoiselle Henriette, dans son Arcadie, avait quelque chose d'un peu païen; mais vous, Madame, sous la bannière de Saint-Luc, vous sanctifierez toute la famille par votre foi et par vos œuvres.

tirer quelque fruit des observations recueillies | quinze jours; faites, Madame, que je trouve ici
en temps et lieux différents; et les plus anciennes, une lettre de vous qui m'apprenne où vous êtes,
parmi ces observations, sont toujours précieuses, et je ferai en sorte, moi, qu'alors rien ne m'em-
soit qu'elles contrarient ou confirment les maxi- pêche de me rendre à Rome, si je suis assuré de
mes reçues, étant, pour ainsi dire, le type des vous y trouver.
premières idées dégagées de beaucoup de préju-
gés. Voilà par où ces livres-ci doivent intéresser.
Ce sont presque les premiers qu'on ait écrits sur
cette matière. Des préceptes qu'ils contiennent,
les uns subsistent aujourd'hui, d'autres sont con-
testés, d'autres sont oubliés, ou même condamnés
chez nous; mais il n'en est point qu'on ne voie
encore suivi quelque part, comme je l'ai marqué
dans mes notes, et je m'assure que si on voulait
comparer soigneusement à ce qui se lit dans
Xénophon, non-seulement nos usages actuels,
mais les pratiques connues des peuples les plus
adonnés aux exercices de la cavalerie, on y trou-semble vous voir les uns après les autres aguzzar
verait mille rapports dont je n'ai pu m'aviser, et
tous curieux à observer, ne fût-ce que comme
matière à réflexions.

A MADAME MORIANA DIONIGI,

A ROME.

En vous écrivant ceci, Madame, d'une écriture qui n'a point de pareille au monde, j'ai le plaisir de penser que vous vous unirez tous pour tâcher de me lire, et qu'ainsi je vous occuperai tous au moins pendant quelques minutes. Il me

le ciglia' sur ce griffonnage, sans en pouvoir
rien déchiffrer. Croyez-moi, laissez cela. Aussi
bien qu'y trouveriez-vous? des assurances très-
sincères de mes sentiments qui vous sont connus,
et dont je me flatte que vous ne douterez
jamais.

A M. LE GÉNÉRAL D'ARANCEY,

COMMANDANT L'ARTILLERIE EN TOSCANE.

Livourne, le 13 septembre 1808.

Mon général, il serait très à propos de concerter entre vous et le général Meunier le service des compagnies de gardes-côtes. Vous les croyez comprises dans mon commandement, et m'en rendez responsable, tandis que tous les jours ces troupes reçoivent des ordres dont je n'ai connaissance que par la voix publique. On déplace les détachements et les officiers sans que j'en sois instruit. En un mot, le général Meunier commande directement cette troupe, et ne la croit en aucune façon dépendante de l'artillerie. Le préfet s'en fait une espèce de gendarmerie. J'attends, comme vous, avec impatience leur organisation défi

Livourne, le 12 septembre 1808. Madame, pour m'empêcher de vous aller voir, il est venu exprès, je crois, un général inspecteur de l'artillerie. Ces inspecteurs sont des gens que l'on envoie examiner si nous faisons notre devoir. Le leur est de nous ennuyer, et celui-ci s'en acquitte parfaitement à mon égard. Quand il ne serait pas de sa personne un insupportable mortel, ce que vous nommez en votre langue un soldataccio, sa visite, tombant au travers de mes plus agréables projets, ne pouvait que m'assommer. Les malédictions ne remédient à rien; mais, Madame, ces jours destinés à vous voir, les passer avec l'animal le plus..... Madonna mia, donnez-moi patience! nous avons attendu deux mois son arrivée, et je ne sais combien encore nous attendrons son départ, douce espérance dont il nous flatte chaque jour. Je compte pour-nitive. tant en être délivré cette semaine, et déjà mes pensées reprennent leur direction naturelle vers Rome. Mais avant de faire les démarches nécessaires pour pouvoir m'y rendre, il faut savoir si vous y êtes. N'est-ce pas dans cette saison que vous allez ordinairement à Ferentino? Venir de si loin et ne vous pas trouver, ce serait pis que l'inspecteur. Je pars maintenant pour Florence; maintenant, c'est-à-dire, aussitôt que l'animal aura les talons tournés. J'en serai de retour dans

Mon service ici est peu de chose, et cependant fort pénible. Il me manque tout ce qui rend aux autres la besogne facile. Pour le matériel, je n'ai point de garde; pour le personnel, trois compagnies sans officiers (entre nous) ni sous-officiers; point d'écrivains on m'a ôté le seul qui sût faire quelque chose. Le général Sorbier a bien

1 Cette académie avait reçu madame Dionigi parmi ses
membres.
2 Dante.

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senti tout cela, et en est convenu, quelque peu disposé qu'il fût à me rendre justice. Il a paru fort aise de trouver prêt le travail que j'avais fait pour lui, et m'en aurait tenu compte si son grade et l'usage actuel ne dispensaient de tout procédé. J'aurais pris beaucoup moins de peine, et peut-être m'eût-il ménagé davantage, si je l'eusse connu plus tôt. Je ne puis, ou pour mieux dire, il ne me convient pas de vous expliquer d'où vient l'animosité qu'il a contre moi; mais elle a paru d'une manière singulière, et je crois malgré lui. Il me traita d'abord assez bien pour un homme de son caractère, et durant les deux premiers jours qu'il passa iei, il me fit l'honneur de s'entretenir avec moi presque amicalement. Mais un soir, en présence de quelques officiers, j'eus le malheur de lui dire les propres mots que voici : Je crois, mon général, qu'un homme ne peut être à la fois canonnier et cavalier, non plus que cavalier et fantassin, et que par conséquent l'artillerie à cheval, les dragons, sont des armes bátardes, des troupes organisées sous de faux principes. Ce discours le jeta dans un accès de frénésie alarmant. Mon sang-froid achevant de le mettre hors de lui, il me dit beaucoup de choses que son état excusait, et comme, lorsqu'on a tort avec ses subalternes, on se garde surtout de se dédire, je crois bien qu'il vous aura répété une partie des invectives qu'il m'adressa directement, et que son rapport au ministre s'en sera ressenti. Quant au ministre, les notes du général Sorbier me nuiront assurément, et j'en suis fort affligé; mais c'est un mal sans remède. Pour vous, mon général, qui n'êtes pas ministre, votre jugement sur mon compte ne saurait dépendre des passions du général Sorbier. Après avoir obtenu en Calabre les éloges, la confiance, l'amitié de tous les généraux (hors d'un seul que personne ne loue), vous savez de quelle manière j'ai été traité. Je ne m'en plains pas, et je crois ces dégoûts inévitables à quiconque est comme moi mauvais courtisan. Mais j'espère que ce défaut, dont je travaille à me corriger, me nuira peu auprès de vous, et je vous connais trop juste pour juger un officier autrement que sur sa conduite.

[ Sur l'invitation de M. Akerblad, Courier se rendit dans ce temps-là à Florence pour y visiter des manuscrits grecs. Il vit à ce sujet M. Chaban, commissaire du gouvernement français; mais son service le rappela bientôt à Livourne, où il était déjà de retour le 20 septembre. ]

AL SIGNOR DEL FURIA,

CONSERVATORE DELLA BIBLIOTECA LAURENZIANA IN FIRENZE,

...Le varianti del Sofocle sono ottime e del tutto ignote al Brunck. Or su dunque preghi ella que’ signori, a nome mio e delle Muse, di terminare la collazzione del Filottete. Finito tal lavoro, che poco può durare, dovranno dar di piglio al Plutarco Riccardiano, e col qui aggiunto tometto mandarmene un saggio. Non ci scrivano però in margine le varianti, per non far vergogna col loro bel carattere alle glasguensi stampe, ma si contentino di farne un foglio o quinterno separato. Poi si compiacerà ella, coll' usata gentilezza, spedirmi quà tutto, per mezzo del signor generale d'Arancey.

di

Mi creda, Signor Furia, non usiamo fra noi ceremonie de' tempi bassi, ma tutto all' uso del secolo d'oro. 'Eppwco.

All Aristippo suedese Εὐπράττειν.

RÉPONSE,

Firenze, 7 octobre 1808.

STIMATISSIMO SIGNOR COLONELLO,

Eccole la nota collazzione del Filottete, eseguita con tutta la diligenza ed accuratezza dal signori Ab. Bencini e Selli. Ella la esaminerà e si compiacerà di avvisarci se deesi continuare tal lavaro per l'ordine e per la determinazione del quale starà a lei il definire, persuaso che ci faremo un pregio di cooperare alle sue dotte fatiche. Debbo altresi avvertirla che i versi dei cori di questa tragedia, nella loro divisione o metro, non combinano per lo più coll' edizione dello Stefano; ma si è creduto di non dover per ora attendere a una tal cosa, giacchè il suo preciso desiderio era per le parole, non per il metro. Se poi le piacerà che nella collazzione debba avvertirsi ancora a questo, ce ne dia un avviso.

Frattanto mi creda, quale colla più distinta stima e rispetto passo all' onore di dichiararmi Suo obbligatissimo servitore, FRANCESCO DEL FURIA.

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heure où je ne pouvais espérer de vous trouver, manière de prendre congé de vous, bien contraire à mes projets. Car, après les marques de bonté dont vous m'avez honoré, j'étais dans le dessein de vous faire ma cour, et de profiter des dispositions favorables où je vous voyais, pour rassembler et sauver ce qui se peut encore trouver dans vos bibliothèques de moines. Mais puisque mon service m'empêche de partager cette bonne œuvre, je veux au moins y contribuer par mes prières. Je vous conjure donc de vouloir bien ordonner que tous les manuscrits de la Badia soient transportés à la bibliothèque publique de Saint-Laurent, et que l'on cherche ceux qui manquent d'après le catalogue existant. Je reconnus, il y a peu de temps, que déjà quelques-uns des plus importants avaient disparu; mais il sera facile d'en trouver des traces et d'empêcher que ces monuments ne passent à l'étranger, qui en est avide, ou même ne périssent dans les mains de ceux qui les recèlent, comme il est arrivé sou

vent.

C'est le zèle de l'antiquité qui m'engage, Monsieur, à vous présenter cette humble requête. Je souhaite fort, je l'avoue, attirer votre attention sur ces objets, que la multitude des affaires vous peut faire perdre de vue. Songez qu'avec deux lignes vous allez conserver les titres de noblesse des Grecs et des Romains, et vous attirer les bénédictions de tout ce qu'il y aura jamais d'antiquaires et d'érudits dans tous les siècles des siècles.

A M. D'AGINCOURT,

A ROME.

Livourne, le 15 octobre 1808.

Monsieur, je suis encore à Livourne, et les apparences sont que j'y passerai l'hiver. Je demandais, comme je crois vous l'avoir marqué, un congé pour aller en France; mais on m'éconduit tout à plat. J'en demande un pour Rome; ce sera, si je l'obtiens, un bon dédommagement de celui qu'on me refuse; car en France j'ai des parents; à Rome j'ai des amis, et je mets l'amitié bien loin devant la parenté, ou, pour mieux dire, c'est la seule parenté que je connaisse. Sur ce pied-là, vous m'êtes bien proche; aussi, sans mes affaires, je vous jure que je ne penserais guère à Paris, et Rome serait encore pour moi la première ville du monde.

S'il faut vous expliquer maintenant comment le refus fait à ma première demande n'exclut pas la seconde, la voici la permission d'aller en

France dépendait du ministre, que je n'ai pu fléchir precando; l'autre dépend ici de quelqu'un que je gagnerai donando. Je viendrais aussi bien à bout du satrape ou de ses suppôts, mais il faudrait être là.

Pour vous dire ce que je fais ici, je mange, je bois, je dors, je me baigne tous les jours dans la mer, je me promène quand il fait beau; car nous n'avons pas votre ciel de Rome. Je lis et relis nos anciens, et ne prends souci de rien que d'avoir de vos nouvelles. Madame Dionigi m'a mandé quelquefois que vous vous portiez bien. C'est tout ce que je vous souhaite, car c'est la moitié du bonheur ; et l'autre moitié, mens sana, Vous est acquise de tout temps. Dieu vous doint seulement, comme disaient nos pères, la santé du corps, et vous serez heureux autant qu'on saurait l'être. Cela ne vous peut manquer, avec votre tempérament et la vie que vous menez, et dans le lieu que vous habitez. Votre habitation, Monsieur, est choisie selon toutes le règles que donne là-dessus Hippocrate, et auxquelles je m'imagine que vous n'avez guère pensé. Ce n'est pas non plus ce qui fait que cette demeure e plaît tant, mais c'est qu'on vous y trouve.

Je songe tout de bon à quitter mon vilain métier; mais ne sachant comment vont mes affaires en France, je ne veux pas rompre; je veux me dégager tout doucement et laisser là mon harnais, comme un papillon dépouille peu à peu sa chrysalide et s'envole.

Permettez, Monsieur, que je vous embrasse en vous suppliant de me conserver votre amitié, qui m'est plus chère que chose au monde. En vérité, tout mon mérite, si j'en ai, c'est de vous avoir plu, et de connaître ce que vous valez.

A M. CORAÏ,

A PARIS.

Livourne, le 18 octobre 1808.

Monsieur, nul présent ne pouvait me flatter plus que celui dont je me vois honoré, je ne sais si je dois dire par vous ou par MM. Zozima, qui m'ont remis vos trois admirables volumes 1. De quelque part que me viennent ces livres, il faut assurément qu'on les ait faits pour moi. Tout de bon, Monsieur, si votre projet eût été de me plaire et de faire une chose entièrement selon mes idées, vous n'auriez pu mieux rencontrer. Voilà justement ce que j'attendais de vous et de vous seul.

1 Un exemplaire d'Isocrate, publié par Corai aux frais de MM. Zozima, Grecs de nation.

Je souffrais trop à voir Isocrate, la plus nette perle du langage attique, entouré de latin d'Allemagne ou de Hollande. En lisant vos notes, du moins je ne sors pas de la Grèce, et j'entre beaucoup mieux dans le sens de l'auteur qu'avec une glose latine ou vulgaire. Chaque langue veut être expliquée par elle-même, parce que les mots ni les phrases ne se correspondent jamais d'une langue à une autre, et c'est la raison qui me fait dire que nous n'avons point de dictionnaire grec. Ce serait un beau travail; mais qui osera l'entreprendre? Il faudrait pour cela, ce qui ne se trouvera jamais, plusieurs hommes comme vous et comme MM. Zozima. En vérité, ceci leur fait grand honneur, car ce n'est pas seulement leur nation qu'ils gratifient d'un don si précieux, mais, chez toute nation, tous ceux qui s'intéressent à la belle littérature. Ce qu'ils font pour encourager ces études dans leur pays, n'est pas de ce siècle-ci. Soyons de bonne foi, les rois nuisent aux lettres en les protégeant; leurs caresses étouffent les Muses. Il y a bien eu quelquefois de grands talents, malgré les pensions et les académies; mais on a toujours vu de simples particuliers favoriser les arts avec plus de sagesse et de discernement que n'eût pu faire aucun prince; et c'est de quoi ces messieurs donnent un nouvel exemple.

Courage donc, Monsieur, suivez votre belle entreprise, et soyez persuadé que même parmi nous il se trouvera des gens qui vous applaudiront comme vous le méritez. Le nombre en sera petit, mais choisi. Vous aurez peu de lecteurs, mais vous en aurez toujours; et comme ces modèles, que vous nous dévoilez, seront étudiés tant qu'il y aura des arts et du goût, votre nom, attaché à des monuments si célèbres, passera sûrement à la postérité.

[ Courier a dû écrire la lettre ci-dessus très-peu de temps après la réception du livre de M. Coraï, et ses félicitations paraissent être le tribut payé à une première lecture. La lettre qui suit, et qui est adressée à M. Akerblad, exprime sur le livre de M. Coraï une opinion plus réfléchie et un peu différente. M. Akerblad ne fut point de l'avis de Courier sa réponse, qu'on donne après la lettre de celui-ci, explique et défend la manière adoptée par M. Coraï dans ses notes. ]

A M. AKERBLAD,

A FLORENCE.

Livourne, le 2 novembre 1808.

Je lis l'Isocrate de Coraï et ses notes que vous n'avez pas. Entre nous, c'est peu de chose; il pouvait faire et il a fait beaucoup mieux que cela. Ce que j'y trouve de meilleur, c'est l'exemple qu'il donne d'expliquer le grec en grec, exemple qu'il faudrait suivre, et même dans les lexiques. Mais je ne puis du tout approuver sa préface mixtobarbare. Ah! docteur Coraï! un frontispice gothique à un édifice grec! au temple de Minerve, le portail de Notre-Dame! Pourquoi la préface et les notes, s'adressant aux mêmes lecteurs, ne sontelles pas dans la même langue? Ce que j'en dis n'est point par humeur, car je n'en perds pas un mot; seulement j'ai de la peine à croire que ce soit ainsi qu'on parle, et je pense qu'il fait un peu comme l'écolier de Rabelais : Nous transfretions la sequane pour viser les meretricules. Celui-là latinisait, et Coraï hellénise.

Ses notes sont pleines de longueurs et d'inutilités. Ne comprendra-t-on jamais que des notes ne doivent point être des dissertations, que les plus courtes sont les meilleures, que l'explication des mots regarde les lexicographes, celle des phrases les grammairiens? N'est-ce point assez de travail pour un éditeur d'avoir à choisir entre les variantes, à découvrir et marquer les altérations du texte, les fautes des copistes qui sont de tant d'espèces, erreurs, omissions, additions, corrections, etc.? A chaque note trois mots suffisent, et les anciens critiques n'y employaient que des signes, d'où est venu le nom mème de notes. Bref, dans tout ce qu'on nous donne, je ne vois que des matériaux pour les éditeurs futurs, s'il s'en trouve jamais de raisonnables. Pas un livre pour qui veut lire.

Notre ami se plaît à écrire son grec, et je le lui passerais si ce plaisir ne l'entraînait trop souvent loin de sa route. Tant de hors-d'œuvre dans une œuvre où tout ce qui n'est pas nécessaire nuit! Tant d'étymologies de la langue moderne, curieuses si vous voulez, mais étrangères à Isocrate! Tout en se mêlant d'indiquer les beautés et les défauts, il est à mille lieues de ce qu'on appelle goût. M. Heyne, et quelques autres qui ont eu la même prétention, ne l'ont pas mieux justifiée. Après tout, est-ce là leur affaire? On ne leur de mande point si Isocrate a bien écrit, mais ce qu'il a écrit; recherche que Coraï néglige un peu cette fois. Croiriez-vous qu'il n'a pas seulement vu les

manuscrits de Paris? Voilà un péché d'omission, | aussi que son introduction grammaticale à la tête dont je ne sais si le pape même le pourrait ab- du premier volume contient des observations exsoudre. Il s'en rapporte aux variantes de l'abbé cellentes, des vues neuves, sinon pour les helléAuger, qui s'en était aussi rapporté à quelque nistes de l'Europe, au moins pour ses compatrioautre, n'ayant garde de déchiffrer les manuscrits, tes, qui ne connaissent de grammaires que lui qui ne lisait pas trop couramment la lettre celles de Lascaris et Gaza, et qui ignorent absolumoulée. D'après cela, je vous laisse à penser ce ment tout ce que la philosophie moderne a perque c'est que ce travail, robaccia. J'en suis fâché; fectionné dans la méthode grammaticale. Quant car je m'attendais que nous aurions par lui quel- aux notes de Coraï, je ne connais pas celles de que chose de bon de ces manuscrits; mais il y l'Isocrate; les autres, je les trouve parfois un peu faut renoncer, car qui diable s'en occupera si longues, mais toujours remplies de remarques Coraï les néglige? C'est dommage; sur un texte si excellentes. D'ailleurs un volume in-8° de notes intéressant, il pouvait se faire grand honneur, et pour tout l'Isocrate ne me paraît pas trop. Eh! à nous grand plaisir. que diable diriez-vous donc des notes de feu notre ami Villoison sur Longus, de celles d'Orville sur Chariton, d'Abresch sur Aristénète, etc. Le baron de Locella lui-même, quoique homme du monde, et qui devait avoir un peu plus de goût que ses collègues, n'a-t-il pas fait un gros volume in-4° de ce petit roman de Xénophon d'Éphèse, sans vous parler de mille autres commentateurs encore plus lourds que ceux que je viens de nommer? Ce qu'il y a de plus plaisant, c'est que les motifs qui vous font prononcer contre le bon Coraï sont précisément ceux qui me donnent envie de lire ses notes. Ses étymologies de la langue moderne, ses explications de grec en grec, etc. me font vivement désirer de posséder cet ouvrage, et je vous prie, mon aimable commandant, de vous informer s'il se vend à Livourne, et à quel prix.

Quel écrivain que cet Isocrate! nul n'a mieux su son métier; et à quoi pensait Théopompe, lorsqu'il se vantait d'être le premier qui eût su écrire en prose? Ce n'est pas non plus peu de gloire pour Isocrate que de tels disciples. Je lui trouve cela de commun avec votre grand Gustave, que tous ceux qui, en même temps que lui, excellèrent dans son art, l'avaient appris de lui. Voilà un étrange parallèle, et dont il ne tiendrait qu'à vous de vous moquer, ou même de vous plaindre diplomatiquement.

Donnez-moi des nouvelles de M. Micali, de nos manuscrits et de vous. Trois points comme pour un sermon. Mais celui-là ne peut m'ennuyer.

RÉPONSE DE M. AKERBLAD.

Florence, le 16 novembre 1808.

Je suis enchanté de voir que ni vos occupations militaires, ni les alertes que vous donnent de temps en temps les Anglais, ni même les tremblements de terre, n'ont pu vous détourner de vos études chéries, et j'admire votre belle et constante passion pour les muses grecques; passion qui ne vous quitte pas, même dans la ville la plus indocte de l'Italie, et où l'on n'entend parler que de lettres de change et de marchandises coloniales.

Vous êtes donc bien fâché contre ce pauvre Coraï, pour vous avoir fait une préface en grec vulgaire à votre Isocrate! Mais de grâce en quelle langue fallait-il donc qu'il s'adressât aux jeunes gens de sa nation? Rien ne me semble plus naturel que de leur parler dans leur propre idiome: aussi lorsqu'il a fait des éditions d'auteurs grecs pour vous autres messieurs les Français, il n'a pas manqué de faire les préfaces dans votre langue. Je conviens que le bonhomme est un peu long dans ses prolégomènes; mais vous avouerez

Si vous aviez lu la première partie des prolégomènes de Coraï, vous n'auriez aucune crainte que la langue vulgaire dont il se sert ne soit pas entendue de ses compatriotes, puisque lui-même désapprouve hautement la manière de quelques écrivains de sa nation, de mêler l'ancien grec avec l'idiome usuel, manière qu'il appelle fort bien macaronique. Quant à une autre réprimande que vous lui faites d'avoir écrit sa préface dans une langue et les notes dans une autre, voici ma réponse: La préface est pour les Grecs de toutes les classes, les notes uniquement pour ceux qui savent lire Isocrate dans sa propre langue. Enfin le dernier et le plus fort des reproches que vous lui faites, c'est de n'avoir pas examiné par luimême les manuscrits de Paris. Voilà un péché bien grave selon vous; quant à moi, je ne le regarde que comme une peccadille. On perd un temps bien précieux avec ces maudits manuscrits, qui le plus souvent ne vous donnent pas une leçon nouvelle qui soit bonne, et je regrette bien deux ou trois mois que j'ai passés dans la bibliothèque Laurentiana à confronter Orphée, et quel

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