Page images
PDF
EPUB

à Dieu, à cette heure amortie, étant advenue par la querelle particulière qui est de long-tems entre ces deux maisons, de laquelle ayant toujours douté qu'il adviendrait quelque mauvais effet, j'avais ci-devant fait tout ce qui m'était possible pour l'appaiser, ainsi que chaqu'un sait n'y ayant en ceci rien de rupture de mon édit de pacification, lequel je veux au contraire être entretenu autant que jamais, ainsi que je le fais savoir par tous les endroits de mon royau

[blocks in formation]

Avant que de finir cet article, nous allons rapporter l'Arrêt qui condamna la mémoire de l'amiral, en faveur de quelques-uns de nos lecteurs qui peut-être ne le connaissent pas.

» Vu par la chambre ordonnée par le roi au tems dés vacations, les informations faites à la requête du procureur du roi, suivant l'arrêt donné par ledit seigneur roi, séant en son parlement, le 29 jour d'août dernier, à l'encontre de feu Gaspard de Coligny, en son vivant amiral de France, pour raison de la conspiration n'aguères par lui faite contre le roi et son état, tranquillité et repos de ses sujets; interrogations, confessions et dénégation d'aucuns prisonniers ès prisons de la conciergerie du palais, pour raison de ladite conspiration apportée au greffe de ladite Cour, rescriptions, lettres missives, mandemens, ordonnances, mémoires, quittances et recettes dudit feu sieur de Coligny, apposés esdites missives, rescriptions, mandemens, mémoires, quittances et récépissés, et autres pièces mises par ledit procureur du roi, pardevers deux conseillers de ladite Cour, commis par ladite chambre pour

l'instruction du procès criminel dudit Coligny, ses adhérens et complices; conclusions dudit procureur général, et tout a vu et considéré : Dit a été que ladite chambre a déclaré et déclare ledit feu de Coligny avoir été crimineux de lèze-majesté, perturbateur et violateur de paix, ennemi du repos, tranquillité et sûreté publique, chef principal, auteur et conducteur de ladite conspiration faite contre le roi et son état, et damné et damne la mémoire, supprimé et supprime son nom à perpétuité; et pour réparation desdits crimes, a ordonné et ordonne que le corps dudit Coligny (si trouver se peut), sinon en figure, sera pris et traîné sur une claie, depuis les prisons de la conciergerie du palais jusques en la place de Grève, et illec pendu en une potence qui pour ce faire sera dressée et érigée devant l'hòtel de ville, et y demeurera pendu par l'espace de vingtquatre heures: ce fait porté au gibet de Monfaucon, pendu en icelui au plus haut et éminent lieu: seront les enseignes, armes et armoiries dudit feu Coligny, traînées à queues de chevaux par les rues de cette ville, et autres villes, bourgs et bourgades où elles seront trouvées avoir été mises à son honneur, et après rompues et brisées par l'exécuteur de haute-justice, en signe d'ignominie perpétuelle, en chaque lieu et carrefour où l'on a accoutumé de faire proclamations publiques. Toutes les armoiries et pourtraiture dudit de Coligny, soit en bosse ou peinture et tableaux, ou autres portraits, et quelque lieu que soient, seront cassés, rompus et lacérés et est enjoint à tous juges royaux faire exécuter le présent arrêt en ce regard, et chacun on

et

[ocr errors]

2

son endroit ; et à tous sergens de ce ressort défenses d'en garder ou retenir aucun. A déclaré et déclare tous lés biens feudaux qui furent audit feu de Coligny, tenans et mouvans immédiatement de la couronne, remis, retournés et incorporés au domaine d'icelle, et les autres fiefs et biens, tant meubles qu'immeubles acquis et confisqués au roi. A déclaré et déclare les enfans dudit feu sieur de Coligny, ignobles, vilains, rotųriers, intestables, indignes et incapables de tenir états, offices, dignités et biens en ce royaume : lesquels biens (si aucuns en ont), ladite chambre a déclaré et déclare acquis au roi. Et en outre a ordonné et ordonne que la maison seigneuriale et châtel de Châtillon sur le Loing, qui était habitation et principal domicile dudit de Coligny, ensemble la basse-cour, et tout ce qui dépend du principal manoir, seront démolis, rasés et abattus, et défenses de jamais y bàtir ni édifier; et que les arbres plantés ès entour de ladite maison et châtel, pour l'embellissement et décoration d'icelle, seront coupés par le milieu. Aussi a ordonné et ordonne qu'en l'aire dudit châtel, sera dressé et érigé pilier de pierre de taille, auquel sera mise et apposée une lame de cuivre, en laquelle sera gravé et écrit le présent arrêt : et que doresenavant par chacun an, le vingt-quatrième d'août, jour et fête de St. Barthelemi, seront faites prières publiques et processions générales en cette ville de Paris, pour rendre grâce à Dieu de la punition de ladite conspiration faite contre le roi et son état. Prononcé et exécuté, lesdites armoiries traìnées à queues de chevaux par les carrefours de cette

ville et fauxbourgs de Paris le 27. Ce 29 d'octobre l'an 1572.

Tiré des mémoires de l'état de la France sous le roi Charles IX, depuis le troisième édit de pacification fait au mois d'août 1570, jusqu'au commencement du règne d'Henri III.

( 1677, )

ELOGE D'HENRI IV.

Les vertus militaires de Henri IV sont d'abord ce qui frappe le plus dans ce prince: trois batailles, trentecinq rencontres, cent quarante combats, et trois cents siéges, sont des témoignages non suspects de son intelligence, de son activité, de sa prudence et de sa valeur.

Mais quoiqu'il ait presque toujours été dans les camps ou les armées depuis l'âge de dix-sept ans, ses mœurs n'en étaient pas moins douces rien n'égalait sa bonté. Moins roi que père de ses sujets, il aurait voulu les rendre tous heureux. Je ne serai content, s'écriait-il quelquefois, que lorsque ces malheureux attachés aux travaux de la campagne pourront, par mes soins, chaque jour de fête, mettre une poule dans leur pot. Affable et sans défiance, on l'a vu se mêler parmi le peuple, et tâcher de s'instruire, sans en être connu, du sujet de ses plaintes, afin de les faire cesser. Il se proposait d'abréger ces longues formalités de justice, qui retardent

le jugement des procès, et ruinent l'une et l'autre partie, et il laissait aux dépositaires des lois le soin de condam→ ner les coupables, ne se réservant que le droit de les absoudre. Je ne signerai jamais, disait-il, la mort d'aucun; oui, bien la grâce et le pardon. Je tiendrai toujours, en tems de paix, mes mains nettes de sang humains, bien que je ne sois jamais retourné des combats que mon épée ne fût teinte du sang de mes ennemis.

Sa clémence fut si grande qu'il pardonna aux ligueurs les plus furieux, et à ceux même qui, oubliant les bien¬ faits qu'ils avaient reçus de lui, avaient conspiré contre ses jours. Il disait souvent: Que la furie de la ligue était une rage que Dieu avait envoyée en ce royaume pour nous punir de nos fautes; qu'il fallait oublier tout ce que les ligueurs avaient fait, et ne leur en savoir non plus mauvais gré qu'à un furieux quand il frappe, ou qu'à un insensé quand il se promène tout nu. Il avait accoutumé aussi de dire: Qu'il dorait tous les jours ceux qui l'avaient plus traversé, afin que l'or de sa bonté cachât à son peuple le plomb de leur malice.

Instruit par le malheur, il connut l'amitié, et ses amis pouvaient sans danger lui montrer la vérité toute nue; mais souvent la passion de l'amour, plus forte que leurs conseils, l'entraînait malgré lui-même. Ayant fait lire à Sulli une promesse de mariage qu'il avait faite à mademoiselle de Balzac, ce ministre la déchira, en lui disant Voilà ce qu'il me semble d'une telle promesse. Henri se contenta de lui demander s'il était fou. Il est vrai, Sire, repartit Sulli, je suis un fou et un sot, et je voudrais l'être si fort que je fusse le seul en France. Cette leçon si vive ne servit qu'à augmenter l'amour du

« PreviousContinue »