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le fameux ouvrage de M. de Marca (de concordia Sacerdotii et Imperii) et un traité de M. de Launoy, qui défendait les droits des ordinaires contre les prétendus privilèges des ordres religieux. M. de Sallo, en rapportant ce décret, ajouta, avec une liberté noble qui convenait à tout citoyen, et mieux encore à un (1) magistrat, que l'ouvrage de M. Marca n'en serait pas moins estimé, puisqu'il ne contenait que des maximes trèsconstantes, et qui peuvent passer pour des lois fondamentales de cette monarchie. Il défendit de même le traité de M. de Launoy contre la censure des inquisiteurs. Le nonce se plaignit de cette hardiesse, il demanda la suppression du journal, et l'on ne voulut pas lui refuser cette satisfaction. On défendit à M. de Sallo de continuer cet ouvrage, parce qu'il avait défendu nos libertés et nos maximes, on l'eût peut-être blâmé de ne l'avoir point fait, M. Colbert même, qui le protégeait et l'aimait, n'osa s'opposer à cet acte d'autorité : quelque peu important qu'en fût l'objet, nous voyons par-là les changemens qui se sont introduits dans les principes, et les progrès que nous avons faits à certains égards.

M. de Sallo avait été aidé dans son travail par plusieurs gens de lettres : M. l'abbé Gallois, qui en était un, fut chargé de la continuation du journal des savans. M. de Sallo l'avait laissé le 30 mars 1665. L'abbé Gallois le reprit au commencement de 1666, et ne le quitta qu'en 1674. On remarque dans ses journaux beaucoup de connaissances, plus de discussion, et

(1) M. de Sallo était conseiller au Parlement.

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moins de critique que dans ceux de son prédécesseur ! son style est sec, lourd, et très-incorrect, et le peu d'exactitude avec laquelle il en publiait les cahiers, a laissé des vuides considérables, qui n'ayant point été remplis par d'autres journaux, coupent le fil de l'histoire littéraire.

Dès que le journal des savans parut, il fut universellement goûté: on en traduisit plusieurs morceaux en Latin, en Anglais, en Italien, mais on fit encore mieux en Angleterre : la société royale de Londres publia sur ce modèle les transactions philosophiques, dès la même année : c'est ce que le journal des savans appele le journal d'Angleterre.

En 1668, l'abbé Nazari publià à Rome, il Giornalè dei litterati, dans lequel, indépendamment des morceaux qu'il tirait du journal des savans il rendait un compte particulier des nouvelles littéraires de l'Italie.

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C'est en 1672, que M. de Visé publia le Mercure Galant, qu'il a continué jusqu'à sa mort en 1710. Ce nouveau journal réunissait dans son plan tout ce qui peut piquer la curiosité du plus grand nombre: évènemens politiques, militaires, civils, littéraires, etc. anecdotes galantes, poésies, énigmes, etc. Il eut le plus grand succès, malgré le peu de goût et d'intérêt qui y règne, et le ridicule dont quelques écrivains distingués voulurent le couvrir, on se souvient que la Bruyère assigna la place de cet ouvrage immédiatement au-dessous du

rien.

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Songe à les pourvoir: sans les biens,
De quoi sert la haute naissance?

Est-il un sous-fermier en France

Qui n'établisse mieux les siens?

Ne parais plus indifférent

Sur ce qu'ici je te demande :
Il est vrai, ta famille est grande;-
Mais ton pouvoir est-il moins grand?

Agis-en donc plus tendrement,
Traite tes enfans en vrai père;

Et, pour qu'il ne t'en coûte guère,
Enrichis les bons seulement.

ANECDOTES SUR M. DE FÉNÉLON.

On a dit de lui qu'il n'avait fait que des romans; un roman politique, c'est le Télémaque; un roman mystique, ce sont ses écrits sur le quiétisme; un roman théologique, ce sont ses mandemens et instructions pastorales contre le jansenisme.

Ses meilleurs ouvrages, non assurément par le fonds des choses, mais par la forme, par tout l'art et l'esprit qu'il y a mis, sont peut-être ceux qu'il a faits dans l'affaire du quiétisme. Quelqu'un qui pensait de même, lui a appliqué le mot si connu de Waller, poëte anglais, a Charles II, et a dit qu'il avait mieux réussi en fictions qu'en vérités.

La vivacité avec laquelle il défendit son livre des maximes des saints, etc. fit douter qu'il se rétractât, s'il

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était condamné à Rome; et l'on fit sur cela l'épigramme

suivante.

Quand Le Tellier (1) s'adoucira,

Quand Bossuet s'humiliera,

Quand Noailles se gouvernera,

Fénélon se rétractera.

Ces vers ne sont pas une pure satyre. L'archevêque de Reims était dur, brutal même et caustique. M. Bossuet, le premier certainement des évêques de France, par les talens et par le savoir, faisait peut-être un peu trop sentir sa supériorité. On sait le reproche indirect que lui en fit le même archevêque de Reims, dont je viens de parler. M. Bossuet, présentant à Louis XIV le célèbre père Mabillon: Sire, dit le prélat, j'ai l'honneur de présenter à votre majesté, le plus savant homme de son royaume. M. le Tellier, dit: ajoutez, et le plus humble.

Quant au cardinal de Noailles, rien de plus connu que la faiblesse de son caractère. Il dépendait absolument de ses entours. Delà ses variations, avec les intentions du monde les plus droites et les plus pures.

Les disputes de religion sont dangereuses à la religion. Cette pensée fut très-bien rendue dans les vers saivans qu'on attribue au célèbre Racine.

Dans ces fameux combats où deux prélats de France
Semblent chercher la vérité,

(1) L'archevêque de Reims.

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