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se déterminer sur l'origine de cette peinture, dit qu'il vaudrait mieux représenter saint Nicolas comme on fait à présent à Rome et en Italie, c'est-à-dire, lui mettre simplement une crosse dans une main, et dans l'autre son livre, et sur ce livre, trois espèces de pommes d'or, en mémoire de l'or dont il se servit pour empêcher la chûte de trois pauvres filles.

On racontait de ce saint qu'étant au concile de Nicée, un jour qu'il sentit son zèle enflammé plus qu'à l'ordinaire, il s'approcha d'un Arien, et lui donna vigoureureusement sur la joue; ce qui fit que le concile le priva de l'usage de la mitre et du pailium, pour avoir ainsi violé le précepte de saint Paul. C'est de là qu'était venue aux peintres d'Italie, l'idée de ne point donner de mitre à saint Nicolas, idée dont ils sont revenus dans ces derniers tems.

Mais il me semble que Molanus n'aurait pas dú hésiter à dire que la représentation des trois jeunes gens tous nus auprès de ce saint, vient de ce que souvent on représentait au public réellement et sur le théâtre, l'histoire de leur résurrection, due à ce saint prélat. Il était naturel qu'ils figurassent ensuite les choses comme ils les avaient vues représenter sur le théâtre.

Voici le sujet de ce drame singulier. Les trois jeunes gens sont des écoliers que le manuscrit appele du nom de clercs; car autrefois l'étude et la science s'appelaient clergie, et les étudians ou savans étaient appelés clercs, parce qu'il n'y avait guère que le clergé et les moines qui étudiassent, et qui fussent en état d'enseigner les autres. Ces trois écoliers ou clercs, qui allaient se renla première fois dans quelque université, étant

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surpris par la nuit, demandèrent à loger à un vieux aubergiste qui se trouva sur leur route. Ce vieillard, de mauvaise humeur, fait le difficile ; ils s'adressent à l'hôtesse qui n'est pas moins âgée, en l'assurant que si elle peut obtenir de son mari qu'il leur donne le couvert, peut-être Dieu, en récompense, permettra qu'elle mette un fils au monde. La femme, plus polie que son mari, en fait son affaire. Les trois écoliers sont retenus au logis; ils y soupent et y sont couchés.

Ils étaient dans leur premier somme; et comme ils n'avaient pas eu la précaution de fermer sur eux la porte de leur chambre, le vieux aubergiste y entre ; il prend leurs sacs ou besaces, les vient montrer à sa femme, et lui disant qu'il n'y aurait pas grand mal à s'approprier de l'argent qui y était renfermé. La femme y consent, et ne trouve point d'autre expédient pour relever leur fortune, que de leur faire couper le col à tous trois par son mari. Cette action se passe derrière le théâtre. Le prosateur ou rimailleur continue et fait paraître ensuite, à la porte de la même auberge, M. saint Nicolas qui demande à loger, ne pouvant passer outre, à cause qu'il est trop fatigué. L'aubergiste ne voulant rien risquer sans l'avis de sa femme, lui demande ce qu'il fera. Nicolas, sur son air d'honnête homme, est reçu d'un commun accord, et il prend son gite dans ce lieu. Le maître de l'auberge lui propose quantité de mets différens pour son souper. Le saint dit qu'il ne lui faut rien de tout cela; mais qu'il souhaiterait bien avoir de la chair fraiche. Le vieux reitre de cabartier, « pour de » la viande, dit-il, je vous la donnerai telle que je l'ai ; » mais de la fraîche, je n'en ai pas un morceau. Ah!

» pour le coup, dit saint Nicolas, voilà le dernier men» songe que vous avez fait de la journée; car pour de » la chair fraîche, je sais que vous en avez à foison. » Ah!.... que l'argent fait commettre de forfaits! » Aussitôt l'hôte et l'hôtesse, se reconnaissant à ce portrait, se prosternent aux pieds du saint, avouent leur crime, et prient saint Nicolas de leur en obtenir le pardon. Le saint évêque se fait apporter les trop corps', et ordonne aux meurtriers de se mettre en pénitence. Lui de són côté se met en prières, et demande à Dieu la puissance de les ressusciter. Ils ressuscisent et on chanté le Te Deum.

ANECDOTES LITTÉRAIRES.

La mort du grand Corneille fit naître une louable contestation entre M. l'abbé de Lavau et M. Racine pour savoir à qui il appartenait de faire le service du défunt dans l'église des Carmes Billettes selon les statula de l'académie. Chacun de ces deux académiciens prétendait que c'était à lui à faire la dépense de cette cé→ rémonie funèbre. Le premier, parce qu'il était encore directeur de l'académie lorsque M. Corneille mourut le second, parce qu'il se trouvait directeur lorsqu'il fallait faire le service. L'affaire ayant été mise en délibération, il fut jugé à la pluralité des voix que M. l'abbé de Lavau serait chargé de la cérémonie, puisqu'il était directeur quand M. Corneille mourut. Cela donna lieu à un académicien (Benserade) de dire un mot qui

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a été remarqué. S'il y avait quelqu'un dans la compa= gnie, dit-il à M. Racine, qui pût prétendre d'enterrer M. Corneille, c'était vous, monsieur; cependant vous ne V'avez pas fait.

Comme le défunt avait un frère très- digne d'occuper sa place, et qui avait même témoigné autrefois qu'il s'estimerait heureux d'entrer dans ce glorieux corps, on n'a pas manqué de lui faire recueillir une succession si précieuse. Il est arrivé un délai considérable à cette nomination, duquel on sera bien aise de savoir la cause. On était sur le point de remplir la place vacante le quatrième du mois d'octobre, lorsque M. Racine, alors directeur de l'académie, demanda une surséance de quinze jours pour des raisons qui pouvaient être trèsavantageuses à la compagnie. Ces raisons étaient que M. le duc du Maine, jeune prince d'un esprit qu'on ne saurait trop admirer, témoignait quelque inclination à être de ce corps illustre. On s'imagine aisément qu'un délai de cette importance fut obtenu sans aucune peine : non seulement il fut accordé, mais on proposa aussi de charger M. Racine d'assurer ce duc que quand même il n'y aurait point de place vacante, il n'y avait point d'académicien qui ne fût bien aise de mourir pour lui en faire une. La grande jeunesse de ce prince a été cause que le roi n'a pas jugé à propos qu'il occupât ce postelà; ainsi on y a mis M. Corneille le jeune.

ANECDOTES SUR LE PAPE INNOCENT XI.

Il s'appelait Benoît Odescalchi, et il choisit après san élection le nom d'Innocent XI. Il était fils d'un riche banquier de la ville de Côme dans le duché de Milan, où plusieurs gentilshommes font la banque, ainsi que dans le reste de l'Italie. Le séjour qu'il fit à Bruxelles fut cause qu'il porta les armes en Flandre pour les Espagnols, et en combattant contre la France il reçut un coup de mousquet à l'épaule droite, dont il fut incommodé toute sa vie. Lorsqu'il eut quitté la profession des armes, qui ne lui plut pas, il fit un voyage à Rome, où il connut le cardinal Pancirole, secrétaire d'état sous Innocent X, qui lui conseilla de ne pas s'y arrêter longtems, ne croyant point qu'il eût dessein de s'avancer dans l'église. Odescalchi lui témoignà qu'il avait résolu de s'attacher à la cour de Rome, et peu de tems après il acheta une charge de clerc de chambre. Elle lui donna entrée chez Dona Olimpia, belle-sœur d'Innocent X, qui était toute puissante sur l'esprit de ce pape. Il s'attacha à lui faire sa cour, joignit beaucoup de complaisance à ses assiduités, et accompagna de tems en tems sa complaisance de quelques présens; mais il les fit avec beaucoup d'adresse, en faisant naître des occasions qui semblaient devoir l'autoriser à les offrir, et lui ôter toute crainte de s'exposer à la honte d'un refus. Il en faisait aussi quelquefois en affectant un grand soin de se cacher; mais il y avait toujours quelque circonstance qui

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