Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

lettre de change, qui appartenait au prélat qui en était le porteur, et ne portait expressément : Donnez-lui le contenu en la lettre quand vous l'aurez reçu, il douta et écrivit à l'évêque de Concordia pour savoir s'il les donnerait au porteur de la lettre de change.

cun,

Bertoloni reçoit réponse de l'évêque de Concordia, et ne fit aucune difficulté de donner le tout à celui qui lui avait porté la lettre de change. Conformément à cette réponse, le 20 août Bertoloni donne les sequins, les diamans, etc. contenus en la lettre de change, dont Fava donna quittance en ces termes : J'ai reçu, moi, Carlo Pirotto, évêque de Venafry, de magnifique Antonio Bertoloni, trois mille ducats, de six livres quatre sous chaen sequins; et plus, j'ai reçu six mille trois cent cinquante-six ducats et douze gros en bagues et joyaux qu'il m'a comptés et donnés au nom et de l'ordonnance de M. l'illustrissime et révérendissime Mathieu Sanudo, évêque de Concordia: le tout vaut neuf mille trois cent cinquante-six ducats et douze gros et ne sert la présente quittance que pour une seule, avec une autre semblable que j'ai faite sur le livre de quittances dudit sieur Bertoloni je susdit, Carlo Pirotto, évêque de Venafry, ai écrit de ma propre main, et affirme ce que dessus.

[ocr errors]

Fava remercie Bertoloni des bons offices et services

qu'il avait reçus de lui, le rembourse des soixante-dix ducats payés aux courtiers pour l'achat des diamans, et voulut de plus le gratifier et récompenser de sa bonne réception; mais Bertoloni, en faveur de la recommandation faite par l'évêque de Condordia, et pensant obliger, en Faya, l'évêque de Venafry, traita noblement et

en marchand vénitien, et ne voulut ni gratification, ni paiement de la provision qui lui était offerte et légitimement due.

Avant que de partir de Venise, Fava voulut avoir de quoi faire les frais de son voyage: il y avait trois ou quatre jours qu'il avait remarqué qu'au cabinet ou il couchait, Bertoloni tenait de l'argent en un coffre, il crocheta la serrure, ouvrit le coffre, prit dedans quatre cents écus en or, et le referma de façon qu'on ne pouvait reconnaître qu'il eût été ouvert.

Ainsi Fava, suivi de son beau-frère Jean-Pierre Oliva, accompagné de Bertoloni, part de Venise pour retourner à Padoue vers l'évêque de Concordia. Lorsqu'il fut arrivé, il rendit un compte fidèle de toutes les marques de distinction qu'il avait reçues de Bertoloni. L'évêque le voulut retenir à dîner, mais il s'en excusa sur ce qu'il dit qu'il était pressé de se rendre à Turin auprès du marquis d'Est, pour donner ordre à ses affaires, et qu'il boirait un coup seulement en passant par l'auberge où il était logé; il demanda D. Martin, mais l'évêque de Concordia, ni Bertoloni ne jugèrent pas à propos de le lui donnerpour compagnie, de crainte que si il lui arrivait d'être volé, il ne soupçonnât D. Martin : ils lui dirent qu'il n'était pas au logis. Sur cette réponse il partit de Padoue, accompagné de Jean-Pierre Oliva.

Bertoloni retourne à Venise, et sept ou huit jours après son retour, il se fait payer par Ange Bossa des neuf mille trois cent cinquante-six ducats douze gros, contenus en la lettre de change, qu'il avait avancés et déboursés pour lui. Le lendemain de ce paiement vient

un courrier expres de Naples, envoyé par Alexandre Bossa, qui apporte nouvelle que ledit Alexandre Bossa n'avait donné aucune lettre de change au sieur marquis de Saint-Arme, et ne savait ce que c'était que cette affaire. Aussitôt Ange Bossa fait informer à Venise contre Carlo Pirotto, soi-disant évêque de Venafry, et obtient décret des sieurs juges de la Nuit. L'évêque de Concordia, Bertoloni, Bossa, Bordelani, chacun est en campagne pour trouver Fava, et savoir quel chemin il a pris. D. Martin monte à cheval, et le va chercher en Flandres, où il avait entendu dire qu'il devait aller; mais ce fut en vain. Tout ce que l'on put faire fut d'envoyer par les provinces d'Italie, et hors d'Italie même, des mémoires contenant le nombre, la qualité, la facture, le prix et le poids des diamans, perles et chaînes d'or qui avaient été volés, le bois et la façon des boîtes dans lesquelles étaient les diamans, attachés sur cire rouge, avec désignation des étoiles, chiffres, lettres, et autres remarques qui étaient sur icelles, afin que si quelqu'un les exposait en vente, l'on s'en saisît; et par ce mémoire l'on promettait de donner un quart de ce qui serait recouvré à ceux qui le découvriraient. Un de ces mémoires est envoyé au sieur Lumagnes, marchand et banquier à Paris, qui en fait faire quelques copies, et les donne à quelques orfévres.

Quant à Fava, au lieu de prendre le chemin de Turin, il était retourné à Castelarca, en sa maison; et là donne à entendre à sa femme que ses affaires étaient faites, qu'il avait reçu plusieurs deniers de ses débiteurs, que le tems était venu d'aller en France pour y faire fortune; la détermine à faire le voyage, et sur cette résolution prend ses sequins, diamans, perles, chaînes d'or, et

,

avec sa femme, ses trois enfans, Octavien Oliva, et JeanPierre Oliva, frères de sa femme, part de Castelarca, tient pays, repasse par Venise, traverse la Suisse, joint la France, et arrive à Paris au mois de novembre, et s'y loge en chambre garnie.

Pendant qu'il attendait des nouvelles d'un Coursina, apothicaire, à qui il avait écrit en Flandres, afin de se retirer tous deux vers le Poitou, pour y exercer la médecine et l'apothicairerie, il tâche de vendre ses diamans, et pour cet effet le samedi 12 janvier de cette année, va sur le pont au Change, où, après avoir quelque tems considéré l'air des marchands et des boutiques où il pouvait plus à propos faire sa vente et être moins découvert, il s'adressa à un orfévre tenant une petite boutique vers l'église Saint-Leufroy, lui faisant entendre le mieux qu'il put, moitié italien, moitié français, qu'il cherchait un courtier pour lui faire vendre. une quantité de diamans qu'il avait. Sur les offres que lui fit l'orfévre de lui servir lui-même de courtier, et de lui faire vendre ses diamans, il en montra quatre petites boîtes, et les laissa, ayant pris récépissé de lui, et dit. qu'il reviendrait dans quatre heures pour savoir s'il aurait trouvé marchand.

Pendant ces quatre heures, l'orfévre cherche marchand, et fait la montre des quatre boîtes de diamans. Un lapidaire et un marchand jouailler, qui avaient vu le mémoire envoyé de Venise, se rencontrent à cette montre, et ayant jugé, aux inarques des boîtes, que c'étaient les diamans recommandés et contenus en ce mémoire, ils en conférent avec l'orfévre, et s'associent tous trois au quart promis par le mémoire à ceux qui re

couvreraient les effets perdus. Aussitôt ils donnent avis de cette affaire à un lieutenant de la connétablie, lequel se tient prêt à l'heure que Fava devait retourner pour savoir des nouvelles de ses diamans, prend une robe de chambre, feint d'être marchand, et de vouloir acheter les diamans de Fava; mais qu'il en voudrait acheter une plus grande quantité. Cela engagea Fava d'en montrer encore dix autres boîtes, lesquelles, comme les quatre premières, furent reconnues être celles désignées dans le mémoire envoyé de Venise. Comme Fava considérait le mouvement de ces marchands, qui regardaient la forme des boîtes, les lettres et chiffres marqués dessus, commença d'entrer en défiance, 'et, pour éviter le malheur dont il était menacé, il feignit d'avoir un rendezvous pour affaires très-pressées avec un homme qui l'attendait chez lui, et promet de revenir incessamment, et qu'il laisserait les diam ans pour être vus. Le lieutenant lui déclara alors sa qualité, se saisit de lui, et lui dit qu'il était averti qu'il avait encore d'autres diamans, perles et chaînes d'or, qu'il fallait promptement montrer. Fava avoua qu'il avait encore dix boîtes de diamans, des perles et chaines d'or en son logis, mais qu'il les avait bien achetées, et qu'il était homme d'honneur et bon marchand. Sur cette reconnaissance, le lieutenant accompagné de l'orfévre et de ses archers, se transporta à la chambre de Fava, où il trouva les effets désignés, excepté une perle et un petit diamant de deux ducats et derni, qui avaient été perdus en ouvrant et maniant les boîtes, et de plus, huit cents sequins d'or; sur quoi il dresse son procès-verbal, et fait faire inventaire et estî-' mation desdits effets.

« PreviousContinue »