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ESPRIT

DU

MERCURE DE FRANCE.

(AN 1672.)

LES FEMMES SAVANTES,

Comédie de Molière.

JAMAIS, dans une seule année, l'on ne vit tant de belles pièces de théâtre, et le fameux Molière vient de faire représenter au Palais-Royal les Femmes Savantes, pièce de sa façon, qui est tout-à-fait achevée. Bien des gens font des applications de cette comédie. Un homme de lettres est, dit-on, représenté par M. Tricotin; mais M. Molière s'est suffisamment justifié de cela par une harangue qu'il a faite au public deux jours avant la première représentation de sa pièce. D'ailleurs, ce prétendu original de cette agréable comédie ne doit pas s'en mettre en peine, s'il est aussi sage et aussi habile homme que l'on dit, et cela ne servira qu'à faire éclater

davantage son mérite, en faisant naître l'envie de le connaître, de lire ses écrits et d'aller à ses sermons (1). ;

ORIGINE DU MOT BAMBOCHE.

Chacun veut voir les tableaux du sieur Bamboche; il est renommé pour peindre merveilleusement de petites

(1) « Nous ne pensons pas, avec l'auteur du Mercure, que les Femmes Savantes aient empêché qu'on fût assis à l'aise aux sermons de l'abbé Cotin; nous ne croyons pas non plus que la harangue prononcée par Molière, avant la représentation de cette pièce, ait fait prendre le change à personne sur ses véritables intentions, et nous ne voyons dans ce discours qu'une malice du grand homme, qui voulait apprendre à ceux qui pouvaient encore l'ignorer, qu'il avait mis l'abbé Cotin en scène sous le nom de Tricotin, que Molière changea depuis en celui de Trissotin.

>> Cotin attaqué par Boileau, voulut répondre, et fit mal. Malheureusement pour lui, cet abbé s'était avisé, en 1665, de faire entrer Molière dans cette dispute; ce dernier acheva de le dégrader en l'immolant sur le théâtre.

» Boileau l'avait déjà immortalisé dans ses Satires. Voici le sujet de l'animosité de Despréaux contre Cotin.

>> Les ouvrages de Boileau commençant à faire du bruit sur le Parnasse, ce poëte souhaita d'en montrer quelques essais à l'hôtel de Rambouillet, alors souverain tribunal des beaux esprits: Chapelain, Ménage et Cotin y étaient le jour qu'il parut. Arténice et Julie louèrent beaucoup le jeune poëte; mais en même tems lui conseillèrent de consacrer ses talens à un genre

figures, auxquelles on a donné son nom. Tout le monde veut avoir des Bamboche.

EPITAPHE

D'une femme morte d'amour pour son mari.

Ici gît le corps d'une belle

Que l'amour d'un mari réduisit au trépas;
Ce qui doit étonner, c'est de voir, en ce cas,
La première mode nouvelle

Que le beau sexe n'aime pas.

FAIT HISTORIQUE.

Gand était autrefois une ville si puissante, et ses habitans si belliqueux, qu'elle n'avait qu'à faire paraitre son étendard pour faire voir cinquante mille hommes. sous les armes. Charles-Quint la jugeait d'une trèsgrande importance pour le bien de ses affaires, et cela parut lorsqu'ayant appris qu'elle s'était mutinée, il ne

de poésie moins odieux et plus généralement approuvé que n'est la satire. Chapelain, Ménage et Cotin appuyèrent la même thèse, mais durement et avec l'aigreur de gens que l'intérêt personnel anime.

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Despréaux en fut piqué, et jura in petto de se venger en tems et lieu.

» Chacun sait si Cotin eut à se repentir que Boileau n'eût pas écouté ses conseils. »

balança pas à prendre la poste, lui quatrième, et à passer par Paris, pour empêcher les suites de la révolte. Voici les propres termes dont se sert Jean-Antoine de Vera-Figueroa, comte de la Roca, dans l'histoire qu'il a composée de cet Empereur: Charles-Quint partit en poste d'Espagne avec quaire gentilshommes de sa chambre, et passa au travers de la France, sans considérer les choses qui s'opposaient à ce dessein, ne sachant même de quelle manière le roi voudrait en user. Il alla à Gand, et priva cette ville de ses priviléges, en abolissant la loi qui lui donnait pouvoir de créer des magistrats. Il l'obligea de faire bâtir une citadelle à ses dépens : on y a toujours entretenu une garnison espagnole depuis ce temslà. On voit par-là combien l'envie de sauver Gand fit hasarder à Charles-Quint, puisqu'il passa par Paris, où il pouvait craindre d'être retenu prisonnier : c'est ce qui eût pu arriver, s'il eût eu à faire à un roi moins généreux que François Ier. Je ne puis m'empêcher d'ajouter ici ce que Mathieu dit de ce voyage dans son histoire de France. Il rapporte une circonstance qui répond assez à ce qu'a écrit l'historien espagnol :

« L'Empereur passa en France pour aller aux PaysBas châtier la mutinerie de ceux de Gand, que le roi n'avait pas voulu prendre en sa protection. Il fut reçu avec toutes sortes d'honneurs, et la générosité de ces deux princes fut admirée de tous; car l'un se fiait à son ennemi, qu'il avait offense, et l'autre préférait l'honneur de sa parole au ressentiment de ses offenses, desquelles il ne lui parla jamais tant qu'il fut en France, et encore ce fut en riant. Parce que personne ne l'a écrit, et qu'il mérite d'être su, je le rapporte ici. Comme le roi entre

tenait la duchesse d'Etampe, qu'il aimait, l'Empereur
survint en sa chambre; le roi lui dit : Monsieur mon
frère, il faut que vous sachiez le conseil que cette belle
dame me donne ; elle est d'avis que je vous retienne pri-
sonnier jusqu'à ce que vous m'ayiez rendu Milan et
Naples. Vraiment, dit l'Empereur, monsieur mon frère,
clle vous conseille bien. Quoique le roi eût lâché ce mot
avec la liberté française, néanmoins l'Empereur le reçut
douteusement, et le lendemain, lavant ses mains pour
souper avec le roi, il mit en sa bouche un grand et pré-
cieux diamant, qu'il laissa cheoir, à dessein, aux pieds
de la duchesse d'Etampe, qui tenait la serviette, et si à
propos qu'elle eût moyen de le relever; et comme elle
le lui eut présenté: Il est entre trop bonnes mains, dit
Empereur, pour l'en ôter; il vaut mieux qu'il y de-
meuré, et que vous le gardiez pour
l'amour de moi, et

je vous en prie.

(1677.)

TESTAMENT DE MADEMOISELLE DUPUY.

Il ne fut jamais de testament plus extraordinaire que celui de mademoiselle Dupuy; il fait grand bruit ici : tout le monde en parle, tout le monde souhaite l'avoir, et je n'en ai pu encore recouvrer de copie entière.

Mademoiselle Dupuy est cette célèbre joueuse de harpe qui mourut il y a deux ou trois mois; et voici, entr'autres articles, ce que j'ai entendu débiter du testament dont s'agit. Il porte qu'il n'y aurait à son enter

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