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faisait deviner à Dona Olimpia qu'ils venaient de lui. Un jour qu'il avait été voir des cabinets avec elle, il y en eut un qu'elle trouva plus beau que les autres, et qu'elle marchanda; mais l'excès du prix l'empêcha de l'acheter. Odescalchi ne témoigna pas qu'il eût remarqué la passion qu'elle avait pour ce cabinet, et il la vit plusieurs fois depuis ce jour-là sans qu'on en parlât. C'était une chose qui paraissait oubliée lorsqu'il l'envoya payer par des inconnus qui le portèrent chez Dona Olimpia sans vouloir dire de quelle part ils venaient. Elle se souvint qu'elle n'avait été voir ce cabinet qu'avec Odescalchi; qu'elle n'en avait parlé à personne,' et qu'ainsi il n'y avait que lui qui eût pu lui faire ce présent, et elle en fut d'autant plus persuadée qu'elle avait déjà eu des marques de sa manière d'agir envers elle. Loin d'en être querellé il fut encore vu de meilleur œil; et comme il ne s'agissait point de galanterie, et que son but était plus noble, leur union se fortifia de plus en plus. Le jeu de la prime était alors à la mode, et Dona Olimpia y jouait souvent. Odescalchi l'apprit pour y jouer avec elie ; et comme il est impossible qu'il n'arrive des occasions de disputer dans le jeu, il s'en. rencontra, et il en fit même naître, afin de pouvoir lui marquer sa complaisance en allant toujours au-devant de ses souhaits, et lui cédant tout ce qu'elle témoignait vouloir emporter. Il poussa même plus loin le désintéressement, et se laissa souvent gagner. Cependant le tems approchait où Dona Olimpia pouvait lui rendre l'important service qu'il en espérait. Comme il avait de grands biens, il aspirait aux plus grands honneurs, et sa protectrice avait tout le crédit nécessaire pour servic

son ambition. Un jour qu'on parlait de faire des cardinaux, et qu'il jouait à la prime avec elle, il trouva heu→ reusement l'occasion de mettre le comble à ses manières généreuses. Le hasard dans cette partie le favorisa contre son gré; et voyant des cartes qui allaient lui faire ga→ gner une somme si considérable qu'il était impossible que de l'humeur dont était Dona Olimpia elle n'en eût beaucoup de chagrin, il fit en sorte, sans montrer pourtant aucune affectation, qu'un homme qui appartenait à cette princesse, et qui était à côté de lui, remarquât son jeu. Aussitôt après il brouilla les cartes, et dit qu'il avait perdu. Cela fut rapporté à Dona Olimpia, qui lui en sut si bon gré qu'elle prit une nouvelle résolution de le servir auprès d'Innocent X. Peu de tems après (c'était en 1645) ce pape fit voir à Dona Olimpia la liste de ceux qu'il avait dessein d'élever au cardinalat dans la promotion qu'il allait faire. Elle n'y vit point Odescalchi, qu'elle lui avait recommandé; elle raya un de ceux qui étaient sur cette liste, et le mit en sa place. Ensuite elle pria le pape de l'y laisser, et il y consentit d'autant plus volontiers qu'Odescalchi menait une vie sans reproches, et qu'il avait beaucoup de biens pour soutenir cette dignité.

Pendant tout le tems qu'Odescalchi fut cardinal it montra toujours beaucoup de respect pour les couil fut d'avis l'on satisfit le roi sans délai au sujet du mécontentement donné à M. de Crequi en 1662, sous le pontificat d'Alexandre VII,

ronnes;

que

Avant que d'être élu Pape il a toujours mené une vie fort retirée, et ne s'est appliqué qu'à ses affaires, marquant beaucoup de désintéressement, et faisant toujours.

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de grandes aumônes. Il jouissait de trente mille écus de rente, et son frère, père de D. Livio, en avait autant. Dès qu'il fut élu pape, il donna tout son bien à ce neveu, qui, ayant hérité de son père, fut riche de soixante mille écus de rente au commencement du pontificat de son oncle.

Odescalchi fut élu le 21 de septembre 1676, qui est le jour de saint Mathieu, fête des banquiers, et on lui appliqua ces paroles : Vidimus sedentem in telonio. On mit, par son ordre, un saint Mathieu à la première monnaie qui fut battue après son couronnement. I mourut le 12 d'aôut 1689, âgé d'environ soixante-dixneuf ans, ayant laissé à la Chambre - Apostolique cinq millions de livres, et augmenté son revenu de trois cents mille écus romains.

CONTE, EN EPIGRAMME,

Certain jeune avocat, affamé de procès,
N'avait ni client ni cliente;

Envain il balayait chaque jour le Palais,
Et disait à la gent plaidante :

Chez moi, messieurs, on écrit proprement,
En nouveau Cicéron, je plaide éloquemment,
Le tout à juste prix. Il employait la force
De maint autre raisonnement:

Autant en emporte le vent.

Pas le moindre plaideur ne venait à l'amorce,

Comment faire! on le raille impitoyablement.
Ecoute, te voilà dans un âge nubile,
Lui disait l'autre jour un de ces bons amis;
Il faut te marier, et c'est-là mon avis:
Alors tout te sera facile.

Faute de mieux, ce remède, aigre-doux,
Fut accepté par l'avocat docile;

Il promit de porter le beau titre d'époux.

Pendant qu'une femme on lui quête,
Un jour l'ami railleur vint lui parler ainsi :
Je sais que ton hymen s'apprête,
Les affaires, dis-moi, viennent-elles aussi?
Oh! bientôt, répondit notre futur mari,
J'en aurai par-dessus la tête.

MORT ÉT ÉLOGE DE M. LE DUC D'ORLEANS,

FRÈRE UNIQUE DU ROI.

Ce prince mourut, à Saint-Cloud, le 9 juin 1701. La veille il s'était trouvé mal sur la fin de son souper; on craignit avec raison qu'il ne fût attaqué d'apoplexie et de paralysie. On le saigna, on lui fit prendre de l'émé tique, de l'or potable et des gouttes d'Angleterre, qu'il rejetta autant de fois qu'il en prit. Il reconnut son confesseur, à qui il serra la main, dans l'impuissance où il était de lui parler, et il en reçut l'absolution. Pendant qu'on lui administrait l'extrême-onction, on en

voya M. le comte de Saint-Pierre à Marly pour avertir le roi de l'état où se trouvait S. A. R. Sa majesté en partit à deux heures après minuit avec madame la duchesse de Bourgogne.

A leur arrivée à Saint-Cloud, ils trouvèrent monsieur sans connaissance, et apprirent que tous les remèdes qu'il avait pris n'avaient produit aucun effet. Il fut saigné du pied et ensuite du bras en présence du roi. Sur les neuf heures du matin on assura que l'attaque était mortelle. Sa majesté retourna à Marly pénétrée de douleur, et apprit bientôt après que monsieur avait cessé

de vivre.

On prétend que ce prince avait eu des pressentimens de sa mort. Quelques jours avant qu'elle arrivât, il était, dit-on, dans une de ses galeries à Saint-Cloud; M. le chevalier de Lorraine passa devant lui sans que monsieur sortit de la rêverie où il était. Ce seigneur s'approcha une seconde fois du prince; et voyant qu'il rê, vait toujours profondément, il ne put s'empêcher de lui dire, Monsieur est bien rêveur à quoi S. A. R. rẻpondit, je rêve à la beauté de ces lieux, que je les ai faits et que je dois bientôt les quitter.

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Ce prince avait toujours fait voir beaucoup de tendresse pour la reine sa mère, et une grande déférence pour toutes ses volontés. Elle est toujours demeurée dans son souvenir, et il ne manquait pas, à moins qu'il ne fût incommodé ou bien loin de Paris, d'assister chaque année au service qui se fait au couvent du Valde-Grâce à pareil jour que celui du décès de cette princesse.

Il avait un tendre attachement pour le roi; et s'il s'en

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